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19/12/2013 | FRANCE | N°13LY02300

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 19 décembre 2013, 13LY02300


Vu la requête, enregistrée le 19 août 2013, présentée par le préfet du Rhône, qui demande à la Cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 1302234 du 16 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon, en premier lieu, a annulé ses décisions du 19 février 2013 refusant la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour à Mme C...et décidant sa remise aux autorités espagnoles ainsi que sa décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur le recours gracieux présenté le 19 mars 2013 par MmeC..., en deuxième lieu, lui a enjoint de dé

livrer à Mme C...une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze j...

Vu la requête, enregistrée le 19 août 2013, présentée par le préfet du Rhône, qui demande à la Cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 1302234 du 16 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon, en premier lieu, a annulé ses décisions du 19 février 2013 refusant la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour à Mme C...et décidant sa remise aux autorités espagnoles ainsi que sa décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur le recours gracieux présenté le 19 mars 2013 par MmeC..., en deuxième lieu, lui a enjoint de délivrer à Mme C...une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement et, enfin, a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser à Me A...sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle accordée à MmeC... ;

2°) d'annuler le jugement susvisé du 16 juillet 2013 ;

3°) de mettre à la charge de Mme C...une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le préfet du Rhône soutient que :

- le tribunal a dénaturé les faits de l'espèce en l'absence de toute preuve solide des allégations de Mme C...quant aux risques auxquels celle-ci serait exposée en cas de réadmission en Espagne et quant à l'origine des blessures qu'elle présente ;

- le tribunal a omis de s'interroger sur les capacités de l'Etat espagnol à remplir ses obligations de protection vis-à-vis d'un demandeur d'asile ressortissant d'un Etat tiers qui fait l'objet d'une décision de remise ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2013, présenté pour Mme E... C..., domiciliée ...BP 77412 à Lyon Cedex 07 (69347), qui conclut au rejet de la requête du préfet du Rhône, à ce qu'il soit prescrit au préfet du Rhône de procéder à l'enregistrement du dossier de sa demande d'asile, de lui délivrer le formulaire de demande d'asile ainsi qu'une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile dans le délai de 24 heures à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jours de retard ; à titre subsidiaire d'enjoindre au préfet du Rhône de procéder au réexamen de sa situation et, en outre, à ce que l'Etat verse à son conseil une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

Mme C...soutient que :

- le préfet du Rhône n'est pas fondé à contester son identité alors que l'authenticité de son passeport produit en original lors de sa présentation en préfecture le 9 janvier 2013 n'a jamais été remise en cause et alors que devant le tribunal de tels doutes n'ont jamais été émis ;

- le préfet du Rhône ne saurait alléguer, alors que malgré l'injonction qui lui a été faite elle est toujours démunie de tout document de séjour, qu'elle aurait manifesté en se maintenant en France au-delà de l'audience du 2 juillet 2013, dans l'attente du jugement attaqué qui lui a été favorable, un comportement caractérisant la fuite au sens du règlement CE n° 343/2003 ;

- c'est à tort que le préfet du Rhône considère que le tribunal n'a pas procédé à un examen sérieux des risques allégués en cas de retour en Espagne et de la capacité de cet Etat de remise à répondre aux craintes supposées alors qu'elle justifie de la réalité de son parcours personnel et des menaces qui sont proférées à son égard ;

- dès lors que l'autorité administrative saisie d'une demande d'asile, alors même qu'un tel examen relève de la responsabilité d'un autre Etat, a la faculté d'examiner lui-même cette demande et que l'exposante justifie d'une situation particulière et de craintes réelles en cas de transfert en Espagne, elle est en droit d'invoquer le bénéfice de la clause dérogatoire édictée par l'article 3-2 du règlement CEE n° 343/2003 ;

- il n'y a plus lieu de faire droit aux conclusions de la requête aux fins de sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Lyon, dans la mesure où la décision du 19 février 2013 de refus d'admission au séjour et de réadmission n'est plus exécutoire ; que les autorités espagnoles ayant accepté leur compétence par une décision du 6 février 2013, le préfet du Rhône devait, en application des dispositions de l'article 20-1 du règlement CE n° 343/2003, mettre en oeuvre le transfert effectif de l'exposante avant le 6 août 2013 ;

- la décision du 19 février 2013 de refus d'admission au séjour et de réadmission est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne fait état d'aucun motif justifiant l'application à la situation de la requérante de l'article 15 du règlement CE n° 343/2003, ni d'aucune violation de l'article 3-4 dudit règlement ;

- la décision a été prise sans que le préfet du Rhône ait procédé à un examen particulier et complet de la situation de l'exposante ;

- la décision a été prise par une autorité qui n'avait pas la compétence pour la prendre ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit, dès lors que l'exposante justifie d'une situation qui lui permet de bénéficier de la clause humanitaire prévue à l'article 3-2 du règlement CE n° 343/2003 ;

- la décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que la seule remise lors de la demande d'un document général sur la procédure puis l'assistance d'un interprète à la seule notification de cette décision portent une atteinte grave au droit d'asile ;

- la décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 3-4 du règlement CE n° 343/2003, dès lors que l'exposante n'a pas eu connaissance en temps utile, ni de la demande des autorités françaises aux autorités espagnoles, ni des termes de l'accord conclu entre ces autorités, ni même de l'existence de cet accord avant que ce dernier ne soit mentionné dans la décision et dans la notification de cette dernière ;

- la décision a été prise en méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de l'exposante ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 octobre 2013, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre que Mme C... ne justifie pas à ce jour ne pas pouvoir recevoir des soins médicaux en Espagne, à supposer ceux-ci nécessaires ; qu'elle ne justifie pas ne pas pouvoir bénéficier des protections des services de police espagnols, à supposer les menaces qu'elle évoque avérées et alors qu'elle ne justifie d'aucune démarche faite vis-à-vis de ces autorités ;

Vu l'ordonnance en date du 9 octobre 2013 fixant la clôture d'instruction au 25 octobre 2013, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 octobre 2013, présenté pour Mme C...qui conclut au rejet de la requête du préfet du Rhône pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés et, en outre, pour le motif que la requête est irrecevable faute d'avoir été présentée de manière distincte du recours aux fins de sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Lyon, n° 1302234, rendu en faveur de la requérante et faute d'être accompagnée de ce recours en appel ;

Vu l'ordonnance en date du 19 novembre 2013 rouvrant l'instruction jusqu'au 27 novembre 2013, en application des articles R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu la pièce complémentaire, enregistrée le 19 novembre 2013, présentée pour Mme C... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 19 septembre 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme C...;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 2013 :

- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur ;

- les observations de MeB..., représentant MmeC... ;

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme E...C..., née le 16 septembre 1985, ressortissante nigériane, est entrée en France selon ses déclarations le 15 novembre 2012 en provenance d'Espagne ; qu'elle a déposé une demande d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile auprès du préfet du Rhône le 9 janvier 2013 ; que le préfet du Rhône, après avoir constaté que l'intéressée avait déjà déposé une demande d'asile auprès des autorités espagnoles, a adressé une demande de réadmission à ces dernières, le 25 janvier 2013, en application du c) de l'article 16-1 du règlement (CE) n° 343/2003 susvisé ; que, par décision, en date du 6 février 2012, les autorités espagnoles ont accepté la reprise en charge de l'intéressée sur le fondement de l'article 16-1 e) du même règlement ; que par décision du19 février 2013, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et a décidé sa remise aux autorités espagnoles ; que Mme C...a présenté un recours gracieux le 19 mars 2013, reçu le 20 mars 2013, à l'encontre de cette décision ; que le silence gardé par l'administration a fait naître une décision implicite de rejet de son recours, le 20 mai 2013 ; que le préfet du Rhône relève appel du jugement du 16 juillet 2013 du Tribunal administratif de Lyon qui a fait droit à la demande de Mme C...d'annuler sa décision explicite du 19 février 2013 ainsi que sa décision implicite du 20 mai 2013 et qui lui a enjoint de délivrer à Mme C...une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement en vue de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, enfin, a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la du 10 juillet 1991 ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme C...:

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-17-1 du code de justice administrative : " A peine d'irrecevabilité, les conclusions tendant, en application des dispositions des articles R. 811-15 à R. 811-17, au sursis à l'exécution de la décision de première instance attaquée doivent être présentées par requête distincte du recours en appel et accompagnées d'une copie de ce recours " ;

3. Considérant que la fin de non-recevoir opposée par MmeC..., tirée de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 811-17-1 précité, lesquelles concernent la recevabilité des conclusions tendant à ce que soit ordonné le sursis à exécution d'un jugement, ne saurait utilement être opposée aux conclusions susvisées de la requête du préfet du Rhône tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 16 juillet 2013 ;

Sur les conclusions du préfet du Rhône aux fins d'annulation du jugement du Tribunal administratif de Lyon :

4. Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission en France d'un demandeur d'asile lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

5. Considérant que le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 pose en principe dans le paragraphe 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul État membre ; que cet État est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre ; que l'application de ces critères est écartée en cas de mise en oeuvre soit de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 2 de l'article 3 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un État membre, soit de la clause humanitaire définie par l'article 15 du règlement ; que la mise en oeuvre par les autorités françaises tant de l'article 3, paragraphe 2 que de l'article 15 du règlement doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, aux termes duquel : " (...) les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif " ;

6. Considérant que l'article 15 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, mentionné au point 5, dispose que : " 1. Tout État membre peut, même s'il n'est pas responsable en application des critères définis par le présent règlement, rapprocher des membres d'une même famille, ainsi que d'autres parents à charge pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels. Dans ce cas, cet État membre examine, à la demande d'un autre État membre, la demande d'asile de la personne concernée. Les personnes concernées doivent y consentir. / 2. Lorsque la personne concernée est dépendante de l'assistance de l'autre du fait d'une grossesse ou d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, les États membres laissent normalement ensemble ou rapprochent le demandeur d'asile et un autre membre de sa famille présent sur le territoire de l'un des États membres, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine. / 3. Si le demandeur d'asile est un mineur non accompagné et qu'un ou plusieurs membres de sa famille se trouvant dans un autre État membre peuvent s'occuper de lui, les États membres réunissent si possible le mineur et le ou les membres de sa famille, à moins que ce ne soit pas dans l'intérêt du mineur (...) " ;

7. Considérant que pour annuler la décision du préfet du Rhône du 19 février 2013 et accueillir la demande de MmeC..., le Tribunal administratif de Lyon a estimé que le préfet a méconnu les dispositions précitées de l'article 15 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 en refusant de faire application de la clause humanitaire qu'il instaure au motif, d'une part, que l'intéressée exposait qu'elle s'était réfugiée en France afin de fuir le réseau de prostitution espagnol qui l'exploitait depuis quatre années, d'autre part, que les certificats médicaux versés au dossier faisaient état de multiples fractures ainsi que d'un syndrome de stress post-traumatique et précisaient qu'il existait un risque de réactivation des symptômes en cas de retour en Espagne et enfin, qu'un bulletin d'hospitalisation espagnol permettait d'établir que la requérante avait été admise aux urgences, puis hospitalisée du 22 novembre 2011 au 14 décembre 2011 dans ce pays suite à une défenestration et que de telles circonstances étaient de nature à faire obstacle à son renvoi en Espagne et justifiaient que sa demande d'asile soit examinée en France ;

8. Considérant toutefois que la réalité des faits de prostitution forcée et de surveillance exercée sur Mme C...par des personnes participant à une entreprise de proxénétisme organisé n'est aucunement prouvée par la seule production d'un simple récit dactylographié et entaché de contradictions de la vie de l'intéressée entre la date de son mariage au Nigéria à la fin de l'année 2005 et son entrée en France en novembre 2012 ; que si Mme C...établit avoir été victime d'un accident qui l'a conduite à être admise dans un service d'urgences médicales, puis hospitalisée dans un établissement de soins espagnol du 22 novembre 2011 au 14 décembre 2011, les faits évoqués comme étant à l'origine de cet accident ne sont aucunement prouvés ; qu'à supposer même établie la réalité des faits allégués, Mme C...ne soutient ni même n'allègue que l'Etat espagnol ne serait pas en mesure de la protéger efficacement contre ses agresseurs ; que, dès lors que l'Espagne est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés complétée par le Protocole de New York qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Mme C...ne saurait utilement se prévaloir des modalités d'application des règles relatives à l'asile par les autorités espagnoles pour prétendre que sa réadmission en Espagne serait constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile ; que la production du certificat médical en date du 14 juin 2013 du docteur Souweine, médecin généraliste à Lyon ou celle de la lettre en date du 28 octobre 2013 du docteur Cézanne-Bert du centre hospitalier Le Vinatier de Lyon au docteur Souweine, ne permet pas de prouver que la situation psychologique de Mme C...s'opposerait à son renvoi en Espagne afin que la demande d'asile qu'elle y a déposé soit instruite ; que, par suite, la décision du préfet du Rhône ne faisant pas application à Mme C...de la dérogation prévue aux articles 3-2 ou 15 du règlement communautaire n° 343/2003 du 18 février 2003 n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que pour annuler les décisions du 19 février 2013 qui refusaient à Mme C... la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour et décidaient sa remise aux autorités espagnoles ainsi que sa décision implicite de rejet de son recours gracieux, le Tribunal administratif de Lyon a accueilli le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ;

10. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par MmeC..., tant devant le Tribunal administratif de Lyon que devant la Cour ;

Sur la légalité des décisions du préfet du Rhône :

11. Considérant, en premier lieu, que les décisions contestées ont été signées par Mme D..., chef du bureau du droit d'asile, qui a reçu délégation du préfet du Rhône à fin de signer, en cas d'absence ou d'empêchement du chef du service de l'immigration et de l'intégration, les actes établis par son bureau à l'exception de certains actes parmi lesquels la décision attaquée ne figure pas, par un arrêté du 14 janvier 2013, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 15 janvier ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contestées doit être écarté ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que Mme C...a déposé, le 8 mai 2007, auprès des autorités espagnoles une demande d'asile enregistrée sous le numéro " ES 1 0728050800300 " ; que le préfet du Rhône lui a refusé l'admission au séjour par une décision du 19 février 2013 ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe ne fait obligation au préfet, lorsqu'il décide de refuser l'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile au motif que l'examen de la demande incombe à un autre Etat membre en application du règlement (CE) n° 343-2003 du 18 février 2003, de faire état de ce qu'il n'y a pas lieu de faire application, au bénéfice de l'étranger, de la clause de souveraineté prévue à l'article 15 de ce règlement (CE) ; que l'arrêté contesté comporte en outre l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision manque en fait ;

13. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 du règlement n° 343/2003 du 18 février 2003 : " 1. Les États membres examinent toute demande d'asile présentée par un ressortissant d'un pays tiers à l'un quelconque d'entre eux, que ce soit à la frontière ou sur le territoire de l'État membre concerné. La demande d'asile est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Par dérogation au paragraphe 1, chaque État membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. Dans ce cas, cet État devient l'État membre responsable au sens du présent règlement et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe l'État membre antérieurement responsable, celui qui conduit une procédure de détermination de l'État membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge. / 3. Tout État membre conserve la possibilité, en application de son droit national, d'envoyer un demandeur d'asile vers un État tiers, dans le respect des dispositions de la convention de Genève. / 4. Le demandeur d'asile est informé par écrit, dans une langue dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend, au sujet de l'application du présent règlement, des délais qu'il prévoit et de ses effets. " ;

14. Considérant que si ces dispositions imposent au préfet de porter à la connaissance du demandeur d'asile non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, faisant l'objet d'une remise à un pays membre de l'Union, par écrit, dans une langue dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend, des conditions d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003, des délais qu'il impose et de ses effets, elles ne prévoient pas l'obligation de l'inviter à formuler des observations préalables ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été prise en violation de la procédure prévue à l'article 3 précité du règlement (CE) n° 343/2003 doit être écarté ;

15. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône, qui n'a aucunement justifié sa décision du 19 février 2013 par l'existence chez l'intéressée d'un comportement caractérisant la fuite au sens du règlement CE n° 343/2003 du 18 février 2003, n'ait pas envisagé de faire usage de la clause de souveraineté prévue au paragraphe 2 de l'article 3 précité du règlement n° 343/2003 et se serait cru tenu d'ordonner la remise aux autorités espagnoles de MmeC... ; que, par suite, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Rhône aurait méconnu le paragraphe 2 de l'article 3 dudit règlement ;

16. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 19 du règlement n° 343/2003 : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge d'un demandeur, l'État membre dans lequel la demande d'asile a été introduite notifie au demandeur la décision de ne pas examiner la demande, ainsi que l'obligation de le transférer vers l'État membre responsable. / 2. La décision visée au paragraphe 1 est motivée. Elle est assortie des indications de délai relatives à la mise en oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, les informations relatives au lieu et à la date auxquels le demandeur doit se présenter s'il se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. Cette décision est susceptible d'un recours ou d'une révision. Ce recours ou cette révision n'a pas d'effet suspensif sur l'exécution du transfert, sauf lorsque les tribunaux ou les instances compétentes le décident, au cas par cas, si la législation nationale le permet. " ;

17. Considérant que le préfet du Rhône a saisi les autorités espagnoles d'une demande de réadmission de Mme C...le 25 janvier 2013 ; que, par une décision du 6 février 2013, celles-ci ont répondu favorablement à cette demande ; que, le préfet du Rhône qui a signé cette décision l'a régulièrement notifiée à l'intéressée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 19 précité du règlement n° 343/2003 doit être écarté ;

18. Considérant, en sixième lieu, qu'il ressort des dispositions précitées du règlement (CE) n° 343/2003 que l'application de la clause humanitaire par les autorités administratives peut être justifiée par le handicap du demandeur d'asile ; que si Mme C...souffre ainsi qu'elle l'atteste des séquelles de fractures, elle n'établit pas être depuis cet accident affectée d'un handicap physique ; qu'ainsi qu'il a été dit, la seule production du certificat médical en date du 14 juin 2013 du docteur Souweine et de la lettre en date du 28 octobre 2013 du docteur Cézanne-Bert évoquant toutes deux la persistance d'une fragilité psychologique s'inscrivant sur un fond d'anxiété ne permet pas de prouver que la situation médicale de Mme C... serait d'une gravité telle qu'elle constituerait pour cette dernière un handicap au sens desdites dispositions ;

19. Considérant, en septième lieu, que MmeC..., célibataire et sans enfant à charge, est entrée récemment en France où elle est complètement isolée ; que la circonstance qu'elle soit à ce jour médicalement suivie par des médecins français, ne permet pas de justifier une atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

20. Considérant, en huitième lieu, que, compte tenu de la situation personnelle et familiale de MmeC..., ainsi que de ses conditions d'entrée et de séjour sur le territoire français, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône a commis, en ordonnant sa remise aux autorités espagnoles, une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation ;

21. Considérant, en neuvième lieu, que la lettre du 19 février 2013 refusant à Mme C... la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour et décidant sa remise aux autorités espagnoles ainsi que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur le recours gracieux présenté par cette dernière le 19 mars 2013 n'emportent pas par elles-mêmes le renvoi de l'intéressée au Nigéria ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine est par suite inopérant ;

22. Considérant, en dernier lieu, que si Mme C...soutient que le préfet du Rhône contesterait son identité alors que l'authenticité de son passeport produit en original lors de sa présentation en préfecture le 9 janvier 2013 n'aurait jamais été remise en cause et alors que devant le tribunal de tels doutes n'ont jamais été émis sur son identité, ce moyen manque en fait ;

23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à contester tant la légalité des décisions du préfet du Rhône du 19 février 2013 lui refusant la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour et décidant sa remise aux autorités espagnoles que celle de la décision implicite de rejet de son recours gracieux ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction qu'elle présente devant la Cour ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions du préfet du Rhône aux fins de sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Lyon :

24. Considérant que, dès lors que le présent arrêt statue sur les conclusions de la requête à fin d'annulation du jugement attaqué, les conclusions présentées par le préfet du Rhône tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de ces conclusions, il n'y pas lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

25. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du préfet du Rhône présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

26. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de Mme C...de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1302234 du 16 juillet 2013 du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le Tribunal administratif de Lyon et les conclusions présentées par Mme C...devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du préfet du Rhône tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 16 juillet 2013 du Tribunal administratif de Lyon.

Article 4 : Les conclusions du préfet du Rhône tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet du Rhône et à Mme E...C....

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Wyss, président de chambre,

M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

M. Dursapt, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 décembre 2013.

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N°13LY002300

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02300
Date de la décision : 19/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-01-01 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité interne. Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite. Demandeurs d'asile.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: M. Olivier MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-12-19;13ly02300 ?
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