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19/12/2013 | FRANCE | N°13LY00268

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 19 décembre 2013, 13LY00268


Vu la requête, enregistrée le 4 février 2013, présentée pour M. C...B..., domicilié ... ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200919 du 12 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision n° 221/2011 en date du 4 novembre 2011 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Sens l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Sens, une somme de 3 000 euros s

ur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;...

Vu la requête, enregistrée le 4 février 2013, présentée pour M. C...B..., domicilié ... ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200919 du 12 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision n° 221/2011 en date du 4 novembre 2011 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Sens l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Sens, une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. B...soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur l'exception d'illégalité du rapport de l'administrateur de garde en date du 2 octobre 2011 ;

- le rapport de garde du 2 octobre 2011 qui constitue une pièce sur laquelle toute la procédure repose, ne peut être authentifié et fait état de faits qui sont matériellement inexacts ;

- dès lors qu'aucune circonstance exceptionnelle, ni aucun facteur d'urgence, en liaison avec un comportement professionnel défaillant qu'il aurait eu, ne peuvent être rapportés, la décision attaquée est illégale pour avoir été rendue par une autorité incompétente ;

- la décision attaquée constituant une sanction disciplinaire, elle devait être motivée et respecter la procédure applicable en la matière ; elle devait être également motivée, dès lors qu'elle constitue une restriction à une liberté publique ainsi qu'une décision exceptionnelle dérogatoire au sens des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et qu'elle ne constitue pas une mesure d'urgence absolue dispensée de motivation par les dispositions de l'article 4 de cette même loi ;

- en prévoyant le caractère reconductible de la mesure de suspension, la décision attaquée est entachée d'erreur de droit ;

- la décision repose sur des faits qui ne sont pas établis ;

- en l'absence d'éléments à charge mettant sérieusement en péril la continuité du service ou la sécurité des patients, la décision de suspension repose sur une erreur de qualification juridique des faits ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, tant dans ses conséquences, que dans sa durée ;

- cette décision qui vise à l'écarter du service au préjudice de l'intérêt général et qui a été prise sur la base d'un protocole d'organisation du service d'otorhinolaryngologie illégal est entachée de détournement de pouvoir ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2013, présenté pour le centre hospitalier de Sens qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- dès lors que le 1er octobre 2011, M. B...a refusé, une fois de plus, d'examiner les patients pris en charge par les urgences et relevant de sa spécialité, son comportement porte atteinte à la qualité et à la continuité des soins et la directrice du centre hospitalier était compétente pour prendre la décision de le suspendre ;

- une décision de suspension à titre conservatoire n'a pas à être motivée, ni à être précédée des garanties disciplinaires ;

- les faits qui ont été à l'origine de la décision de suspendre l'intéressé et qui ne sont pas isolés, ne sont pas sérieusement contestés ;

- les risques pour la sécurité des patients et la continuité du service public, ainsi que la situation d'urgence créée par ces risques justifiaient la décision contestée ;

- dès lors que la décision attaquée a été prise uniquement dans l'intérêt du service, le détournement de pouvoir allégué n'est pas démontré ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 avril 2013, présenté pour M. B...qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 novembre 2013, présenté pour M. B...qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 2013 :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant le centre hospitalier de Sens ;

1. Considérant que, par une décision en date du 4 novembre 2011, le directeur du centre hospitalier de Sens a suspendu le docteurB..., praticien hospitalier à temps plein au sein du service d'otorhinolaryngologie (ORL), à titre conservatoire et dans l'intérêt du service, à compter du 5 novembre 2011 ; que M. B...relève appel du jugement du 12 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 novembre 2011 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort des termes mêmes du jugement attaqué qu'il a répondu, en l'écartant, au moyen tiré de ce que les faits mentionnés dans le rapport du 2 octobre 2011 établi par l'administrateur de garde du centre hospitalier seraient erronés ; qu'il en résulte que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre au détail de l'argumentation exposée par le requérant au soutien de ce moyen, ont nécessairement écarté, l'argument tiré de ce que ce rapport n'aurait aucune valeur probante et qu'il ne pouvait légalement être pris en compte dans les motifs de la décision attaquée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer doit être écarté comme manquant en fait ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

3. Considérant, en premier lieu, que la mesure prise par le directeur du centre hospitalier, qui a un caractère conservatoire et ne constitue pas une sanction disciplinaire, n'est pas au nombre de celles qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le directeur d'un centre hospitalier qui, aux termes de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, exerce son autorité sur l'ensemble du personnel de son établissement, peut légalement, lorsque la situation exige qu'une mesure conservatoire soit prise en urgence pour assurer la sécurité des malades et la continuité du service, décider de suspendre les activités cliniques et thérapeutiques d'un praticien hospitalier au sein du centre, sous le contrôle du juge et à condition d'en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné ;

5. Considérant, que le directeur du centre hospitalier a relevé, à l'encontre de M.B..., qu'à la suite d'incidents survenus le 1er octobre 2011, la responsabilité de ce dernier était susceptible d'être engagée, que son comportement créerait de graves dysfonctionnements dans l'établissement, et plus particulièrement au sein du service ORL et qu'il " nuit à la qualité des soins et à la sécurité des patients " ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du compte-rendu de la réunion sur le protocole d'organisation du service ORL du centre hospitalier en date du 22 septembre 2009, que M. B...refusait d'examiner des patients pris en charge au service des urgences et relevant de sa spécialité, en méconnaissance du règlement intérieur de ce service ; qu'en dépit de l'élaboration du protocole d'organisation du service ORL signé, le 28 septembre 2009, M. B...a persisté, à plusieurs reprises, à refuser de prendre en charge des patients admis au service des urgences et relevant de sa spécialité ; que, conformément au point V du protocole précité, ces refus ont été relevés par l'administrateur de garde notamment pour les journées du 11 mars 2010, du 24 décembre 2010, des 6, 16 et 27 janvier 2011; que la décision attaquée a été prise à la suite d'un nouveau refus de M. B...de se conformer au protocole d'organisation du service ORL et d'examiner des patients admis au service d'urgence, le 1er octobre 2011, et relevant de sa spécialité, alors qu'il était d'astreinte ; que ce refus a fait l'objet du rapport de l'administrateur de garde, en date du 2 octobre 2011, sur lequel la décision litigeuse est fondée ; que le directeur du centre hospitalier a pu valablement prendre en compte les faits consignés dans ce rapport qui, contrairement à ce que soutient M. B...est daté et signé par son auteur ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, la réalité des ces faits a été reconnue par le rapport d'inspection de l'agence régionale de santé de Bourgogne établi en septembre 2012 ; qu'ils ne sont pas sérieusement contredits par le requérant qui se borne à alléguer que le protocole précité du 28 septembre 2009 serait illégal ; qu'il ressort également des pièces du dossier que le comportement de M. B...risquait d'avoir pour effet de provoquer le départ de plusieurs de ses collègues ; qu'une telle situation compromettait de manière grave et imminente la continuité du service et faisait courir des risques à la santé des patients ; que, compte tenu de ces seuls faits qui constituent des circonstances exceptionnelles et eu égard à l'urgence, le directeur du centre hospitalier de Sens, qui exerce, aux termes de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, son autorité sur l'ensemble des personnels de son établissement, pouvait légalement, pour assurer la continuité du service et prévenir de graves incidents, décider de suspendre M. B...de ses activités ; que les circonstances que M. B...aurait assurer une astreinte le 7 novembre 2011, qu'il n'aurait fait l'objet d'aucune poursuite de la part de patients et qu'il aurait recueilli des témoignages en sa faveur de la part de certains de ses collègues ne sont pas de nature à établir qu'à la date à laquelle elle a été prise, la mesure de suspension attaquée n'aurait pas été justifiée dans l'intérêt du service et eu égard à l'urgence de la situation ; que, dès lors, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation ;

6. Considérant, en troisième lieu, que, compte tenu des motifs pour lesquels a été prise la décision contestée, mettant en évidence les risques présentés par le comportement de M. B... pour la sécurité des patients et la continuité du service, les dispositions précitées de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique donnaient compétence au directeur du centre hospitalier de Sens pour l'édicter ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que la décision attaquée ait prévu la possibilité de son renouvellement est sans incidence sur sa légalité, s'agissant d'une mesure dont le caractère est par nature conservatoire et pour laquelle aucun texte ni aucun principe n'impose de fixer une durée ;

8. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que le directeur du centre hospitalier ayant légalement prononcé la suspension de M. B...sur le fondement des dispositions de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, le moyen tiré du détournement de pouvoir dont la décision serait entachée doit être écarté ; que le requérant ne peut utilement invoquer à l'encontre de la décision attaquée la circonstance que le protocole précité du 28 septembre 2009 serait illégal ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de M. B...tendant à l'annulation de la décision en date du 4 novembre 2011 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Sens l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire doit être rejetée ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Sens, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Sens ;

DECIDE :

Article 1er: La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : M. B...versera une somme de 1 500 euros au centre hospitalier de Sens au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au centre hospitalier de Sens.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 décembre 2013.

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N° 13LY00268


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00268
Date de la décision : 19/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-11-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Dispositions propres aux personnels hospitaliers. Personnel médical. Praticiens à temps plein.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : DEBUT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-12-19;13ly00268 ?
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