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17/12/2013 | FRANCE | N°13LY00121

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 17 décembre 2013, 13LY00121


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 janvier 2013, présentée pour Mme E...A..., domiciliée... ;

Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203993 du 11 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 7 mai 2012 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français ;

2°) d'annuler ledit arrêté

pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une car...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 janvier 2013, présentée pour Mme E...A..., domiciliée... ;

Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203993 du 11 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 7 mai 2012 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français ;

2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de l'Isère d'examiner à nouveau sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente de la décision une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme A...soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision est illégale par exception de l'illégalité du refus d'admission provisoire au séjour en date du 29 septembre 2011, lequel constitue un acte relevant d'une procédure prévue au chapitre III de la directive 2005/85/CE ;

- le préfet de l'Isère a commis une erreur de droit au regard des dispositions du 7° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen attentif et particulier de sa situation et a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation ;

- la circulaire du 5 août 1987 dite " circulaire Pandraud " dispose que le demandeur d'asile débouté peut être régularisé de manière exceptionnelle dans certains cas et pour des motifs humanitaires, comme l'impossibilité pour l'intéressé de regagner son pays d'origine ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article 12 de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- cette décision est illégale par exception de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- cette décision a été prise en violation des articles 13 et 34 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la mesure d'éloignement a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision a été prise en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision fixant le Kosovo comme pays de renvoi est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas pris en compte sa situation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 21 novembre 2012 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon admettant Mme A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la mise en demeure adressée le 15 avril 2013 au préfet de l'Isère, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu l'ordonnance du 15 avril 2013 fixant clôture de l'instruction au 31 mai 2013 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 novembre 2013 :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- et les conclusions de M. Levy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeA..., de nationalité kosovare, entrée en France selon ses déclarations le 5 janvier 2012, a sollicité le 9 janvier suivant son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par décision du 7 février 2012, le préfet de l'Isère a rejeté cette demande sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 dudit code ; que la demande d'admission au bénéfice de l'asile présentée par Mme A...a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 27 mars 2012 à l'encontre de laquelle l'intéressée a formé, le 20 avril 2012, un recours devant la Cour nationale du droit d'asile ; que par arrêté du 7 mai 2012, le préfet de l'Isère a, au vu du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, fait obligation à Mme A... de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, fixé le Kosovo ou tout autre pays dans lequel l'intéressée serait légalement admissible comme pays de destination de cet éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français dans le cas où elle n'exécuterait pas la mesure d'éloignement dans le délai imparti ; que Mme A...relève appel du jugement du 11 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant que par un arrêt du même jour, la Cour de céans a, au motif que le préfet de l'Isère a, par décision du 4 juillet 2013, accordé à M.D..., époux de Mme A...et père de leurs six enfants, une carte de séjour " protection subsidiaire ", prononcé le non-lieu à statuer sur les conclusions de ce dernier tendant à obtenir l'annulation des décisions du 7 mai 2012 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, fixé le Kosovo ou tout autre pays dans lequel il serait admissible comme pays de destination de cet éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français dans le cas où il n'exécuterait pas la mesure d'éloignement ; que, eu égard au caractère recognitif de la protection subsidiaire accordée le 14 novembre 2012 par la Cour nationale du droit d'asile tant à M. D...qu'à Mme A...et aux circonstances très particulières de l'espèce, les décisions contestées doivent être regardées comme portant au droit de Mme A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises et méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à demander l'annulation de ces décisions et du jugement du Tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " ; qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. " ;

5. Considérant que le présent arrêt, qui annule les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français prises le 7 mai 2012 par le préfet de l'Isère, implique, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet de l'Isère délivre à Mme A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " prévue par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, si mieux n'aime lui délivrer la carte prévue par l'article L. 313-13 du même code dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt; qu'il y a également lieu de prescrire au préfet de l'Isère de délivrer à Mme A...une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la même notification ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

6. Considérant que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Marcel, avocat de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat une somme 1 000 euros au profit de Me Marcel, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 11 octobre 2012 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les décisions du 7 mai 2012 du préfet de l'Isère refusant le séjour à Mme A...et portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme A...dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " prévue par les dispositions du 7° de l'article 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, si mieux n'aime lui délivrer la carte prévue par l'article L. 313-13 du même code dans un délai de deux mois à compter de la même notification.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Marcel, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère. Copie en sera également adressée au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

M. B...et MmeC..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2013.

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N° 13LY00121

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00121
Date de la décision : 17/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : MARCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-12-17;13ly00121 ?
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