Vu, enregistrée au greffe de la Cour, le 30 juillet 2013, sous le n° 13LY02337, la décision, en date du 25 juillet 2013, par laquelle le Conseil d'Etat, à la demande de M. A... B..., tendant à l'annulation de l'arrêt n° 06LY01195 du 23 mars 2010 par lequel la Cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0300846 du 7 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Chambéry à lui verser une somme de 13 502 euros en réparation des préjudices résultant de la défectuosité de la prothèse totale du genou mise en place par une intervention du 25 janvier 2010, a :
1°) annulé l'arrêt n° 06LY01195 du 23 mars 2010 ;
2°) renvoyé à la Cour l'affaire ;
Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2006, présentée pour M. A...B..., domicilié... ;
M. B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0300846 du 7 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier de Chambéry soit condamné à lui verser une indemnité de 13 502 euros, en réparation des préjudices résultant de la défectuosité d'une prothèse ;
2°) de prononcer la condamnation demandée ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Chambéry une somme de 1 300 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le centre hospitalier est responsable, même sans faute, de la défectuosité de la prothèse qui lui a été implantée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 octobre 2006, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Savoie qui conclut :
- à l'annulation du même jugement, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant, dans le dernier état de ses écritures, à ce que le centre hospitalier de Chambéry soit condamné à lui rembourser ses débours, à hauteur d'une somme totale de 6 660,37 euros, outre l'indemnité forfaitaire de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
- à ce que le centre hospitalier de Chambéry soit condamné à lui verser ladite somme, outre l'indemnité forfaitaire de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
- à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Chambéry au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- elle est recevable à interjeter appel après expiration du délai, dès lors que la victime qu'elle a indemnisée a elle-même interjeté appel dans les délais ;
- la prothèse utilisée était défectueuse, engageant la responsabilité du centre hospitalier ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 juillet 2008, présenté pour la SARL société Groupe Lépine qui conclut :
- à sa mise hors de cause ;
- à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- M. B...n'a jamais recherché sa responsabilité, et ne pourrait le faire pour la première fois en appel ;
- en tout état de cause, la prothèse n'était pas défectueuse ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2008, présenté pour le centre hospitalier de Chambéry qui conclut au rejet de la requête ainsi que des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie ;
Il soutient que :
- la directive 85/374 ne retient la responsabilité du fournisseur d'un produit défectueux que si le producteur ne peut être identifié, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
- la même directive n'admet l'application d'un régime dérogatoire au principe général qu'elle édicte, que si ce régime, d'une part demeure sectoriel, d'autre part et surtout préexistait à la notification de cette directive, ce qui n'est pas le cas du régime jurisprudentiel de responsabilité sans faute dont se prévaut le requérant, ni, en tout état de cause, des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique issues de la loi du 4 mars 2002 ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 octobre 2008, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 mai 2009, présenté pour M. B...qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Il soutient, en outre, que :
- il y a lieu d'estimer que la défectuosité de la prothèse révèle une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service ;
- la loi n° 98-389 n'est pas applicable, dès lors que le produit a été mis en circulation antérieurement à son entrée en vigueur ;
- le CHU ne lui a pas indiqué dans un délai raisonnable l'identité du producteur de la prothèse ;
- l'article 1386-18 du code civil réserve l'applicabilité de régimes spéciaux de responsabilité ;
- les conclusions de la société Groupe Lépine sont irrecevables, dès lors qu'elle n'a pas été mise directement en cause en appel ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 février 2010, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie qui conclut aux mêmes fins que précédemment et, en outre, à la capitalisation des intérêts échus, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 août 2013, présenté pour M. B..., qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens, tout en chiffrant à 17 002,76 euros l'indemnité réclamée et à 2 000 euros la somme réclamée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient, en outre, que :
- l'annulation prononcée par le Conseil d'Etat commande nécessairement que la Cour recherche si, dans les circonstances de l'espèce, les conditions d'application du régime spécial de responsabilité sans faute initiée par la décision du 9 juillet 2003 du Conseil d'Etat sont ou non réunies ;
- la prothèse implantée sur sa personne constitue un produit de santé et entre, comme telle, dans le champ d'application du régime de responsabilité sans faute susmentionné ;
- il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise déposé le 12 juillet 2002 par l'expert désigné par le Tribunal, non utilement critiqué par le centre hospitalier de Chambéry et qui corrobore un rapport unilatéral précédent, que la défectuosité de la prothèse litigieuse est établie, consistant en une luxation anormalement précoce du plateau en polyéthylène ; dès lors les conditions d'engagement de la responsabilité sans faute du centre hospitalier, tenant à l'implantation et à la fourniture d'un produit de santé défectueux, sont réunies ;
- à titre subsidiaire, si le caractère défectueux de la prothèse devait être écarté, la luxation prothétique précoce révèle une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier ;
- la demande en relevé de garantie formulée par le centre hospitalier de Chambéry à l'encontre du Groupe Lépine est strictement indifférente dans l'appréciation de la créance indemnitaire qu'il détient sur ce centre ;
- il résulte du rapport d'expertise que la défectuosité du matériel prothétique a entraîné une incapacité temporaire totale de 199 jours, des souffrances évaluées à 3,5 / 7 et un préjudice esthétique évalué à 1/7 ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 septembre 2013, présenté par la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, qui maintient ses conclusions pour les mêmes motifs, tout en chiffrant à 1 015 euros l'indemnité forfaitaire et à 2 000 euros la somme réclamée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et qui conclut, en outre, à la capitalisation des intérêts ;
Elle soutient, en outre, que la luxation prothétique révèle nécessairement une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 novembre 2013, présenté pour le centre hospitalier de Chambéry, qui maintient ses conclusions pour les mêmes motifs et conclut, en outre, à titre subsidiaire, à la condamnation de la société Groupe Lépine à le garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;
Il soutient, en outre, que :
- les conclusions indemnitaires du requérant sont irrecevables en tant qu'elles excèdent la somme de 13 502 euros réclamée en première instance, d'autant que le préjudice invoqué n'a connu aucune aggravation ;
- les conclusions indemnitaires sont excessives, M. B...ne pouvant réclamer une indemnité au titre des périodes d'incapacité temporaire de travail, en l'absence de perte de revenus durant ces périodes ;
- il est fondé à appeler en garantie le fabricant de la prothèse défectueuse, sur le fondement des dispositions de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985, transposée aux articles 1386-1 et suivants du code civil, dès lors que le dommage subi par M. B...est imputable au défaut de ladite prothèse ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 novembre 2013, présenté pour la SARL société Groupe Lépine, qui maintient ses conclusions pour les mêmes motifs et conclut, en outre, au rejet des conclusions du centre hospitalier de Chambéry tendant à sa condamnation à le garantir, à ce que les dépens soient mis à la charge dudit centre hospitalier, ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- à titre principal, le juge administratif est incompétent pour apprécier sa responsabilité sur le fondement de la responsabilité du fait de produits défectueux, en vertu des dispositions de l'article 1386-1 du code civil, ladite responsabilité ne relevant pas du juge du contrat ;
- à titre subsidiaire, l'action du centre hospitalier de Chambéry est prescrite, en application des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 1386-7 du code civil ;
- le matériel prothétique n'a présenté aucune défectuosité, et le rapport d'expertise ne lui est pas opposable dès lors qu'elle n'a pas participé aux opérations d'expertise ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 novembre 2013, présenté pour le centre hospitalier de Chambéry, qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 novembre 2013, présenté pour M.B... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985, modifiée, relative au rapprochement des dispositions législatives, règlementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité des produits défectueux ;
Vu l'arrêt n° C-495/10 du 21 décembre 2011 rendu par la Cour de justice de l'Union européenne ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2013 :
- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Schapira, avocat de M. B...et de Me Maurice, avocat de la SARL société Groupe Lépine ;
1. Considérant que M. B..., victime d'un accident du travail, le 12 octobre 1998, à l'origine d'une entorse du genou, a bénéficié, dans les suites de cet accident, en raison d'une arthrose fémoro-tibiale sévère, d'une première intervention chirurgicale, pratiquée au centre hospitalier de Chambéry, consistant en la mise en place d'une prothèse, uni compartimentaire, le 15 février 1999 ; qu'à la suite d'un début d'affaissement du bord interne du plateau tibial puis d'un descellement du polyéthylène tibial avec fracture de fatigue du bord interne du plateau tibial, cette première prothèse a dû être déposée et remplacée par une prothèse totale du genou, du modèle Galica fourni par la société Groupe Lépine, lors d'une intervention pratiquée le 25 janvier 2000 dans le même établissement ; qu'en conséquence d'une luxation antérieure du polyéthylène de la pièce tibiale, M. B... a subi une intervention de reprise, le 27 avril 2000, dans le même centre hospitalier ; qu'à la suite d'une nouvelle luxation du plateau tibial, la prothèse mise en place le 25 janvier 2000 a été remplacée, le 8 février 2001, dans un autre établissement de santé, par une prothèse d'une autre marque ; que M. B... a recherché la responsabilité du centre hospitalier de Chambéry à raison de la mise en place, le 25 janvier 2000, d'une prothèse du genou gauche défectueuse ; que sa demande a été rejetée par un jugement du 7 avril 2006 du Tribunal administratif de Grenoble ; que par un arrêt de la Cour de céans n° 06LY01195 du 23 mars 2010 sa requête tendant à l'annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif de Grenoble avait rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Chambéry a été rejetée ; que par la décision susmentionnée du 25 juillet 2013 le Conseil d'Etat, à la demande de M. B..., a annulé ledit arrêt du 23 mars 2010, au motif de l'erreur de droit commise par la Cour en faisant application de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985, modifiée, relative au rapprochement des dispositions législatives, règlementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité des produits défectueux, pour juger que M. B..., qui avait connaissance de l'identité du producteur de la prothèse défectueuse contre lequel il lui appartenait de diriger son action, ne pouvait rechercher la responsabilité du centre hospitalier de Chambéry ; que, par la même décision, le Conseil d'Etat a renvoyé à la Cour le jugement de cette affaire ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie demande la condamnation du centre hospitalier de Chambéry à lui rembourser les débours exposés pour son assuré ; que le centre hospitalier de Chambéry demande, à titre subsidiaire, la condamnation de la société Groupe Lépine à le garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Chambéry :
2. Considérant que, dans l'arrêt du 21 décembre 2011 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne, a dit pour droit que " la responsabilité d'un prestataire de services qui utilise, dans le cadre d'une prestation de services telle que des soins dispensés en milieu hospitalier, des appareils ou des produits défectueux dont il n'est pas le producteur au sens des dispositions de l'article 3 de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, telle que modifiée par la directive 1999/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mai 1999, et cause, de ce fait, des dommages au bénéficiaire de la prestation ne relève pas du champ d'application de cette directive " et que " cette dernière ne s'oppose dès lors pas à ce qu'un État membre institue un régime, tel que celui en cause au principal, prévoyant la responsabilité d'un tel prestataire à l'égard des dommages ainsi occasionnés, même en l'absence de toute faute imputable à celui-ci, à condition, toutefois, que soit préservée la faculté pour la victime et/ou ledit prestataire de mettre en cause la responsabilité du producteur sur le fondement de ladite directive lorsque se trouvent remplies les conditions prévues par celle-ci " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l'Union européenne que la directive du 25 juillet 1985 ne fait pas obstacle à l'application du principe selon lequel, sans préjudice des actions susceptibles d'être exercées à l'encontre du producteur, le service public hospitalier est responsable, même en l'absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu'il utilise ; que ce principe trouve à s'appliquer lorsque le service public hospitalier implante, au cours de la prestation de soins, un produit défectueux dans le corps d'un patient ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport rédigé le 12 juillet 2002 par l'expert désigné par une ordonnance du 17 mai 2002 du juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble, qu'en raison d'une luxation du polyéthylène de la prothèse du genou gauche, à partir du 13 mars 2000, en relation avec une défectuosité de ladite prothèse, mise en place lors de la deuxième intervention chirurgicale, du 25 janvier 2000, M. B... a dû subir deux interventions chirurgicales supplémentaires, compte tenu de la défectuosité de ce matériel ; que le centre hospitalier de Chambéry, dont il résulte de ses propres écritures de première instance, que " l'accident est lié exclusivement à un vice de conception du matériel ", ne conteste pas la défectuosité de la prothèse totale de genou mise en place le 25 janvier 2000, au demeurant également relevée par l'expert médical ayant examiné M. B... à la demande de son assureur ; que, dès lors, la réparation du préjudice subi par M. B... incombe au centre hospitalier de Chambéry, sans préjudice d'un éventuel recours de celui-ci contre le fabricant du matériel en cause ; que M. B... est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a refusé de l'indemniser du préjudice résultant de la défaillance du matériel utilisé par le service hospitalier lors de l'intervention chirurgicale du 25 janvier 2000 ;
Sur le préjudice de M. B... :
5. Considérant qu'il sera fait une juste évaluation du préjudice correspondant aux périodes d'incapacité fonctionnelle totale temporaire, du 1er mars au 30 juin 2000 puis du 1er décembre 2000 au 7 février 2001, qu'il a dû subir après les interventions chirurgicales supplémentaires pratiquées, en en fixant le montant à la somme de 3 000 euros ;
6. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice correspondant aux souffrances physiques et morales de la victime, évaluées à 3,5 sur une échelle de 7 par l'expert, ainsi que de son préjudice esthétique, évalué à 1 sur une même échelle, en fixant à la somme globale de 4 300 euros l'indemnité due à M.B... ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie :
7. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie justifie avoir exposé des frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation et avoir versé des indemnités journalières, en lien avec les interventions chirurgicales supplémentaires rendues nécessaires en raison de la défectuosité de la prothèse mise en place le 25 janvier 2000, qui se sont élevés à la somme totale de 6 660,37 euros dont elle est fondée à demander le remboursement au centre hospitalier de Chambéry ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
8. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie a droit aux intérêts de la somme qui lui est due à compter du 19 mars 2003, date d'enregistrement de son mémoire devant le tribunal administratif, valant demande de paiement ; que, conformément à l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à sa demande de capitalisation des intérêts à compter du 3 février 2010, date à laquelle elle en a fait la demande, devant la Cour, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ;
Sur les dépens :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre les dépens, comprenant les frais d'expertise exposés en première instance, taxés et liquidés par ordonnance du 18 septembre 2002 du président du Tribunal administratif de Grenoble, à la charge du centre hospitalier de Chambéry ;
Sur l'appel en garantie du centre hospitalier de Chambéry :
En ce qui concerne la compétence de la juridiction administrative pour connaître de l'appel en garantie du centre hospitalier de Chambéry dirigé contre la société Groupe Lépine :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi susvisée du 11 décembre 2001 : " Les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs. Toutefois, le juge judiciaire demeure compétent pour connaître des litiges qui relevaient de sa compétence et qui ont été portés devant lui avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi." ; que le contrat passé entre le centre hospitalier de Chambéry et la société Groupe Lépine, dans le cadre d'un marché pour les années 1999 et 2000, dont elle avait, en particulier, été attributaire du lot n° 13 relatif aux prothèses totales de genou modulaire, avait pour objet la fourniture de matériel à un établissement hospitalier ; que ledit contrat présentait, dès lors, le caractère d'un contrat administratif ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un litige relatif à l'exécution de ce contrat ait été porté devant le juge judiciaire avant l'entrée en vigueur de la loi du 11 décembre 2001 ; que, par suite, contrairement à ce que soutient ladite société, la juridiction administrative est compétente pour connaître des conclusions du centre hospitalier de Chambéry tendant à ce qu'elle soit condamnée à le garantir des condamnations prononcées à son encontre ;
En ce qui concerne le bien-fondé des conclusions d'appel en garantie :
11. Considérant, en premier lieu, que le centre hospitalier de Chambéry ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances, relatives à l'action exercée par l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurances contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité dudit assureur, dès lors que les indemnités qu'il est tenu de verser à M. B...ne sont pas dues à ce dernier au titre d'un contrat d'assurance ; que ses conclusions tendant à ce que la société Groupe Lépine, personne de droit privé, soit condamnée à le garantir des condamnations prononcées à son encontre ne constituent pas un recours exercé par l'auteur d'un dommage en vue de faire supporter la charge de la réparation par une collectivité publique co-auteur de ce dommage ; que, dès lors, le centre hospitalier de Chambéry ne peut invoquer une action subrogatoire fondée sur les droits de la victime à l'égard de ladite société ;
12. Considérant, en second lieu, que lorsqu'un établissement hospitalier utilise, dans le cadre d'une prestation de services correspondant aux soins dispensés, des appareils ou des produits défectueux dont il n'est pas le producteur au sens des dispositions de l'article 3 de la directive susvisée 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, il n'a pas la qualité de fournisseur, au sens de ladite directive, dont les dispositions ont été transposées par les dispositions des articles 1386-1 et suivants du code civil, mais celle de prestataire de service ; que, dès lors, le centre hospitalier de Chambéry ne peut utilement se prévaloir des dispositions de ladite directive, dans le champ d'application de laquelle la prestation de service en cause n'entre pas, ni des articles 1386-1 et suivants du code civil, qui en sont la transposition, au soutien de ses conclusions tendant à ce que la société Groupe Lépine le garantisse des condamnations prononcées à son encontre, alors, au demeurant, que ces conclusions ne sont assorties d'aucune précision quant aux dispositions dont il entend demander l'application ;
13. Considérant, dès lors, que les conclusions du centre hospitalier de Chambéry tendant à ce que la société Groupe Lépine le garantisse des condamnations prononcées à son encontre doivent être rejetées ;
Sur l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :
14. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie a droit à l'indemnité forfaitaire de 1 015 euros prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; qu'il y a lieu de mettre cette somme à la charge du centre hospitalier de Chambéry ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Chambéry une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... à l'occasion du litige et non compris dans les dépens, et la même somme au titre des frais exposés, d'une part, par la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie et, d'autre part, par la société Groupe Lépine ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de M. B... qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance ; que, dès lors, les conclusions de la société Groupe Lépine tendant à cette fin doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0300846 du 7 avril 2006 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier de Chambéry est condamné à verser la somme de 7 300 euros à M. B....
Article 3 : Le centre hospitalier de Chambéry est condamné à verser la somme de 6 660,37 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2003. Les intérêts échus à la date du 3 février 2010 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le centre hospitalier de Chambéry versera à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie la somme de 1 015 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Article 5 : Les conclusions du centre hospitalier de Chambéry tendant à ce que la société Groupe Lépine le garantisse des condamnations prononcées à son encontre sont rejetées.
Article 6 : Les dépens, comprenant les frais de l'expertise ordonnée en première instance, sont mis à la charge du centre hospitalier de Chambéry.
Article 7 : Le centre hospitalier de Chambéry versera la somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la même somme à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie et à la société Groupe Lépine.
Article 8 : Le surplus des conclusions de M. B... et de la société Groupe Lépine est rejeté.
Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au centre hospitalier de Chambéry, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie et à la société Groupe Lépine.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2013 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 décembre 2013.
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