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05/12/2013 | FRANCE | N°13LY00954

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 05 décembre 2013, 13LY00954


Vu la requête, enregistrée le 16 avril 2013, présentée pour Mme B...C..., épouse A...;

Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204970 du 25 janvier 2013 du Tribunal administratif de Grenoble ayant rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 6 août 2012 refusant de lui renouveler un certificat de résidence, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler les décisions précitées du préfet de l'Isère ;

3°) d'enjoindre au p

réfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous a...

Vu la requête, enregistrée le 16 avril 2013, présentée pour Mme B...C..., épouse A...;

Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204970 du 25 janvier 2013 du Tribunal administratif de Grenoble ayant rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 6 août 2012 refusant de lui renouveler un certificat de résidence, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler les décisions précitées du préfet de l'Isère ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à défaut et dans les mêmes conditions une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que le préfet n'a pas motivé sa décision fixant un délai de 30 jours pour son départ, que ce délai de 30 jours est inapproprié compte tenu de son ancienneté en France, de son état de santé et de ses attaches sur le territoire, qu'elle est allergique aux autres insulines que le Novomix, médicament indisponible en Algérie, que le Tribunal aurait dû exiger un nouvel avis médical, que les décisions ne respectent pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas respecté l'article 41 de la charte européenne des droits fondamentaux ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense du préfet de l'Isère enregistré le 9 juillet 2013 qui conclut au rejet de la requête de Mme A... ;

Il fait valoir que les moyens soulevés auxquels il a déjà répondu sont les mêmes qu'en première instance ; qu'il ne s'est pas senti lié par le délai de 30 jours ; qu'il a respecté la loi du 12 avril 2000 et l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu l'ordonnance du 18 juin 2013 fixant au 17 juillet 2013 la clôture de l'instruction ;

Vu la décision du 6 mars 2013 du bureau d'aide juridictionnelle accordant à Mme A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 novembre 2013 le rapport de M. Gazagnes, rapporteur,

1. Considérant que Mme B...C...épouseA..., de nationalité algérienne, née le 23 décembre 1943, est entrée en France le 23 août 2004, sous couvert d'un visa court séjour pour y solliciter l'asile ; que sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 15 mars 2005 ; qu'elle a fait l'objet d'une décision de refus de titre de séjour le 22 août 2005 assortie d'une invitation à quitter le territoire français et le 7 décembre 2005 d'un arrêté de reconduite à la frontière ; que le 23 décembre 2005, elle a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien au regard son état de santé ; qu'elle a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour du 29 décembre 2005 au 28 juin 2006 ; qu'elle a fait l'objet ensuite d'une décision de refus de titre assortie d'une obligation de quitter le territoire le 11 juillet 2007 à la suite d'un certificat médical du 31 mai 2007 ; que, le 11 juillet 2008, elle a demandé un certificat de résidence algérien en qualité d'ascendante à charge de son gendre refusé le 24 octobre 2008 ; que le 25 mars 2009, elle a demandé la délivrance d'un titre de séjour en application de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien susvisé ; que ce titre de séjour lui a été accordé du 26 mars 2009 au 25 mars 2010, puis renouvelé jusqu'au 20 mars 2012 ; que, le 20 janvier 2012, elle a demandé le renouvellement de son dernier certificat de résidence que le préfet de l'Isère a refusé ; que Mme A...interjette appel du jugement du 25 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête tendant à obtenir l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 6 août 2012 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il revient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties ; qu'il est en droit, pour motiver sa décision, de s'appuyer sur des éléments de fait ressortant des pièces du dossier produites par les parties et communiquées à ces dernières, dès lors que ces éléments de faits lui apparaissent pertinents pour répondre aux moyens soulevés ; qu'il en résulte qu'en estimant que le certificat médical du 13 août 2012 et un courrier du 2 septembre 2012 n'étaient pas de nature à remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé quant à la possibilité pour Mme A...de recevoir en Algérie des soins adaptés à son état, les premiers juges se sont bornés, sans méconnaître leur office, à tirer les conséquences ressortant selon eux de l'examen de documents produits par Mme A... et communiqués au préfet de l'Isère, lequel s'est prévalu, en produisant une fiche-pays, de la disponibilité de ces soins dans le pays de la requérante ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement du certificat de résidence :

3. Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des dispositions du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique, devenu le médecin de l'agence régionale de santé, que cette décision ne peut pas avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans son pays d'origine ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause en Algérie ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut pas en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...souffre de diabète insulino-dépendant, d'insuffisance thyroïdienne, de fibrillation auriculaire, de problèmes lombaires et d'un état asthmatique ; que les deux certificats médicaux produits par MmeA..., insistant notamment sur le fait qu'elle ne peut prendre toutes les formes d'insuline, ne suffisent pas à remettre en cause l'appréciation selon laquelle elle peut trouver en Algérie un traitement approprié à son état de santé et notamment pour son diabète alors qu'il ressort des informations recueillies par le préfet de l'Isère que l'offre de soins nécessaire au traitement du diabète de Mme A...est disponible sur l'ensemble du territoire algérien ; qu'ainsi Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Préfet de l'Isère a refusé de lui renouveler son certificat de résidence pour motif médical ;

5. Considérant que si Mme A...se prévaut d'une présence de huit ans en France où vivent deux de ses filles, elle n'est pas dépourvue d'attaches en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 60 ans et où son mari et ses quatre autres enfants résident toujours ; qu'ainsi, eu égard aux conditions et à la durée de son séjour en France, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de Mme A...ni n'a enfreint son droit à une vie familiale et privée ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant que, lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; qu'enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie ;

7. Considérant que Mme A...fait valoir qu'elle n'a pas été informée par le préfet qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement et mise à même de présenter ses observations sur la prise éventuelle d'une telle décision avant que ne lui soit notifiée l'obligation de quitter le territoire français faisant suite au refus que le préfet a opposé à sa demande de renouvellement de son certificat de résidence ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante ait été empêchée de s'exprimer ou qu'elle ait sollicité en vain un entretien avant que ne soit prise à son encontre la décision d'éloignement contestée ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le préfet de l'Isère n'a pas entendu préalablement Mme A...doit être écarté ;

En ce qui concerne la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...). Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) " ;

9. Considérant que si Mme A...soutient que le préfet avait l'obligation de motiver le choix de la durée de trente jours dont elle disposait pour quitter volontairement le territoire français, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet de motiver spécifiquement l'octroi du délai de départ volontaire quand celui-ci correspond à la durée légale fixée à trente jours ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le délai de départ volontaire ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant qu'en se prévalant de l'ancienneté de son séjour en France et de son état de santé pour soutenir que le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire plus long, MmeA..., alors qu'elle n'a formulé aucune demande, ni n'a fait valoir aucune circonstance particulière tendant à l'octroi d'un délai supérieur à celui prévu par la loi, ne démontre pas qu'en fixant le délai de départ volontaire à trente jours, le préfet de l'Isère a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

11. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à prétendre que c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 6 août 2012 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

12. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'injonction ; que les conclusions présentées par Mme A...à ce titre doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à Mme A...la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B...A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2013 où siégeaient :

M. Wyss, président de chambre,

M. Gazagnes, président-assesseur,

Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 décembre 2013.

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N° 13LY00954 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00954
Date de la décision : 05/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: M. Philippe GAZAGNES
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : J. BORGES et M. ZAIEM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-12-05;13ly00954 ?
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