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30/10/2013 | FRANCE | N°13LY00937

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 30 octobre 2013, 13LY00937


Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2013, présentée pour M. C...B...A..., domicilié ... ; M. B...A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205543-1205708 du 31 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 3 janvier 2012 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et a placé sa demande d'asile en procédure prioritaire et de l'arrêté du 19 juin 2012 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer une carte de

séjour temporaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français et...

Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2013, présentée pour M. C...B...A..., domicilié ... ; M. B...A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205543-1205708 du 31 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 3 janvier 2012 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et a placé sa demande d'asile en procédure prioritaire et de l'arrêté du 19 juin 2012 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, d'examiner à nouveau sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la décision le plaçant en procédure prioritaire a été édictée à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance de l'article 10 de la directive 2005/85 du 1er décembre 2005, dès lors qu'il ne lui a pas été délivré d'exemplaire de son placement en procédure prioritaire ainsi que de ses droits et obligations en tant que demandeur d'asile en langue lingala ; elle méconnaît le 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les éléments mis en avant par le préfet ne suffisent pas à démontrer une intention frauduleuse ;

- le refus de titre de séjour est illégal en raison de l'illégalité du refus d'admission provisoire au séjour ; il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus d'admission provisoire au séjour ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le jugement est entaché d'erreur de fait et d'erreur de droit sur ce point et n'a pas statué sur la totalité du moyen invoqué ; cette décision a été édictée en violation de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 12 février 2013 du bureau d'aide juridictionnelle accordant à M. B... A...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance en date du 12 juin 2013 fixant la clôture de l'instruction au 1er juillet 2013 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2013, présenté par le préfet de l'Isère ; le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- à titre principal, que M. B...A...a été mis en possession, postérieurement à l'introduction de la requête, d'un récépissé de demande de titre de séjour, ce qui prive d'objet les conclusions dirigées contre la mesure d'éloignement et la décision fixant le pays de destination ;

- à titre subsidiaire, que la requête n'est pas fondée ; qu'il se rapporte à son mémoire en défense de première instance ; que le défaut de remise du document d'information sur les droits et obligations du demandeur d'asile prévu par les dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours mettant en cause la décision par laquelle le préfet statue sur le droit au séjour en France de l'intéressé, en fin de procédure, après qu'il ait été statué sur la demande d'asile ; que la décision de refus d'autorisation provisoire de séjour était rédigée en français, langue que l'intéressé avait déclaré comprendre ; que le requérant avait allégué être entré en France sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa délivré par la France, alors que les recherches effectuées ont été négatives concernant une demande de visa à son nom, qu'il prétend s'être fait voler son passeport sans apporter d'élément de preuve à l'appui de ses allégations et qu'il ne démontre pas être retourné dans son pays d'origine depuis le 29 septembre 2011, date où ses empreintes ont été prises en Espagne ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er juillet 2013, présenté pour M. B...A..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que le principe général du droit communautaire des droits de la défense et du droit à une bonne administration a été méconnu, dès lors qu'il n'a pas été informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire vers le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays dans lequel il est susceptible d'être légalement admissible et qu'il n'a pas été en mesure de présenter ses observations sur ces décisions ;

Vu l'ordonnance en date du 4 juillet 2013 reportant la clôture de l'instruction au 23 juillet 2013 ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 juillet 20013, présenté par le préfet de l'Isère, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour, qui est prise en réponse à une demande formulée par l'intéressé ; que le requérant a été en mesure de présenter ses observations écrites et orales lors du dépôt et pendant l'instruction de sa demande ;

Vu l'ordonnance en date du 18 septembre 2013 reportant la clôture de l'instruction au 4 octobre 2013 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le règlement 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu la directive 2005/85 du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public,

1. Considérant que, par décision du 3 janvier 2012, le préfet de l'Isère a refusé de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. B...A..., de nationalité congolaise, et a placé sa demande d'asile en procédure prioritaire ; qu'après le rejet de cette demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatride (OFPRA) par décision du 12 mars 2012, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination, par arrêté du 19 juin 2012 ; que, par le jugement attaqué du 31 décembre 2012, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses deux demandes tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'un récépissé de demande de carte de séjour a été délivré à M. B...A...le 28 mars 2013, antérieurement à l'enregistrement de la requête ; que la délivrance de ce récépissé a, implicitement mais nécessairement, abrogé l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination ; que, par suite, les conclusions dirigées contre ces décisions ont, ainsi que le soutient le préfet, perdu leur objet ; qu'ayant perdu leur objet avant l'introduction de la requête, elles sont irrecevables ;

Sur la légalité du refus d'autorisation provisoire de séjour et du refus de titre de séjour :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 10 de la directive 2005/85 du 1er décembre 2005 : " les Etats membres veillent à ce que tous les demandeurs d'asile bénéficient des garanties suivantes : a) ils sont informés, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprennent, de la procédure à suivre et de leurs droits et obligations (...) d) ils sont avertis dans un délai raisonnable de la décision prise sur leur demande d'asile par l'autorité responsable de la détermination. Si un conseil juridique ou un autre conseiller représente légalement le demandeur, les États membres peuvent choisir de l'avertir de la décision plutôt que le demandeur d'asile ; e) ils sont informés du résultat de la décision prise par l'autorité responsable de la détermination dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprennent lorsqu'ils ne sont pas assistés ni représentés par un conseil juridique ou un autre conseiller et lorsqu'une assistance juridique gratuite n'est pas possible. Les informations communiquées indiquent les possibilités de recours contre une décision négative, conformément aux dispositions de l'article 9, paragraphe 2. " ; qu'il résulte des dispositions de l'article 3 du règlement 343/2003 du Conseil que : " le demandeur d'asile est informé par écrit, dans une langue dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend, au sujet de l'application du présent règlement " ; que M. B... A... soutient que ces dispositions sont méconnues, dès lors qu'il ne lui a pas été délivré d'exemplaire de la décision ordonnant son placement en procédure prioritaire ainsi que du document relatif à ses droits et obligations en tant que demandeur d'asile en langue lingala mais seulement en français ;

4. Considérant qu'il ressort cependant du formulaire de demande d'admission au titre de l'asile établi le 12 décembre 2011, portant la signature de M. B...A..., qu'il est mentionné qu'il parle non seulement le lingala mais aussi le français ; qu'en absence de toute contestation sur l'origine de cette mention, le moyen tiré de ce qu'il n'a pas reçu d'information sur ses droits et obligations dans une langue dont on peut raisonnablement penser qu'il la comprend manque en fait ; qu'en tout état de cause, la décision de statuer sur la demande d'asile selon la procédure prioritaire ne constitue pas une décision par laquelle l'autorité compétente accorde ou refuse l'asile, dont les dispositions précitées imposent aux Etats membres d'informer les demandeurs d'asile dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprennent ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. (...) Constitue une demande d'asile reposant sur une fraude délibérée la demande présentée par un étranger qui fournit de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur les autorités " ;

6. Considérant que le requérant a déclaré, lors de son audition par les services préfectoraux, être entré en France le 5 décembre 2011 avec son passeport revêtu d'un visa délivré par les autorités françaises et s'être fait voler son passeport ; qu'il ressort cependant des allégations du préfet, non contredites, qu'après vérifications, les autorités françaises ne lui ont pas délivré de visa, que sa présence a été constatée en Espagne, où ses empreintes digitales ont été relevées le 29 septembre 2011 et qu'il ne justifie pas être rentré dans son pays d'origine depuis cette date ; que, dans ces conditions, M. B... A...doit être regardé comme ayant dissimulé des informations sur les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur les autorités, ce qui constitue une demande d'asile reposant sur une fraude délibérée en application des dispositions précitées ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision refusant de l'admettre provisoirement au séjour d'erreur d'appréciation ;

7. Considérant, en troisième lieu, que M. B...A..., né le 20 mai 1979, allègue être entrée en France le 5 décembre 2011 ; que son fils réside en République démocratique du Congo ; qu'il ne se prévaut d'aucune attache privée ou familiale en France, mais se borne à faire état des craintes de mauvais traitement l'ayant poussé à quitter son pays d'origine ; que, dans ces conditions, le refus de titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'au regard des circonstances de l'espèce ainsi rappelée, le refus de titre de séjour n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...A...n'est pas fondé à soutenir que les décisions en litige sont illégales ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes ; que ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 13LY00937 de M. B...A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2013, où siégeaient :

- M. Wyss, président de chambre,

- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 octobre 2013.

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N° 13LY00937 6

N° 13LY00937 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00937
Date de la décision : 30/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : PIEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-10-30;13ly00937 ?
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