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30/10/2013 | FRANCE | N°13LY00654

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 30 octobre 2013, 13LY00654


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 14 mars 2013, présentée par le préfet du Rhône ;

Le préfet du Rhône demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1207121, du 31 janvier 2013, par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 12 juillet 2012 refusant à Mlle E... B... la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, lui a enjoint de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 600 euros en application des dispos

itions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter ...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 14 mars 2013, présentée par le préfet du Rhône ;

Le préfet du Rhône demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1207121, du 31 janvier 2013, par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 12 juillet 2012 refusant à Mlle E... B... la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, lui a enjoint de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mlle F...A...B...devant le tribunal administratif de Lyon ;

Il soutient que :

- le jugement du 31 janvier 2013 du tribunal administratif de Lyon a fait une inexacte application de l'article 6-7 de l'accord franco algérien, dès lors que Mlle F...A...B..., qui s'est présentée le 19 octobre 2011 à la préfecture du Rhône afin de solliciter la délivrance d'une carte de séjour en qualité d'étranger malade, ne résidait pas habituellement en France au sens des dispositions du dit article ;

- s'il appartient à l'autorité préfectorale, en application des dispositions du titre III annexé au protocole de l'accord susvisé, d'apprécier si elle peut délivrer aux ressortissants algériens admis dans des établissements de soins français et n'ayant pas leur résidence habituelle en France, après examen de leur situation médicale, une autorisation provisoire de séjour, cette délivrance n'est nullement obligatoire ; que la situation de l'intéressée n'a pas paru justifier le bénéfice d'une telle mesure, dès lors que tant la nature du visa sollicité par celle-ci que la durée et la fréquence de ses séjours en France sont de nature à contredire les motifs de santé allégués ;

- dès lors que Mlle F...A...B...ne remplissait pas les conditions pour obtenir une autorisation provisoire de séjour, elle n'était pas fondée à demander à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une telle autorisation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 20 août 2013 fixant la clôture d'instruction au 10 septembre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 21 août 2013, présenté pour Mlle E... B..., demeurant..., qui conclut au rejet de la requête du préfet et à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 janvier 2013 et, en outre à ce qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de lui délivrer à titre principal un certificat de résidence d'algérien portant la mention " vie privée et familiale " et à titre subsidiaire qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour de 6 mois renouvelable, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et à ce que l'Etat verse à son conseil une somme de 1 300 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle ;

Elle soutient que :

- la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien est insuffisamment motivée, dès lors que le préfet n'a pas indiqué les motifs pour lesquels il n'a pas examiné la demande de titre de séjour sollicité ;

- la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien est entachée d'erreur de droit, dès lors que le préfet s'est estimé en situation de compétence liée ; qu'en rejetant la demande de titre de séjour au seul motif qu'elle ne remplissait pas la condition de résidence habituelle prévue par l'article 6 alinéa 7 de l'accord franco-algérien, il n'a pas fait usage du pouvoir d'appréciation dont il disposait pour lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en application du titre III du protocole annexé audit accord ;

- la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors, d'une part, que sa résidence habituelle est en France et, d'autre part, qu'elle remplissait l'ensemble des autres conditions légales pour obtenir un tel titre ; que son état de santé impose qu'elle reste en France au moins un an après le traitement qui lui a été dispensé par le Centre hospitalier de Lyon et qu'elle ne peut avoir accès à la prise en charge qui lui est indispensable dans son pays d'origine ;

- à supposer qu'il soit estimé qu'elle ne remplissait pas les conditions de résidence habituelle en France au jour de la décision attaquée, le préfet aurait dû à tout le moins l'admettre provisoirement au séjour compte tenu de la teneur de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 1er décembre 2011 ; que le refus d'octroyer une telle autorisation provisoire de séjour est pareillement entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de la gravité de la pathologie dont elle souffre qui nécessite qu'elle demeure en France alors qu'elle ne peut poursuivre en Algérie une vie privée et familiale normale quand bien même conserve-t-elle des attaches familiales et privées importantes dans ce pays ;

Vu les pièces complémentaires, enregistrées le 9 septembre 2013, présentées pour Mlle F... A...B...;

Vu l'ordonnance en date du 11 septembre 2013 rouvrant l'instruction jusqu'au 27 septembre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la décision du 19 septembre 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mlle F...A...B...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et des membres de leur famille ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 octobre 2013 :

- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

- les observations de MeD..., substituant MeC..., représentant Mlle F...A...B... ;

1. Considérant que le préfet du Rhône demande l'annulation du jugement du 31 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision en date du 12 juillet 2012 en tant qu'elle refusait à Mlle F...A...B...la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour et lui a enjoint de délivrer à cette dernière une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ;

3. Considérant que Mlle F...A...B..., née le 13 septembre 1989, de nationalité algérienne, est entrée en France le 4 octobre 2011 sous couvert d'un visa d'une durée de 15 jours et a sollicité, le 19 octobre 2011, la délivrance d'un titre de séjour en application des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien en invoquant son état de santé ; que si Mlle F...A...B...soutient qu'elle pouvait se prévaloir d'une résidence habituelle en France, il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle elle a présenté sa demande d'admission au séjour, quelques jours seulement après son entrée sur le territoire français, elle n'avait aucun logement qui lui fût propre et ne pouvait que se prévaloir d'un hébergement provisoire au domicile de membres de sa famille dont elle indique elle-même que ces derniers n'étaient pas en mesure de l'héberger longtemps ; qu'à la date de la décision attaquée, le 12 juillet 2012, son séjour en France ne présentait pas plus un caractère de stabilité et d'ancienneté suffisant pour permettre de regarder l'intéressée comme résidant habituellement en France ; qu'ainsi, comme l'ont estimé les premiers juges, le préfet du Rhône a pu légalement refuser de délivrer à Mlle F... A...B...un certificat de résidence en considérant que celle-ci ne remplissait pas la condition de résidence habituelle au sens des stipulations précitées de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ;

4. Considérant que pour établir que Mlle A...B...ne justifiait pas des conditions nécessaires pour obtenir une autorisation provisoire de séjour en application des stipulations précitées du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien, le préfet du Rhône, qui fait valoir que la délivrance d'une telle autorisation n'est nullement obligatoire, se borne à soutenir que la situation de l'intéressée ne justifiait pas le bénéfice d'une telle mesure, dès lors que tant la nature du visa sollicité par celle-ci que la durée et la fréquence de ses séjours en France étaient de nature à contredire les motifs de santé allégués ;

5. Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A...B...est atteinte d'une thrombophlébite ayant entraîné une cécité totale ; que le médecin de l'agence régionale de santé a estimé, dans son avis du 1er décembre 2011, que l'état de santé de Mlle A... B... nécessitait une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'elle ne pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que les soins nécessités par son état de santé devaient être poursuivis pendant un durée de douze mois ; que la gravité de la situation médicale de Mlle A... B... est attestée par le certificat en date du 5 octobre 2012 établi par le docteur Ionescu de l'Hôpital neurologique Pierre Wertheimer de Bron et par ceux des 12 et 17 octobre 2012 rédigés par le professeur Wattel du Centre hospitalier Sud de Lyon ; que le docteur Thomas, praticien hospitalier exerçant dans le même établissement, a attesté, le 13 juillet 2012, que cette patiente devait bénéficier d'une poursuite des soins pendant une période d'au moins une année ; que la persistance de la pathologie hématologique à l'origine de la cécité dont Mlle A...B...est victime et la nécessité pour elle d'être soignée encore durant une période d'au moins un an sont certifiées, le 17 juillet 2013, par le professeur Wattel et confirmées une nouvelle fois par ce médecin, le 9 octobre 2012 ; que l'impossibilité pour Mlle A... B...de pouvoir bénéficier en Algérie de certains des examens dont la réalisation est préconisée en cas de reprise d'une symptomatologie de thrombophlébite est rapportée par le docteur Hamouda du Centre hospitalo-universitaire de Sétif dans un compte rendu d'hospitalisation de cette patiente du 10 août 2011 et confirmée par le professeur Wattel dans son certificat susmentionné du 9 octobre 2012 ; que la nécessité pour Mlle A...B...de disposer de l'aide d'une tierce personne est de même certifiée par le professeur Wattel ; que le médecin de l'agence régionale de santé a, d'ailleurs estimé pour sa part, dans son avis du 1er décembre 2011, que Mlle A... B... ne pouvait voyager sans risque sans être accompagnée ; que, par suite, compte tenu des circonstances très particulières de l'espèce et alors qu'à la date de l'arrêté en litige des examens complémentaires et des bilans hématologiques nécessitaient la présence en France de Mlle A...B...durant encore plusieurs mois, le préfet du Rhône, qui était pourtant en possession des éléments de santé invoqués à l'appui de la demande de titre de séjour pour raison de santé que celle-ci avait présentée, a commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressée en ne lui délivrant pas une autorisation provisoire de séjour ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision en date du 12 juillet 2012 refusant à Mlle F...A...B...la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, lui a enjoint de délivrer à celle-ci une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 000 euros à verser à MeC..., au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C...renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d' aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Rhône est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me C...une somme de 1 000 euros (mille euros) sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle F...A...B..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Wyss, président de chambre,

M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 octobre 2013.

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N° 12LY00654 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00654
Date de la décision : 30/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: M. Olivier MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : ROBIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-10-30;13ly00654 ?
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