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30/10/2013 | FRANCE | N°13LY00475

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 30 octobre 2013, 13LY00475


Vu la requête enregistrée le 22 février 2013, présentée pour M. A...B..., demeurant ... ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1207486 du 12 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des décisions du 15 octobre 2012 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays vers lequel il est susceptible d'être renvoyé d'office, d'autre part, à ce qu'il so

it enjoint, à titre principal, au préfet du Rhône sous l'astreinte journalière de 10...

Vu la requête enregistrée le 22 février 2013, présentée pour M. A...B..., demeurant ... ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1207486 du 12 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des décisions du 15 octobre 2012 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays vers lequel il est susceptible d'être renvoyé d'office, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint, à titre principal, au préfet du Rhône sous l'astreinte journalière de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 15 octobre 2012 du préfet du Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, sous l'astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 196 euros toutes taxes comprises au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir l'aide juridictionnelle ;

M. B...soutient que :

- la décision lui refusant un titre de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il vit en France avec sa femme, titulaire d'une carte de résident, qu'il n'aurait pu rejoindre par la voie du regroupement familial en raison de l'insuffisance des ressources de cette dernière, ainsi qu'avec leurs deux enfants ;

- cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale comme prise en application d'une décision de refus de titre de séjour elle même illégale ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en raison de la séparation de la famille qu'elle impose ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle aura pour conséquence de le séparer de sa femme et de ses deux enfants ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination de l'éloignement est illégale comme prise en application de décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français elles mêmes illégales ;

Vu l'ordonnance en date du 27 août 2013 fixant la clôture d'instruction au 18 septembre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 18 septembre 2013, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 500 euros soit mise à la charge de M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le préfet du Rhône soutient que :

- la décision de refus de séjour n'a pas été prise en violation des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de refus de séjour n'a pas été prise en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écartée ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit être écartée ;

Vu l'ordonnance en date du 20 septembre 2013 rouvrant l'instruction jusqu'au 1er octobre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la décision du 6 mars 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B...;

Vu la décision par laquelle le président de la formation du jugement a, sur le fondement de l'article L. 732-1 du code de justice administrative, décidé, sur proposition du rapporteur public, de dispenser celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 octobre 2013 le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président assesseur ;

1. Considérant que par décisions en date du 15 octobre 2012, le préfet du Rhône a refusé de délivrer à M. A...B..., de nationalité tunisienne, le titre de séjour qu'il avait demandé, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de son éloignement ; que par le jugement du 12 février 2013 dont il interjette appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la requête de M.B... ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de délivrer un titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant qu'il est constant que M. B..., en sa qualité de conjoint d'un ressortissant étranger résidant régulièrement en France, entre dans une catégorie ouvrant droit au regroupement familial ; qu'il ne saurait, dès lors, utilement invoquer la violation par la décision attaquée, des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant que le requérant, qui est né le 15 février 1980 et a épousé, le 10 août 2006 en Tunisie, Mme D...C..., est entré en France le 15 janvier 2012 sous couvert d'un visa de court séjour valable ; qu'il fait valoir que le centre de ses intérêts privés et familiaux se situe dorénavant en France où résident régulièrement son épouse, titulaire d'une carte de résident titulaire valable jusqu'au 15 mai 2022, et ses deux enfants qui y sont nés, le 11 décembre 2010 et le 23 août 2012, et qu'il ne peut bénéficier d'un regroupement familial en raison de l'insuffisance des ressources de son épouse ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'entrée sur le territoire de M. B... est récente et que le couple a vécu séparé pendant plusieurs années sans que son épouse n'ait entrepris de démarches en vue de lui permettre de bénéficier du regroupement familial ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la vie familiale devrait se poursuivre en France plutôt qu'en Tunisie où a eu lieu le mariage, dont toute la famille a la nationalité et où M. B... conserve des attaches familiales, notamment sa mère et ses trois frères ; qu'ainsi, le préfet du Rhône n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... une atteinte disproportionnée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour méconnaîtrait les stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien précité doit être écarté ; qu'elle n'a, ainsi, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.B... ;

4. Considérant, d'une part, que comme il a été dit ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que la reconstitution de la cellule familiale de M. B...soit impossible en Tunisie ; que, d'autre part, il ne résulte pas non plus des pièces du dossier que la séparation temporaire du couple, dans l'attente de l'examen d'une demande de regroupement familial, méconnaîtrait l'intérêt supérieur des deux enfants de M. B... ; qu'ainsi, dans les conditions particulières de l'espèce, il n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du préfet du Rhône, en date du 15 octobre 2012, portant refus de lui délivrer un titre de séjour ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant qui reprennent ce qui a été précédemment développé à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment en ce qu'ils sont dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français ; que M. B...ne démontre pas davantage que cette dernière décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper l'illégalité du refus de titre de séjour et de celle de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant la Tunisie comme pays de destination ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte :

11. Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B...n'appelle pas de mesures d'exécution ; que ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que M. B...étant partie perdante à l'instance, sa demande tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que son conseil renonce à percevoir l'aide juridictionnelle doit être rejetée ;

13. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. B...à verser à l'Etat la somme que demande le préfet du Rhône au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Wyss, président de chambre,

M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 octobre 2013.

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N° 13LY00475 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00475
Date de la décision : 30/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: M. Olivier MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-10-30;13ly00475 ?
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