La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/2013 | FRANCE | N°13LY00432

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 03 octobre 2013, 13LY00432


Vu la requête, enregistrée le 15 février 2013, présentée pour Mme A...B..., domiciliée ...;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204710 du 23 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 10 avril 2012 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie pr...

Vu la requête, enregistrée le 15 février 2013, présentée pour Mme A...B..., domiciliée ...;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204710 du 23 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 10 avril 2012 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les décisions en litige méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 20 décembre 2012 du bureau d'aide juridictionnelle accordant à Mme B...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance du 17 avril 2013 fixant la clôture de l'instruction au 30 mai 2013 ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 septembre 2013 :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

1. Considérant que, par décisions du 10 avril 2012, le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A...B..., a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la légalité des actes en litige :

En ce qui concerne la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;

3. Considérant que MmeB..., originaire de la République Démocratique du Congo, fait valoir qu'elle vit avec M. C...D..., ressortissant congolais titulaire d'une carte de résident, père de sa fille née le 23 novembre 2011, laquelle a vocation à bénéficier du statut d'enfant de réfugié, et qu'elle ne peut mener dans son pays d'origine une vie privée et familiale normale ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, MmeB..., entrée en France le 12 février 2010 selon ses dires, était présente en France depuis seulement deux ans, après avoir passé l'essentiel de son existence en République Démocratique du Congo, où résidaient toujours notamment ses deux enfants âgés de 14 et 12 ans ; que, si le préfet du Rhône ne conteste pas l'existence du concubinage allégué, celui-ci est récent à la date de la décision en litige ; que, par suite, en refusant à Mme B...la délivrance d'un titre de séjour, le préfet du Rhône n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant qu'au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce précédemment rappelées, le refus de titre de séjour n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

5. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale " ; que le refus de titre de séjour n'a pas ni pour objet ni pour effet de séparer la fille de la requérante de l'un de ses deux parents ; que la requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le refus de séjour en litige porte une atteinte contraire à l'intérêt supérieur de son enfant ; que, dès lors, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant, qu'ainsi qu'il a déjà été dit, Mme B...est mère d'un jeune enfant, né en France le 23 novembre 2011, qui a été reconnu prénatalement par son père, ressortissant congolais, dont le statut de réfugié obtenu en France fait obstacle à ce qu'il puisse accompagner son enfant et la mère de ce dernier en République démocratique du Congo ; que, par suite, en faisant obligation à Mme B...de quitter le territoire français, le préfet du Rhône a pris une décision qui emporte nécessairement séparation de l'enfant de l'un de ses deux parents, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué, que le père de l'enfant se soit désintéressé de ce dernier ; que cette décision porte ainsi à l'intérêt supérieur de cet enfant une atteinte contraire aux stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ; qu'en conséquence, l'obligation de quitter le territoire français contestée est illégale et doit être annulée ; qu'il en est de même, par voie de conséquence, de la décision fixant le pays de renvoi ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;

8. Considérant qu'il résulte de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français implique que Mme B...soit munie d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ; qu'ainsi il y a lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer, dans le délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour à Mme B...et de se prononcer sur sa situation dans le délai de deux mois ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, à ce titre, à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au profit de Me Delbès, avocat de la requérante, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle accordée à Mme B...;

DÉCIDE :

Article 1er : Les décisions du 10 avril 2012 du préfet du Rhône obligeant Mme B...à quitter le territoire français et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme B...une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours suivant la notification du présent arrêt et de se prononcer à nouveau sur sa situation dans le délai de deux mois à compter de cette notification.

Article 3 : Le jugement n° 1204710 du Tribunal administratif de Lyon en date du 23 octobre 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera, au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 000 euros à Me Delbès, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle accordée à MmeB....

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Rhône. Copie en sera adressé à Me Delbès.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2013, où siégeaient :

- M. du Besset , président de chambre,

- M. Gazagnes, président-assesseur,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2013.

''

''

''

''

N° 13LY00432

N° 13LY00432


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00432
Date de la décision : 03/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : DELBES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-10-03;13ly00432 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award