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24/09/2013 | FRANCE | N°13LY00202

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 24 septembre 2013, 13LY00202


Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2013 au greffe de la Cour, présentée pour Mme C... B...A..., demeurant... ;

Mme B...A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202275 du 20 décembre 2012 du Tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 12 septembre 2012 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions

;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de l'autoriser à séjourner sur le territoi...

Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2013 au greffe de la Cour, présentée pour Mme C... B...A..., demeurant... ;

Mme B...A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202275 du 20 décembre 2012 du Tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 12 septembre 2012 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de l'autoriser à séjourner sur le territoire le temps de sa demande d'asile ou, à défaut, de procéder à un réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Elle soutient qu'elle est recevable à exciper de l'illégalité de la décision du 24 mai 2012 lui refusant l'admission provisoire au séjour, dès lors que cette décision ne lui a pas été notifiée dans une langue qu'elle comprend, en méconnaissance des règles fixées par l'article 10 de la directive du 1er décembre 2005 ; que ce droit à l'information constitue un corollaire du droit constitutionnel d'asile ; que le refus qui lui a été opposé le 24 mai 2012 était irrégulier car lui-même pris à l'issue d'une procédure lors de laquelle elle n'a pas été informée dans une langue qu'elle comprend qu'elle faisait l'objet d'un relevé décadactylaire, ni des destinataires de ces données ; que la procédure était ainsi irrégulière au regard de la loi du 11 juillet 1979 ; que la procédure était irrégulière dès lors que la décision du ministre de l'intérieur constatant le caractère inexploitable de ses empreintes digitales ne lui a pas été notifiée ; que la décision lui refusant l'admission provisoire au séjour est illégale en ce qu'elle n'a pas été rédigée dans une langue qu'elle comprend ; qu'il n'est pas établi qu'elle a volontairement rendu impossible l'identification de ses empreintes ; que, dans ces conditions, la décision lui refusant l'admission provisoire au séjour, au seul motif que ses empreintes étaient inexploitables, est illégale au regard des dispositions du règlement du Conseil du 11 décembre 2000 et de l'article R. 741-4 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; que la décision de refus de séjour est illégale en ce qu'elle n'a pas été rédigée dans une langue qu'elle comprend ; que la législation française, qui ne prévoit pas de recours suspensif à l'encontre de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, en cas de refus d'admission provisoire au séjour, est contraire à l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la présence du demandeur d'asile à la Cour conditionne le caractère effectif du recours ; que, de ce fait, la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2013, présenté par le préfet de la Côte-d'Or, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la requérante ne peut exciper de l'illégalité de la décision du 24 mai 2012 qui est devenue définitive, faute d'avoir été contestée dans les délais ; que Mme B...A...ne peut se prévaloir des stipulations d'une directive qui a été transposée, par décret du 29 août 2011 ; qu'elle ne peut se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions à l'encontre de décisions de refus d'admission au séjour et de refus de titre, qui ne sont pas relatives à l'asile ; que l'impossibilité, constatée par deux fois, de procéder à l'identification des empreintes de l'intéressée, révèle une intention de fraude justifiant un refus d'admission provisoire au séjour, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la circonstance qu'elle a fait un recours devant la Cour nationale du droit d'asile n'empêche pas un éloignement de Mme B...A... ; que la requérante n'établit pas la réalité des risques qu'elle encourt dans son pays ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 12 février 2013 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme B...A...;

Vu la directive 2005/85 du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2013 :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme B...A..., de nationalité somalienne, a sollicité l'asile le 29 mars 2012, après son entrée en France ; que, par décision du 24 mai 2012, le préfet de la Côte-d'Or a refusé son admission provisoire au séjour ; que sa demande d'asile a été rejetée le 2 août 2012 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, par arrêté du 12 septembre 2012, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que, par jugement du 20 décembre 2012, le Tribunal administratif de Dijon a annulé la décision fixant le pays de renvoi mais rejeté le surplus des conclusions à fin d'annulation ; que Mme B...A...relève appel dudit jugement, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

Sur le refus de séjour :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 susvisée : " 1. En ce qui concerne les procédures prévues au chapitre III, les États membres veillent à ce que tous les demandeurs d'asile bénéficient des garanties suivantes : / a) ils sont informés, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprennent, de la procédure à suivre et de leurs droits et obligations au cours de la procédure ainsi que des conséquences que pourrait avoir le non-respect de leurs obligations ou le refus de coopérer avec les autorités. Ils sont informés du calendrier, ainsi que des moyens dont ils disposent pour remplir leur obligation de présenter les éléments visés à l'article 4 de la directive 2004/83/CE. Ces informations leur sont communiquées à temps pour leur permettre d'exercer les droits garantis par la présente directive et de se conformer aux obligations décrites à l'article 11 ; (...) e) ils sont informés du résultat de la décision prise par l'autorité responsable de la détermination dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprennent lorsqu'ils ne sont pas assistés ni représentés par un conseil juridique ou un autre conseiller et lorsqu'une assistance juridique gratuite n'est pas possible. Les informations communiquées indiquent les possibilités de recours contre une décision négative, conformément aux dispositions de l'article 9, paragraphe 2. " ;

3. Considérant que la décision du 24 mai 2012 par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a refusé d'admettre provisoirement au séjour Mme B...A...en sa qualité de demandeur d'asile, qui comportait l'indication des délais et voies de recours, a été notifiée à celle-ci le jour même ; qu'ainsi, le délai de recours contentieux de deux mois ouvert à l'encontre de cette décision a commencé à courir le 24 mai 2012 et était donc expiré, le 15 octobre 2012, date d'enregistrement au greffe du Tribunal administratif de Dijon de la requête de Mme B... A...tendant à l'annulation notamment de la décision du 12 septembre 2012 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, dans le cadre de laquelle elle a entendu, pour la première fois, exciper de l'illégalité du refus d'admission provisoire au séjour ; que, pour contester le caractère définitif de cette décision du 24 mai 2012, Mme B...A...ne peut pas utilement se prévaloir directement des dispositions précitées du a) du paragraphe 1 de l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005, relatif aux garanties accordées aux demandeurs d'asile, qui ont été transposées de manière complète en droit français, en dernier lieu par les dispositions de l'article 6 du décret n° 2011-1031 du 29 août 2011 et codifiées à l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'au demeurant, les décisions d'instruire une demande d'asile selon la procédure prioritaire et de refuser l'admission provisoire au séjour ne constituent pas des décisions par lesquelles l'autorité compétente informe les étrangers sur la procédure à suivre pour faire valoir leurs droits ni des décisions par lesquelles serait refusé l'asile, dont les dispositions de la directive susmentionnée imposent aux Etats membres d'informer les demandeurs d'asile dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprissent ; qu'en conséquence, Mme B...A...n'est pas recevable à exciper de l'illégalité du refus d'admission provisoire du 24 mai 2012, devenu définitif, à l'appui de ses conclusions dirigées contre le refus de délivrance de titre de séjour du 12 septembre 2012 ;

En ce qui concerne les autres moyens :

4. Considérant, en premier lieu, que la requérante ne peut pas utilement invoquer, à l'encontre de la décision contestée du 12 septembre 2012, les dispositions du a) du paragraphe 1 de l'article 10 de la directive n° 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005, lesquelles, comme il a déjà été dit, ont été intégralement transposées en droit interne le 29 août 2011 ; qu'au demeurant, la décision litigieuse ne constitue pas une décision d'asile ;

5. Considérant, en second lieu, que la décision du 12 septembre 2012 par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B...A...n'emporte pas, par elle-même, obligation pour l'intéressée de quitter le territoire français et ne peut, en tout état de cause, pas être regardée comme ayant pour objet ou pour effet de faire obstacle à ce que le recours qu'elle a déposé devant la Cour nationale du droit d'asile, contre la décision de refus prise à son encontre par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, soit jugé par cette juridiction ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à un recours effectif protégé par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mme B... A...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de séjour pour contester la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles " ; que Mme B...A..., qui entrait dans le champ d'application de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne bénéficiait du droit de se maintenir en France que jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'elle fait toutefois valoir que ces dispositions, en ce qu'elles la privent du droit d'être présente lors de l'audience devant la Cour nationale du droit d'asile, méconnaissant le droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction, protégé par les stipulations précitées de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, et alors même qu'elle serait susceptible de ne pas pouvoir s'expliquer oralement lors de cette audience, il n'est pas porté atteinte à ce droit lorsque l'étranger a, en vertu des textes de procédure applicables à ce litige, la faculté de se faire représenter devant cette juridiction par un conseil ou par toute autre personne ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à un recours effectif doit être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté le surplus de sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

M. Bourrachot, président-assesseur,

M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2013.

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N° 13LY00202

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00202
Date de la décision : 24/09/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-09-24;13ly00202 ?
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