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18/07/2013 | FRANCE | N°12LY01140

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 18 juillet 2013, 12LY01140


Vu la requête, enregistrée le 30 avril 2012, présentée pour M. B...A...domicilié ... ;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705743 du 28 février 2012 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il n'a que partiellement accueilli sa demande de décharge des sommes réclamées par la commune de Tignes dans le titre de recettes émis le 24 octobre 2007 et a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

2°) de le décharger de l'obligation de payer les sommes restant dues mises à sa charge par le titre de recettes du 24 octobre 2007 ;

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) de condamner la commune de Tignes à lui payer une somme de 150.810 euros, en réparatio...

Vu la requête, enregistrée le 30 avril 2012, présentée pour M. B...A...domicilié ... ;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705743 du 28 février 2012 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il n'a que partiellement accueilli sa demande de décharge des sommes réclamées par la commune de Tignes dans le titre de recettes émis le 24 octobre 2007 et a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

2°) de le décharger de l'obligation de payer les sommes restant dues mises à sa charge par le titre de recettes du 24 octobre 2007 ;

3°) de condamner la commune de Tignes à lui payer une somme de 150.810 euros, en réparation de ses préjudices, avec intérêts de droit capitalisés à compter de sa réclamation préalable, et une somme de 4 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le maire ne pouvait émettre seul le décompte de résiliation et le titre de recettes, car le bail emphytéotique et la convention non détachable étaient tripartites, avec le CCAS, et le Tribunal aurait dû soulever d'office ce moyen ; que le Tribunal a refusé de le décharger des sommes de 3.397 et 3.480,55 euros, correspondant à la valorisation du logement qu'il occupait des 15 mai aux 15 octobre 2005 et 2006 ; que l'occupation du logement était nécessairement incluse dans la convention du bail, qui l'autorisait en son article 3.6 à loger sur place pendant la période d'ouverture du camping ; que la commune intention des parties incluait nécessairement l'occupation saisonnière du logement par lui-même ; que la commune n'était donc pas fondée à recouvrer une indemnité d'occupation non prévue par la convention ; que le Tribunal ne pouvait pas estimer, sauf à ajouter au contrat, que le loyer annuel de 1.000 euros n'est pas une contrepartie aux avantages consentis à l'intéressé pour l'utilisation du camping au motif que le bail a été résilié pour faute au bout de deux ans ; que la convention a produit effet jusqu'au 11 avril 2007 et ne comportait aucune indemnité due à la commune ou au CCAS en cas de fin anticipée du contrat ; que le montant des loyers réclamés est fantaisiste, l'état des lieux d'entrée du 9 juin 2005 soulignant la vétusté des locaux, la superficie de 120 mètres carré indiquée dans le décompte n'est pas réaliste, et le constat de sortie des lieux du 18 mai 2007 mentionne des travaux de rénovation conséquents faits par le locataire ; que sur la responsabilité de la commune, la résiliation pour faute est illégale, car l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 n'a pas été respecté, même si une mise en demeure a été envoyée le 18 novembre 2006 ; que la commune ne pouvait seule résilier par délibération du 11 avril 2007, en l'absence du CCAS ; qu'il n' a pas commis de faute d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation, et n'a pas méconnu, comme le prétend la délibération du 13 avril 2007, l'engagement de construire souscrit dans la cadre du bail et de la convention, le retard étant imputable au service instructeur et les délais indiqués dans la convention étant irréalistes ; que la DDE exigeait de nouvelles pièces retardant l'instruction, dont le titre l'habilitant à construire qui figurait dans la convention, le 6 janvier 2006, ainsi que des pièces suite à l'avis du SDIS ; qu' il n' a pu obtenir le permis de démolir que le 4 avril 2006, et a reçu des demandes inutiles de la commission d'urbanisme ; qu'il a appris le 3 janvier 2006 que l'article NC 2 du règlement du POS s'opposait à une activité de camping et qu'une étude de risque était nécessaire ; que des sujétions techniques imprévues, câbles, réseau interne d'assainissement nécessaire, lui ont été signalées le 25 janvier 2006 ; que la commune a commis des fautes justifiant la résiliation à ses torts ; qu'elle a, en outre, souhaité modifier le 24 février 2006 l'aspect extérieur, a répondu tardivement le 14 novembre 2006 à sa demande de dérogation à l'article NC 6 dudit règlement du 10 octobre 2005, la DDE ayant rappelé cette difficulté le 3 janvier 2006 ; qu'il a dû réaliser une étude de risque le 23 octobre 2006 ; qu'il ne pouvait déférer à la mise en demeure du 16 novembre 2006, car il n'avait pas le droit d'occuper le camping après la Toussaint pour permettre la vidange du réseau d'eau potable ; que le camping est interdit d'accès l'hiver, car grevé de servitudes pour le bail ; que son préjudice de perte de bénéfice est de 130 810 euros et son préjudice moral de 20 000 euros ;

Vu le jugement et le titre de recettes attaqués ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 juillet 2012, présenté pour la commune de Tignes, représentée par son maire en exercice, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation du requérant à lui payer une somme de 5 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'elle oppose la prescription quadriennale à la demande indemnitaire, laquelle n'a pas été précédée d'une réclamation préalable ; que les moyens tirés de l'illégalité interne du titre de recettes sont irrecevables, l'intéressé n'ayant contesté que la légalité externe de l'acte en première instance ; que le maire de Tignes, également président du CCAS, était compétent pour émettre un titre de recettes et résilier les conventions ; que la créance est fondée, car l'unique rémunération de la commune dans le cadre du bail et des conventions consistait en la remise, en fin de contrat, d'une construction qui n'a jamais été édifiée, l'intéressé disposant sans titre et gratuitement du logement ; que la somme de 1.000 euros par an était fixée à partir de l'estimation d'un logement similaire de la commune, et correspond à la fourchette basse ; que M. A... n'a pu respecter l'unique obligation contractuelle mise à sa charge, édifier un bâtiment d'accueil du camping avant le 31 décembre 2006, malgré les nombreuses mises en demeure de la commune ; que l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qui n'était pas applicable, a été respecté, une mise en demeure ayant été adressée le 16 novembre 2006, qui faisait suite à des réunions de juin, juillet et octobre 2006 ; que le bail et les conventions n'identifient pas deux décisions de résiliation, mais celle du bailleur ; que M. A...n'a pas respecté ses obligations de déposer un permis de construire du bâtiment d'accueil dans les 3 mois, d'obtenir ce permis avant le 31 décembre 2005, et d'achever la construction au 31 décembre 2006 ; que le retard dans l'instruction et la délivrance du permis, instruit par la DDE et non les services communaux, relève de la seule négligence du requérant, l'étude de risque n'étant remise qu'en septembre 2006, et les demandes complémentaires de la DDE étant fondées ; que la décision de résiliation était justifiée, et les préjudices de perte de bénéfice et moral ne sont pas justifiés ;

Vu les mémoires, enregistrés les 20 juillet et 10 août 2012, par lesquels le requérant persiste dans ses écritures ;

Il soutient, en outre, qu'il a lié le contentieux indemnitaire par deux réclamations préalables rejetées les 4 et 11 juin 2012, et ses conclusions indemnitaires, enregistrées le 5 janvier 2011, ont interrompu le délai de prescription quadriennale, en application de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 ; que ses moyens de légalité interne, invoqués en première instance, sont recevables ; que la perte de bénéfice, calculée par rapport au chiffre d'affaires prévisionnel, est justifiée ; que la commune a cherché à s'immiscer dans l'exploitation du camping ce qui a retardé l'exécution du projet ;

Vu l'ordonnance du 21 août 2012 reportant la clôture de l'instruction au 7 septembre 2012 à 16 heures 30 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juillet 2013 :

- le rapport de M. Rabaté, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

- et les observations de Me Marc, avocat de M.A..., requérant, et celles de Me Cadet, avocat de la commune de Tignes ;

1. Considérant que M. A...a conclu le 5 août 2005, avec la commune de Tignes et son centre communal d'action sociale, un bail emphytéotique administratif d'une durée de 25 ans pour l'exploitation du camping des Brévières ; que par ce contrat, et par la convention non détachable signée le même jour qui y était annexée, l'intéressé s'était engagé à réaliser un certain nombre d'investissements, en particulier la reconstruction du bâtiment d'accueil, pour un montant de 200 000 euros, et à obtenir le permis de construire et achever la construction avant le 31 décembre 2006 ; que M. A... n'ayant pas réalisé cet équipement ni obtenu le permis à l'échéance convenue, le maire de Tignes, après y avoir été autorisé par délibération du conseil municipal du 11 avril 2007, a décidé de résilier le bail emphytéotique pour faute ; que le maire a alors établi un décompte de résiliation dégageant un solde négatif de 17 208,99 euros ; que M. A... ayant acquitté une somme de 3 189,20 euros, le maire a émis le 24 octobre 2007 un titre exécutoire d'un montant de 14 019,79 euros à l'encontre de l'intéressé ; que ce dernier relève appel du jugement du 28 février 2012 du Tribunal administratif de Grenoble qui n'a que partiellement accueilli, pour 7 142,24 euros, sa demande de décharge de l'obligation de payer ladite somme de 14 019,79 euros, et a rejeté ses conclusions indemnitaires ; qu'il doit être regardé comme demandant aussi à la Cour, de le décharger de l'obligation de payer la totalité des sommes restant à sa charge, et de condamner la commune de Tignes à lui payer une somme de 1 508,10 euros, en réparation de ses préjudices, avec intérêts de droit capitalisés ;

Sur l'obligation de payer :

2. Considérant que le montant de 6.877,55 euros restant dû contesté par le requérant en appel correspond au montant des loyers mis à sa charge au titre des périodes mai à octobre 2005 et mai à octobre 2006, avant la résiliation du bail, pour l'occupation d'un logement situé à l'intérieur du camping ; que M. A...contrairement aux allégations de la commune de Tignes, a contesté en première instance la légalité interne du titre exécutoire ; qu'il est, par suite, recevable à le faire également en appel ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 3-5 du bail emphythéotique conclu le 5 août 2005, relatif au loyer du bail emphytéotique : " Le présent bail est consenti par le bailleur au preneur moyennant un loyer fixe de 100 euros indexé sur le coût de la construction... " ; que le dernier alinéa de l'article 3-6 du même bail, relatif à l'affectation des constructions, stipule : " Le preneur est autorisé à loger sur place durant la durée d'ouverture du camping " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui ne prévoient pas d'indemnité d'occupation du logement, et de la commune intention des parties que le logement mis à la disposition de l'intéressé au titre de la période allant du 15 mai au 15 octobre 2005 et 2006 devait l'être à titre gratuit ; que, dès lors, le loyer réclamé au requérant est dépourvu de base légale ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M.A..., sans qu'il soit besoin d'examiner ses autres moyens, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble n'a accueilli que partiellement sa demande de décharge de l'obligation de payer litigieuse ;

Sur les conclusions indemnitaires :

5. Considérant qu'aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à un requérant ayant introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n'avait présenté aucune demande en ce sens devant l'administration lorsqu'il a formé, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, et ce quelles que soient les conclusions du mémoire en défense de l'administration ; que lorsque ce mémoire en défense conclut à titre principal, à l'irrecevabilité faute de décision préalable et, à titre subsidiaire seulement, au rejet au fond, ces conclusions font seulement obstacle à ce que le contentieux soit lié par ce mémoire lui-même ;

6. Considérant que les conclusions indemnitaires de M. A...dirigées contre la commune de Tignes, enregistrées au greffe du Tribunal administratif de Grenoble le 5 janvier 2011, ont été rejetées comme non fondées par jugement du Tribunal du 6 janvier 2012 ; que la commune, qui ne s'est pas prononcée sur leur mérite en première instance, leur oppose en appel l'absence de réclamation préalable prévue par l'article R. 421-2 du code de justice administrative ; que si M. A...établit avoir présenté une réclamation indemnitaire à la commune le 25 avril 2012 cette réclamation, rejetée le 11 juin 2012, soit après que le Tribunal a statué, n'a pu régulariser sa demande indemnitaire; que, par suite, celle-ci était irrecevable ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M.A..., sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée en défense, n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à la condamnation du requérant, qui n'est pas partie perdante à l'instance ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Tignes à payer à M. A...une somme de 1.000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : M. A...est déchargé de l'obligation de payer une somme de 6.877,55 euros mise à sa charge par le titre exécutoire n° 1821 émis le 24 octobre 2007 par le maire de la commune de Tignes.

Article 2 : Le jugement du 28 février 2012 du Tribunal administratif de Grenoble du 28 février 2012 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Tignes versera à M. A...une somme de 1 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. B...A...et à la commune de Tignes.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2013, où siégeaient :

M. Tallec, président de formation de jugement,

M. Rabaté, président-assesseur,

M. Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juillet 2013.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01140
Date de la décision : 18/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-03-02-01-01 Comptabilité publique et budget. Créances des collectivités publiques. Recouvrement. Procédure. État exécutoire.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Vincent RABATE
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : SELARL CONCORDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-07-18;12ly01140 ?
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