Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 21 novembre 2012 et régularisée le 23 novembre 2012, présentée pour M. B...A..., domicilié ... ;
M. A...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1204328 du 24 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 5 juillet 2012, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que l'avis de la direction générale des finances publiques est irrégulier dès lors qu'il a été signé par une autorité incompétente ; qu'il ne peut pas être regardé comme un avis défavorable ; que c'est à tort que le préfet s'est borné à examiner sa demande de titre de séjour en qualité d'artisan et qu'il n'a pas examiné s'il pouvait se voir délivrer un titre de séjour en qualité de salarié ou sur le fondement de sa vie privée et familiale ; que le préfet était tenu en application de l'article 6 de la décision du 19 septembre 1980 du conseil d'association institué par l'accord conclu le 12 septembre 1963 entre la Communauté économique européenne et la République de Turquie de lui délivrer un titre de séjour " salarié " et ne pouvait pas prendre à son encontre une mesure d'éloignement ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2013, présenté par le préfet de l'Isère qui conclut au rejet de la requête par les moyens qu'il a exposés devant le Tribunal ;
Vu l'ordonnance en date du 15 avril 2013 fixant la clôture d'instruction au 3 mai 2013 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'accord instituant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie en date du 12 septembre 1963, approuvé et confirmé par la décision 64/732/CEE du Conseil du 23 décembre 1963 ;
Vu la décision n° 1/80 du 19 septembre 1980 du conseil d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;
Vu la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 juin 2013 :
- le rapport de M. Chanel, président-rapporteur,
- et les conclusions de M. Levy Ben Cheton, rapporteur public ;
1. Considérant que M.A..., ressortissant turc né en 1967, est entré en France le 31 mai 2005 muni d'un visa long séjour et a obtenu plusieurs titres de séjour en qualité de salarié entre le 10 mai 2006 et le 9 mai 2011 ; que, le 12 janvier 2011, il a demandé un titre en qualité d'artisan ; que, par décisions du 5 juillet 2012, le préfet de l'Isère a refusé la délivrance de ce titre, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination ; qu'il relève appel du jugement du 24 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur le refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : (...) 2° A l'étranger qui vient exercer une profession commerciale, industrielle ou artisanale, à condition notamment qu' il justifie d''une activité économiquement viable et compatible avec la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques et qu'il respecte les obligations imposées aux nationaux pour l'exercice de la profession envisagée. Elle porte la mention de la profession que le titulaire entend exercer. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent 2° (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-16-1 du même code : " L'étranger qui envisage de créer une activité ou une entreprise doit présenter à l'appui de sa demande les justificatifs permettant d'évaluer la viabilité économique du projet. L'étranger qui envisage de participer à une activité ou une entreprise existante doit présenter les justificatifs permettant de s'assurer de son effectivité et d'apprécier la capacité de cette activité ou de cette société à lui procurer des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein. Dans tous les cas, l'étranger doit justifier qu'il respecte la réglementation en vigueur dans le domaine d'activité en cause. (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, que l'article 70 de la loi du 17 mai 2011 dispose que : " Lorsque l'autorité administrative, avant de prendre une décision, procède à la consultation d'un organisme, seules les irrégularités susceptibles d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vu de l'avis rendu peuvent, le cas échéant, être invoquées à l'encontre de la décision " ; que ces dispositions énoncent, s'agissant des irrégularités commises lors de la consultation d'un organisme, une règle qui s'inspire du principe selon lequel, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que l'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte ;
4. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.A..., il ressort des pièces du dossier que la direction générale des finances publiques de l'Isère a émis, le 16 juin 2011, un avis défavorable sur son projet professionnel d'artisan, faute pour l'intéressé d'avoir joint à sa demande des pièces suffisantes pour permettre au service d'évaluer la viabilité économique de l'entreprise, notamment un compte de résultat prévisionnel 2011 ou des précisions sur son fonctionnement futur ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'avis ainsi émis par ladite direction ait été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision attaquée et ait été ainsi de nature à entacher d'illégalité la décision prise au vu de cette consultation ou ait privé l'intéressé d'une garantie ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que M. A...fait valoir que le préfet aurait dû examiner sa demande de titre de séjour, non seulement en qualité d'artisan, mais également en qualité de salarié et sur le fondement de la vie privée et familiale ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier, et notamment de la demande de titre de séjour de M. A...présentée en préfecture le 10 janvier 2011 mentionnant qu'il sollicite un " titre de séjour en qualité de commerçant ", du courrier du 7 septembre 2011 dans lequel il indique avoir demandé un titre en qualité d'artisan et souhaité obtenir sa régularisation, ainsi que des différents courriers de la préfecture lui réclamant des pièces complémentaires pour instruire sa demande de titre en qualité d'artisan, qu'il a bien sollicité une telle demande et non comme il le fait valoir, et alors même qu'il n'exerçait plus d'activité salariée depuis son licenciement en d'août 2010, en qualité de salarié, et qu'il fournit un récépissé peu lisible ne l'autorisant pas à travailler ; que, par suite, le préfet de l'Isère n'était pas tenu d'examiner sa demande sur un tel fondement, ni même, ce qu'il a d'ailleurs fait, sur le fondement de la vie privée et familiale ;
6. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 6 de la décision du 19 septembre 1980 du conseil d'association institué par l'accord d'association conclu le 12 septembre 1963 entre la Communauté économique européenne et la République de Turquie : " 1. Sous réserve des dispositions de l'article 7 relatif au libre accès à l'emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l'emploi d'un Etat membre : / - a droit, dans cet Etat membre, après un an d'emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s'il dispose d'un emploi (...) " ;
7. Considérant que M. A...soutient qu'il était en droit de bénéficier d'un titre de séjour en vertu des dispositions de l'article 6 de la décision n° 1/80 du 19 septembre 1980 susmentionnées dès lors qu'il justifiait d'une période de cinq années d'activité professionnelle sur le territoire français, ayant occupé un emploi d'août 2005 à août 2010 ; que, toutefois, comme il a été dit précédemment, c'est en qualité d'artisan, et non en qualité de salarié, que M. A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour ; que, par suite, il ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées ; qu'en tout état de cause, il est constant que si M. A...a exercé en qualité de maçon pendant cinq années, il n'exerçait plus d'activité salariée depuis son licenciement intervenu en août 2010 ; que, dans ces conditions, M. A...n'apporte pas la preuve qu'à la date de la décision attaquée, le 5 juillet 2012, il travaillait depuis plus d'un an auprès du même employeur au sens de l'article 6 de la décision n° 1/80 du 19 septembre 1980 du conseil d'association susmentionnée et donc, qu'il entrait dans le champ d'application de ces dispositions ; que, dès lors, M. A...n'est pas fondé à se prévaloir de ces dispositions ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du 5 juillet 2012 ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 5 juillet 2012, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
10. Considérant, en second lieu, que l'étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour ;
11. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-avant dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre, doit être écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 6 de la décision du 19 septembre 1980 du conseil d'association institué par l'accord d'association conclu le 12 septembre 1963 entre la Communauté économique européenne et la République de Turquie, comme l'a d'ailleurs fait le Tribunal sans le regarder comme inopérant ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2013 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
M. Bourrachot, président-assesseur,
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 juillet 2013.
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N° 12LY02831
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