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04/07/2013 | FRANCE | N°12LY01556

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2013, 12LY01556


Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2012, présentée pour la société Apsys, dont le siège est 105 rue Anatole France à Levallois Perret (92300), représentée par ses représentants légaux ; la société Apsys demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901309 du 12 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Moulins à lui verser la somme de 1 136 255,56 euros, outre les intérêts, en réparation du préjudice résultant de son éviction du contrat relatif à la restructuration

et à l'extension du marché couvert ;

2°) d'annuler la décision du maire de Moul...

Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2012, présentée pour la société Apsys, dont le siège est 105 rue Anatole France à Levallois Perret (92300), représentée par ses représentants légaux ; la société Apsys demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901309 du 12 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Moulins à lui verser la somme de 1 136 255,56 euros, outre les intérêts, en réparation du préjudice résultant de son éviction du contrat relatif à la restructuration et à l'extension du marché couvert ;

2°) d'annuler la décision du maire de Moulins du 7 mai 2009 rejetant sa demande préalable et de condamner cette commune à lui verser la somme de 1 136 255,56 euros hors taxe, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction de sa demande préalable, et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Moulins la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- son appel est recevable car elle justifie d'un intérêt pour agir ;

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il omet de viser son argumentation nouvelle développée dans le mémoire du 16 mars 2012 et qu'il est insuffisamment motivé, car il n'examine pas la portée des engagements pris par la collectivité dans ses différentes délibérations et se fonde exclusivement sur le cahier des charges et la caducité de l'offre d'achat ;

- l'unique motif retenu par le Tribunal pour écarter la responsabilité de la commune est inexact en droit et en fait ; c'est à tort que le Tribunal s'est fondé sur les seules dispositions du cahier des charges pour statuer sur les relations entre les parties, alors qu'elle n'était liée que par son offre unilatérale d'achat, qu'elle n'a ni signé ni annexé à son offre le cahier des charges et que son offre initiale avait été modifiée à deux reprises, en concertation avec la commune ; la collectivité ne s'était pas fondée sur le cahier des charges ou sur la caducité de l'offre unilatérale pour justifier son éviction ; les premiers juges ont fait une inexacte application de l'article IV-6 du cahier des charges, car la possibilité de considérer que la promesse d'achat du candidat était caduque, était subordonnée à la constatation préalable de la non-réalisation des conditions suspensives mentionnées dans la promesse d'achat, alors que le Tribunal n'a vérifié ni si le délai de réalisation de chacune des conditions suspensives était expiré, ni si leur non-réalisation pouvait effectivement être constatée ; l'article 15 du cahier des charges ne mentionnait pas le respect des objectifs du cahier des charges comme étant une condition suspensive ; elle n'avait pas modifié unilatéralement son offre mais seulement sollicité une discussion, la commune n'ayant ni pris acte de cette modification, ni opposé un refus, alors qu'elle avait accepté plusieurs fois de rediscuter les termes de l'offre, deux avenants à la promesse ayant été régularisés ; c'est la collectivité qui a déclaré avoir décidé de mettre un terme aux discussions ; les propositions de modification étaient justifiées et légitimes, au regard de l'évolution du projet ;

- la commune doit être condamnée à l'indemniser, au titre de la faute née de la rupture de sa promesse de lui confier la réalisation de l'opération, de la faute tenant au caractère brutal et injustifié de l'éviction, de la faute née des entraves à la conclusion du contrat, de la faute liée à la mauvaise foi de la commune, qui avait l'intention de choisir un autre opérateur, et de la faute tenant aux garanties et incitations de la commune ayant entraîné des dépenses ;

- son préjudice étant personnel, direct et certain, ainsi qu'elle l'invoquait dans ses écritures de première instance, elle a droit à être indemnisée des frais qu'elle a engagés en raison des garanties données par la commune, soit 93 050,62 euros pour les frais relatifs à des études, 10 580 euros pour les frais liés au foncier, 151 034 euros pour les honoraires techniques, 509 459,96 euros pour les honoraires de gestion, 15 569,10 euros pour les frais de publicité, 1 158 195,85 euros pour les frais financiers, 148 305,86 euros pour les frais divers, 93 060,14 euros pour les honoraires de commercialisation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2012, présenté pour la commune de Moulins, représentée par son maire en exercice ; la commune de Moulins conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la société Apsys une somme de 6 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable, car la contribution pour l'aide juridique n'a pas été acquittée par voie électronique mais par timbres mobiles ;

- à titre subsidiaire, la requête n'est pas fondée ;

- le jugement attaqué vise l'essentiel de l'argumentation des parties et ne serait, en tout état de cause, pas irrégulier du seul fait qu'il n'a pas analysé le contenu d'un mémoire mentionné aux visas ; il est suffisamment motivé ;

- la commune était liée par les critères qu'elle avait établis dans le cahier des charges de la consultation et ne pouvait y renoncer, sauf à fausser la concurrence, dès lors que son appel à projets s'inscrivait dans le cadre d'une commande publique et qu'en toute hypothèse elle aurait été tenue de s'y conformer alors même qu'aucune règle n'aurait imposé de mise en concurrence ; elle ne pouvait accepter la nouvelle offre de la société Apsys, eu égard au montant proposé pour la charge foncière, et s'écarter de manière substantielle de l'avis du service des domaines, sauf à céder illégalement un élément de son domaine à un prix sous-évalué ;

- c'est à juste titre que les premiers juges se sont fondés sur le cahier des charges de la consultation, qui était opposable à la société Apsys ;

- la société Apsys a entendu unilatéralement imposer, par courrier du 31 juillet 2008, une modification substantielle de son offre, au regard de la diminution de la charge foncière, de la remise en cause de la prise en charge intégrale des frais de relogement des commerçants et du calendrier de l'opération ; le fait que la commune ne se soit pas référé, avant la procédure contentieuse, aux dispositions de l'article IV-6 du cahier des charges est inopérant ; la société Apsys a entendu dévoyer la procédure de mise en concurrence, en présentant une offre initiale attractive pour ensuite revenir sur le prix proposé dans son offre initiale, puis dans ses avenants, aux termes d'une mauvaise foi caractérisée et d'une méthode déloyale ;

- la collectivité n'a commis aucune faute ; il n'existe pas d'engagements synallagmatiques, le conseil municipal s'étant borné à prendre acte des promesses de la société Apsys sans les approuver, ni autoriser le maire à les signer ; seule la société Apsys est engagée par ses promesses ;

- la requérante ne justifie pas d'un préjudice ; elle ne pouvait ignorer, en tant que professionnel avisé, qu'elle n'avait droit à aucune somme jusqu'à la signature de l'acte de cession des terrains ; les frais présentés comme liés aux études, au foncier et à la publicité, les honoraires techniques et les frais, ne pourraient être regardés comme des dépenses utiles pour la collectivité, correspondent à des études qui ne lui ont jamais été communiquées, et dont l'article IV-6 du cahier des charges précisait qu'ils resteraient à la charge du candidat ; les frais de gestion invoqués sont purement fictifs ; les postes correspondant aux frais financiers et aux honoraires de commercialisation ne sont pas justifiés ;

- la collectivité serait fondée à demander réparation du préjudice subi du fait du non-respect des engagements de la société Apsys, qu'elle évalue à la somme de 1 837 000 euros, et se réserve le droit d'engager une procédure distincte en ce sens ;

Vu l'ordonnance du 13 mai 2013, fixant la clôture de l'instruction au 29 mai 2013 ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 mai 2013, présenté pour la société Apsys, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que sa requête n'est pas irrecevable du fait de l'acquittement de la contribution pour l'aide juridique par timbre mobile ; que la décision de la commune de mettre fin à ses relations avec la société Apsys n'était pas motivée, en méconnaissance de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et que la collectivité ne peut motiver a posteriori sa décision par des éléments non invoqués en temps utile ; que ce défaut de motivation constitue une faute engageant la responsabilité de la collectivité ; que le cahier des charges de la consultation ne liait aucune des parties, la commune ayant accepté d'y déroger et l'opération ne pouvant être qualifiée de marché public ; que seule l'offre unilatérale d'achat, et non le cahier des charges, s'imposait dans les relations entre les parties après désignation de la société Apsys comme lauréat ; que la collectivité elle-même n'a pas fait application de l'article IV-6 du cahier des charges, en décidant de s'engager avec Vinci, alors qu'il n'était plus lié à l'investisseur Rodamco ; qu'elle avait, en toute hypothèse, seulement entendu soumettre des propositions de modifications à la commune ; qu'elle n'a pas entendu réduire le prix attendu par la commune mais revenir au montant initial de son offre ; qu'elle n'a pas commis de faute quant au respect de ses propres engagements ; qu'elle a droit à la réparation du dommage imputable à la commune ; que les postes de préjudice invoqués par la commune sont fantaisistes ;

Vu l'ordonnance du 31 mai 2013 reportant la clôture de l'instruction au 17 juin 2013 ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 juin 2013, présenté pour la commune de Moulins, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre qu'elle donne acte à la société Apsys de ce que la contribution pour l'aide juridique a été régulièrement acquittée ; qu'en acceptant de participer à la mise en concurrence et en présentant une offre unilatérale d'achat, la société Apsys était réputée acquiescer à la totalité des prescriptions du cahier des charges de la consultation ; que la commune s'est constamment inscrite dans le respect du cahier des charges de la consultation ; que la délibération du 24 octobre 2008 et le courrier du 27 octobre 2008 étaient suffisamment motivés ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 juin 2013, présenté pour la société Apsys, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que sa promesse n'était pas caduque ; que la commune a méconnu l'obligation de bonne foi dans les opérations de négociation ;

Vu l'ordonnance du 17 juin 2013 reportant la clôture de l'instruction trois jours francs avant l'audience ;

Vu le courrier adressé aux parties le 18 juin 2013, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 juin 2013, présenté par la commune de Moulins, qui présente ses observations sur le courrier du 18 juin 2013 ;

Elle soutient que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur le litige, dès lors que le préjudice invoqué ne trouve pas sa source dans un lien contractuel et de droit privé, mais dans une opération concernant un bien appartenant au domaine public ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 juin 2013, présenté par la société Apsys, qui présente ses observations sur le courrier du 18 juin 2013 ;

Elle soutient que sa requête est présentée sur le fondement extracontractuel, qu'aucune convention n'a été signée avec la commune de Moulins ; qu'en toute hypothèse, le litige est de nature administrative, dès lors qu'est en cause la gestion du domaine public, que le contrat envisagé sera de nature administrative, puisqu'il concernera la cession d'un bien du domaine privé et comprendra des clauses exorbitantes du droit commun ; que les conditions suspensives étaient stipulées notamment au profit de la société Apsys, qui pouvait y renoncer ; que la commune n'a jamais répondu aux arguments sur le caractère brutal et déloyal de la rupture ;

Vu le courrier adressé aux parties le 24 juin 2013, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 juin 2013, présenté pour la société Apsys, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre qu'elle n'a formulé qu'une offre, et non une promesse unilatérale d'achat ; que, l'option n'ayant pu être levée, en absence notamment de déclassement, cette offre présentait toujours un caractère unilatéral ; que le cahier des charges de la consultation est dépourvu de portée contractuelle ou précontractuelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2013 :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public,

- les observations de Me C..., représentant la société Apsys, et de Me A..., représentant la commune de Moulins ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 juin 2013, présentée pour la société Apsys ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 juin 2013, présentée pour la commune de Moulins ;

1. Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté, comme non fondée, la demande de la société Apsys tendant à la condamnation de la commune de Moulins à lui verser une somme de 1 136 255, 56 euros hors taxe en réparation du préjudice subi en raison de la rupture de la promesse que lui aurait faite cette collectivité de conclure avec elle le contrat relatif à la restructuration et à l'extension du marché couvert ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Moulins :

2. Considérant que l'article 1635 bis Q du code général des impôts dispose que : " Lorsque l'instance est introduite par un auxiliaire de justice, ce dernier acquitte pour le compte de son client la contribution par voie électronique. / Lorsque l'instance est introduite sans auxiliaire de justice, la partie acquitte cette contribution par voie de timbre mobile ou par voie électronique. / Les conséquences sur l'instance du défaut de paiement de la contribution pour l'aide juridique sont fixées par voie réglementaire " ; que l'article 326 quinquies de l'annexe II du même code, issu du décret du 28 septembre 2011 relatif au droit affecté au fonds d'indemnisation de la profession d'avoué près les cours d'appel et à la contribution pour l'aide juridique, pris pour son application, précise que : " Lorsque, pour une cause qui lui est étrangère, un auxiliaire de justice ne peut effectuer par voie électronique l'acquittement de la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, il est justifié de l'acquittement de la contribution par l'apposition de timbres mobiles " ; que l'article R. 411-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du même décret, prévoit que : " Lorsque la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts est due et n'a pas été acquittée, la requête est irrecevable. / Cette irrecevabilité est susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours. Lorsque le requérant justifie avoir demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle, la régularisation de sa requête est différée jusqu'à la décision définitive statuant sur sa demande. / Par exception au premier alinéa de l'article R. 612-1, la juridiction peut rejeter d'office une requête entachée d'une telle irrecevabilité sans demande de régularisation préalable, lorsque l'obligation d'acquitter la contribution ou, à défaut, de justifier du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle est mentionnée dans la notification de la décision attaquée ou lorsque la requête est introduite par un avocat " ;

3. Considérant que s'il résulte de ces dispositions que l'avocat doit s'acquitter de la contribution pour l'aide juridique par voie électronique, sauf s'il en est empêché par une cause extérieure, justifiant alors que la contribution soit acquittée par l'apposition de timbres mobiles, le non-respect de ces modalités pratiques de justification du paiement de la somme de trente-cinq euros à l'occasion de l'introduction d'une instance n'est pas sanctionné par l'irrecevabilité de la requête ; que le législateur, qui a renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de définir les conséquences sur l'instance du défaut de paiement de la contribution, n'a en effet pas attaché un tel effet au défaut d'acquittement de la contribution pour l'aide juridique par voie électronique ; qu'une requête présentée par un avocat et pour laquelle la contribution pour l'aide juridique a été acquittée par voie de timbres mobiles n'est donc pas irrecevable, alors même que l'avocat ne se prévaut d'aucune cause étrangère l'ayant empêché de satisfaire à l'obligation posée par les dispositions de l'article 1635 bis Q du code général des impôts de recourir à la voie électronique ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la circonstance que le conseil de la société requérante ait acquitté la contribution pour l'aide juridique par timbres mobiles est sans incidence sur la recevabilité de la requête ; que la fin de non-recevoir opposée par la commune de Moulins ne peut, dès lors, qu'être écartée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Moulins a, par l'intermédiaire d'un mandataire, organisé une consultation, sous forme d'appel à projets, en vue de céder une partie de son marché couvert ; que le cahier des charges de cette consultation invitait les candidats pré-sélectionnés à compléter une promesse unilatérale d'achat, après l'avoir modifiée éventuellement, puis à la signer ; que la société Apsys a présenté une offre unilatérale d'achat, signée le 26 avril 2006 ; que, par délibération du 23 juin 2006, le conseil municipal de Moulins a classé l'offre de la société Apsys au premier rang, a " pris acte des promesses d'achat proposées par les candidats, et plus particulièrement de la promesse unilatérale d'achat approuvée et signée par la société Apsys " et lui a demandé d'affiner ses engagements au regard d'études complémentaires ; que, par délibération du 30 mars 2007, le conseil municipal a confirmé la société Apsys comme candidat retenu et pris acte de l'avenant à la promesse unilatérale d'achat, en date du 30 mars 2007, sous réserve de la réalisation de conditions suspensives ; que, par délibération du 12 juillet 2007, le conseil municipal a levé les conditions suspensives de l'article 2.7.3 de l'avenant à la promesse unilatérale d'achat, stipulées au seul bénéfice de la commune, acté l'avenant n° 2, autorisé la société Apsys à déposer les différentes demandes d'autorisations administratives et décidé d'engager la procédure de déclassement du domaine public pour les emprises concernées ; que, par courrier du 31 juillet 2008, la société Apsys a informé la commune de Moulins que, compte tenu d'évolutions intervenues depuis sa sélection comme candidat retenu, elle entendait réduire de 680 m² la surface hors oeuvre nette du projet de restructuration du marché couvert, solliciter une participation de la collectivité à hauteur de 235 000 euros et remettre en cause la prise en charge intégrale des frais de relogement des commerçants, précisant que ces adaptations étaient indispensables à la réalisation du projet ; que, par courrier du 25 septembre 2008, le maire a informé la société Apsys qu'il saisissait le conseil municipal afin qu'il se prononce sur ces nouvelles conditions ; que, par délibération du 24 octobre 2008, le conseil municipal a décidé de ne pas poursuivre les négociations avec la société Apsys, dès lors que les nouvelles conditions posées par cette dernière remettaient en cause le projet acté par la commune et contrevenaient à la promesse unilatérale d'achat et à ses avenants, et il a abrogé les délibérations des 23 juin et 11 décembre 2006, 30 mars et 28 septembre 2007 ;

6. Considérant que l'offre d'achat, signée par la société Apsys, définit le bien dont la cession est envisagée, fixe un prix de cession, décrit le programme immobilier que l'acquéreur devra réaliser, et prévoit diverses conditions suspensives ; que ce document prévoit notamment, à l'article 3, que, si la collectivité fait savoir à l'opérateur qu'il est désigné comme candidat retenu, elle s'interdit d'ores et déjà de vendre ou de promettre de vendre l'immeuble à quiconque d'autre que l'opérateur, sauf si, à l'issue du délai d'études complémentaires, l'opérateur n'était pas confirmé dans ce choix ; qu'elle prévoit, en outre, des engagements de la part de la société Apsys ;

7. Considérant qu'en prenant acte de cette promesse, puis de ses avenants, qui étaient fermes, et en renonçant à certaines conditions, la collectivité doit être regardée comme ayant pris des engagements, et en particulier celui de s'abstenir de céder le bien à un tiers, en contrepartie des engagements pris à son égard par la société Apsys ; qu'eu égard à l'existence de ces engagements réciproques, et contrairement à ce qu'elles soutiennent, la commune de Moulins et la société Apsys doivent en réalité être regardées comme unies par un contrat, qui ne portait pas, par lui-même, cession d'un élément du domaine de la collectivité, mais visait à définir les droits et obligations des parties, pour le déroulement de la négociation, en vue de la future cession du bien ;

8. Considérant que, la responsabilité contractuelle ayant un caractère exclusif, la promesse dont se prévaut la société Apsys pour demander que la responsabilité de la collectivité soit engagée n'est pas détachable de ce contrat ; qu'elle n'invoque aucun fait générateur pouvant être regardé comme détachable de ce contrat ; que, dès lors, sa demande indemnitaire doit être regardée comme reposant exclusivement sur un fondement contractuel ;

9. Considérant que le contrat en cause, conclu par la commune avec une société privée, intervient dans le cadre d'un processus tendant à la vente d'immeubles de la collectivité ayant vocation à faire partie, à la date de cette vente, de son domaine privé ;

10. Considérant par ailleurs que le contrat ne peut être regardé comme ayant pour objet principal de passer avec la société Apsys un marché de travaux ou un marché de services, au sens du code des marchés publics, ou comme lui confiant la réalisation de travaux, pour le compte d'une personne publique, dans un but d'intérêt général ;

11. Considérant que, si le montage prévu vise à imposer à la société Apsys de faire réaliser un projet immobilier à vocation commerciale, aux caractéristiques prédéfinies, ces travaux ne pourront être regardés comme tendant à la réalisation d'un ouvrage correspondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur, exécutés dans son intérêt économique direct, au sens de la directive 2004/18 susvisée, telle qu'interprétée par la Cour de Justice de l'Union Européenne ; qu'un tel intérêt ne saurait être caractérisé par sa seule intention de favoriser le développement économique du centre-ville ; que, dans ces conditions, la cession immobilière en vue de laquelle ce contrat est passé, alors même qu'elle met à la charge du preneur des obligations, ne saurait être assimilée à un contrat relevant de la commande publique, que ce soit au regard du droit communautaire ou du droit national ; que ce contrat ne peut, par suite, et en tout état de cause, être qualifié de contrat administratif sur ce fondement ;

12. Considérant enfin qu'alors même que le projet de contrat final entend interdire, pendant une durée limitée, la revente du bien, et en encadrer la destination, les clauses ainsi envisagées ne sont pas étrangères, par leur nature, à celles qui sont susceptibles d'être consenties par quiconque dans le cadre des lois civiles et commerciales ; que ni le projet de contrat futur, tel qu'il peut être appréhendé à ce jour, ni le contrat passé pour sa négociation, ne comportent d'autre clause qui pourrait être regardée comme exorbitante du droit commun ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le contrat en litige est un contrat de droit privé ; qu'il suit de là qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître d'une demande tendant à la mise en cause de la responsabilité de la commune de Moulins à raison du non-respect de ce contrat ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il incombait au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand de décliner, pour ce motif, la compétence de la juridiction administrative ; que le jugement attaqué doit, par suite, être annulé ;

15. Considérant qu'il y a lieu, pour la Cour, d'évoquer, de statuer immédiatement sur ces conclusions et, ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, de les rejeter comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés non compris dans les dépens :

16. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la société Apsys doivent être rejetées ;

17. Considérant, en second lieu, que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la commune de Moulins ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0901309 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 12 avril 2012 est annulé.

Article 2: La demande présentée par la société Apsys est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Apsys, à la commune de Moulins et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2013, où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- M. B...et Mme Samson-Dye, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2013.

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N° 12LY01556

N° 12LY01556


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01556
Date de la décision : 04/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Domaine - Domaine privé.

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Contrats - Contrats de droit privé.

Domaine - Domaine privé - Contentieux - Compétence de la juridiction judiciaire.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : SELARL PASCAL WILHELM ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-07-04;12ly01556 ?
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