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27/06/2013 | FRANCE | N°12LY02780

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 27 juin 2013, 12LY02780


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 12 novembre 2012 et régularisée le 14 novembre 2012, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205332 du 11 octobre 2012 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 8 octobre 2012 qui obligent Mme D...à quitter sans délai le territoire français, fixent le pays de destination, et l'assignent à résidence ;

2°) de rejeter la demande d'annulation de

ces arrêtés présentée par Mme D...devant le Tribunal administratif ;

Il soutient que c'es...

Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 12 novembre 2012 et régularisée le 14 novembre 2012, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205332 du 11 octobre 2012 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 8 octobre 2012 qui obligent Mme D...à quitter sans délai le territoire français, fixent le pays de destination, et l'assignent à résidence ;

2°) de rejeter la demande d'annulation de ces arrêtés présentée par Mme D...devant le Tribunal administratif ;

Il soutient que c'est à tort que le Tribunal a estimé qu'il avait porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de l'intéressée, en raison du caractère récent du mariage et de la vie commune, qui n'est pas antérieure au mariage ; que rien n'empêche Mme D... de regagner provisoirement son pays d'origine afin de demander le regroupement familial ; que son époux, qui bénéficie d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et travaille dans une société de travail temporaire, peut l'accompagner au Congo ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 février 2013, par lequel Mme D...conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", et à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 1 500 euros au titre de l' article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme a été méconnu en l'espèce ; que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les articles 3-1 et 10 de la convention de New-York ; que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, car elle aurait dû être invitée à présenter une demande de regroupement familial sur place ; que le refus d'accorder un délai de départ n'est pas motivé, et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, car elle ne peut faire garder ses enfants et son mari travaille ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 signée à New-York ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juin 2013:

- le rapport de M. Rabaté, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ,

- et les observations de Me Huard, avocat de MmeD... ;

1. Considérant que le préfet de la Haute-Savoie relève appel du jugement du 11 octobre 2012 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 8 octobre 2012 qui obligent Mme D...à quitter sans délai le territoire français, fixent le pays de destination de l'intéressée, et l'assignent à résidence ;

Sur l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme :

2. Considérant qu'aux termes de l'article de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y

avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ";

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeD..., ressortissante congolaise née le 5 mai 1984, est entrée en France en mars 2009, et qu'elle y a épousé, le 2 avril 2011, un compatriote; que leurs deux enfants de même nationalité sont nés sur le territoire les 23 octobre 2009 et 22 octobre 2011 ; que l'époux de la requérante, arrivé en France en 2003, à l'âge de 16 ans et demi, est titulaire d'une carte de séjour renouvelée le 15 juillet 2012, et est employé dans une société d'intérim ; que toutefois la vie commune des époux n'a débuté qu'en mars 2010 ; que rien ne fait obstacle à la reconstitution de la cellule familiale dans le pays d'origine, où vivent les parents et la soeur de l'intéressée ; que cette dernière a fait l'objet de deux précédents refus de titre de séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire français en date des 19 août 2010 et 22 octobre 2011, dont la légalité des derniers a été confirmée par la Cour de céans par arrêt du 8 novembre 2012, et peut retourner au Congo solliciter le bénéfice du regroupement familial ; que dans ces conditions, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment à la durée et aux conditions de séjour en France de MmeD..., les décisions attaquées n'ont pas porté au respect de son droit à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard aux buts poursuivis ; qu'ainsi c'est à tort que le premier juge a estimé que le préfet avait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et a annulé ses décisions ;

4. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme D...devant le tribunal administratif et devant la Cour ;

Sur la compétence du signataire et la motivation des décisions :

5. Considérant que le signataire des décisions contestées, le secrétaire général de la préfecture, M. C...B..., bénéficiait d'une délégation de signature du préfet à cette fin, par arrêté du 30 juillet 2012 régulièrement publié ; que lesdites décisions énoncent les considérations de fait et de droit qui les fondent ; que par suite, les moyens tirés de l'incompétence du signataire et du défaut de motivation entachant les décisions contestées doivent être écartés ;

Sur les autres moyens :

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation des intéressés, et ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par l'article 3-1 de la convention susvisée de New-York ; que les stipulations de l'article 10 de la même convention créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ; que, dès lors, Mme D...ne peut utilement s'en prévaloir ;

7. Considérant que l'intéressée s'est soustraite à deux précédentes mesures d'éloignement ; que dans ces conditions, le fait, à le supposer établi, qu'elle n'ait pas de solution de garde pour ces enfants, ne peut suffire à démontrer que le refus de lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant que MmeD..., dont les demandes d'asile ont été rejetées par l'OFPRA et la Cour nationale du droit d'asile, ne donne aucun argument de nature à démontrer qu'elle risquerait d'être exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Congo ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par la décision fixant le pays de renvoi des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme sera écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions susmentionnées en date du 8 octobre 2012 ;

Sur la demande d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la demande de MmeD..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite les conclusions à fins d'injonction présentées par cette dernière doivent être rejetées ;

Sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à la condamnation de l'Etat, qui n'est pas partie perdante à l'instance ;

DECIDE :

Article 1er: Le jugement n° 1205332 du 11 octobre 2012 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2: La demande de Mme D...devant ce Tribunal, et ses conclusions présentées en appel, sont rejetées.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...D....

Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2013 à laquelle siégeaient :

M. Tallec, président de chambre,

M. Rabaté, président-assesseur,

M. Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juin 2013.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY02780
Date de la décision : 27/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Vincent RABATE
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-06-27;12ly02780 ?
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