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20/06/2013 | FRANCE | N°12LY01207

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 20 juin 2013, 12LY01207


Vu la requête, enregistrée le 14 mai 2012, présentée pour la société Entreprise Générale ECM, dont le siège est 76 chemin du Bois de Levaud à Cranves Sales (74380) ; la société Entreprise Générale ECM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801907 et 0802469 du 13 mars 2012 du Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il l'a condamnée à verser une somme de 426 593 euros au département de la Haute-Savoie, au titre de désordres affectant le collège Le Semnoz de Seynod, qu'il a rejeté son appel en garantie et qu'il a mis à sa charge les frais d'expert

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2°) à titre principal, de rejeter la demande du département de la Haut...

Vu la requête, enregistrée le 14 mai 2012, présentée pour la société Entreprise Générale ECM, dont le siège est 76 chemin du Bois de Levaud à Cranves Sales (74380) ; la société Entreprise Générale ECM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801907 et 0802469 du 13 mars 2012 du Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il l'a condamnée à verser une somme de 426 593 euros au département de la Haute-Savoie, au titre de désordres affectant le collège Le Semnoz de Seynod, qu'il a rejeté son appel en garantie et qu'il a mis à sa charge les frais d'expertise ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande du département de la Haute-Savoie, en tant qu'elle est dirigée contre elle ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement MM. D..., B...et H...à la garantir intégralement, ou à tout le moins à hauteur de 90 %, des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

4°) de mettre les frais d'expertise à la charge du département de la Haute-Savoie ;

5°) de mettre à la charge du département de la Haute-Savoie, ou de MM. D..., B...etH..., la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que sa responsabilité était engagée au titre de la garantie décennale, dès lors que les désordres n'ont pas été constatés contradictoirement dans le cadre de l'expertise, que le dommage résulte des ouvrages existants et non de la rénovation qu'elle a effectuée, qu'aucun manquement à une obligation de conseil ne peut lui être reproché et qu'en toute hypothèse, le désordre était apparent avant la réception des travaux du lot n° 6 ;

- la réalisation d'une étanchéité sous la couverture métallique ne pouvait être mise à sa charge, alors que le maître d'ouvrage avait refusé de procéder à de tels travaux en refusant son devis du 24 octobre 1995 ; les travaux de fixation de charpente et de bandeau périphérique ne peuvent être mis à sa charge puisqu'ils relèvent de l'entretien de l'ouvrage ; les premiers juges auraient dû rechercher s'il était possible de procéder à des travaux de réfection à moindre coût ; elle n'a pas à prendre en charge les travaux de peinture plâtrerie qui étaient pour partie étrangers au désordre ; les travaux ont été engagés sans autorisation du juge des référés et sans débat contradictoire ;

- c'est l'inertie du département qui est à l'origine des travaux d'urgence réalisés en 2006 ;

- elle n'a pas à supporter le coût de l'expertise et les frais de procès, puisque le rapport d'expertise n'a eu aucune utilité pour la solution du litige ;

- à titre subsidiaire, les architectes doivent voir leur responsabilité engagée pour avoir pris le parti de rapporter sur les toitures terrasses une couverture métallique en pensant, à tort, qu'elle pourrait jouer un rôle de " parapluie étanche " ; que le maître d'oeuvre a pris le risque, accepté par le maître d'ouvrage, de ne pas refaire à neuf l'étanchéité de la toiture terrasse ; les non-conformités aux DTU et les malfaçons étaient décelables pour le maître d'oeuvre, qui a manqué à sa mission de contrôle et de suivi des travaux ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 3 janvier 2013 fixant la clôture de l'instruction au 25 janvier 2013 ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 janvier 2013, présenté pour M. A...D..., M. J... B... et M. I...H..., qui demandent à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter les conclusions d'appel en garantie dirigées contre eux ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter leur part de responsabilité à 10 % et de réduire la somme à verser au département de la Haute-Savoie ;

3°) de mettre à la charge de la société entreprise générale ECM, outre les frais d'expertise, la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- ils avaient alerté les entreprises et le maître d'ouvrage sur le fait qu'il serait nécessaire de reprendre l'ancienne étanchéité à la moindre alerte ;

- le Tribunal ne pouvait allouer une somme supérieure au montant évalué par l'expert judiciaire ; les travaux de reprise d'étanchéité, évalués à hauteur de 75 200 euros hors taxe, devaient être déduits, ainsi qu'un coefficient de vétusté d'au moins 30 % ; la taxe sur la valeur ajoutée devait être déduite ;

- les désordres sont exclusivement imputables à la société ECM, les architectes n'ayant pour leur part commis aucune faute, que ce soit en terme de conception ou de suivi du chantier ; il s'agissait de fautes d'exécution, non décelables durant le chantier ou à réception ; il appartenait à la société ECM d'avertir les maîtres d'oeuvre de la nécessité de reprendre l'étanchéité, au titre de son devoir de conseil, ou d'émettre une réserve ; le maître d'ouvrage n'a invoqué aucun manquement au devoir de conseil par les maîtres d'oeuvre et cette allégation n'est pas étayée ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 janvier 2013, présenté pour le département de la Haute-Savoie, représenté par le président du conseil général ; le département de la Haute-Savoie conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la société Entreprise Générale ECM la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- si un problème d'étanchéité a pu être invoqué en cours de travaux, ce n'était plus le cas lors de la réception ; la société requérante n'a pas contesté, en cours d'expertise ou devant le Tribunal administratif, qu'il s'agissait d'un nouveau désordre, de caractère décennal ;

- les travaux réalisés en 2007 avaient pour seul but de sauvegarder l'ouvrage ; la condamnation prononcée par les premiers juges n'inclut pas de dépenses d'amélioration ; il n'y a pas lieu d'appliquer un coefficient de vétusté, non sollicité par l'entrepreneur ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2013 :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public,

- les observations de MeC..., représentant la société Entreprise Générale ECM, de MeF..., représentant le département de la Haute-Savoie et de Me G...représentant M.M.B..., H...etD... ;

1. Considérant que la société Entreprise Générale ECM relève appel du jugement du Tribunal administratif de Grenoble en date du 13 mars 2012, en tant qu'il l'a condamnée à verser une somme de 426 593 euros au département de la Haute-Savoie, au titre de désordres décennaux affectant le collège Le Semnoz de Seynod, qu'il a rejeté son appel en garantie et qu'il a mis à sa charge les frais d'expertise ; que les architectes, appelés en garantie, présentent des conclusions d'appel provoqué ;

Sur la responsabilité de la société entreprise générale ECM :

2. Considérant qu'en vertu des principes dont s'inspirent l'article 1792 du code civil, et l'article 2270, alors applicable, du même code, les constructeurs tenus à la garantie décennale sont responsables de plein droit des dommages non apparents à la réception qui compromettent la destination de l'ouvrage à la construction duquel ils ont participé et qui leur sont imputables, même partiellement ; qu'ils ne peuvent s'exonérer de cette responsabilité qu'en prouvant que les désordres proviennent d'une cause étrangère à leur intervention ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 9 janvier 1995, le département de la Haute-Savoie a conclu avec la société ECM exploitations, aux droits de laquelle est intervenue la société Entreprise Générale ECM, trois marchés de travaux pour la réhabilitation du collège de Seynod, relatifs aux lots n° 5 (couverture métallique), n° 6 (étanchéité) et n° 7 (structure métallique) ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les infiltrations constatées, notamment, en mai 2001 et avril 2002, sont de nature à rendre le collège impropre à sa destination ; que ces dommages sont une conséquence des travaux de rénovation des toitures auxquels la société ECM exploitations a pris part et ne sont pas imputables au seul état initial de l'immeuble, avant travaux ; que la circonstance qu'elle n'aurait pas manqué à son devoir de conseil n'est pas de nature à l'exonérer de l'obligation de garantie qu'elle doit au maître de l'ouvrage, du seul fait de sa participation à la réalisation des ouvrages affectés par les désordres ; que la société ECM n'établit pas qu'au moment des opérations de réception, qui se sont déroulées, par tranche, en 1997 et 1998, les dommages dont le maître de l'ouvrage est susceptible d'être indemnisé étaient connus, ou prévisibles dans toute leur ampleur ; que la société requérante ne peut utilement se référer, pour l'appréciation du caractère apparent du désordre, à la situation existant à la date à laquelle les procès-verbaux lui ont été communiqués ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la réception serait en réalité intervenue à une date différente de celle figurant sur les procès-verbaux ;

Sur le préjudice du département de la Haute-Savoie :

5. Considérant que le préjudice du département doit être évalué en tenant compte des mesures propres à rendre l'ouvrage conforme à ses caractéristiques contractuelles, dans la limite de ce que prévoyait le marché ;

6. Considérant que la circonstance que le maître d'ouvrage, qui a été dans l'obligation, devant la carence de l'expert initialement désigné à sa demande le 3 février 2003, de réaliser en 2007 d'importants travaux de réfection afin d'assurer la continuité de l'utilisation du collège, n'ait pas évoqué ces travaux à l'occasion de la reprise des opérations d'expertise en janvier 2008, ne s'oppose pas à ce que le coût de ces travaux soit indemnisé ;

7. Considérant que les travaux de sécurisation d'urgence réalisés par la société APC Etanch, à l'occasion d'infiltrations constatées en 2006, résultent des désordres imputables à la société requérante ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le maître d'ouvrage aurait été en mesure de réparer les désordres affectant cette partie de la toiture plus tôt, afin d'éviter cette intervention et qu'il aurait, par suite, commis une faute de nature à réduire le préjudice indemnisable ;

8. Considérant que les travaux de refixation de charpentes et de bandeaux périphériques, d'un montant de 10 976,50 euros hors taxe, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'ils auraient été rendus nécessaires par un désordre de nature décennale, n'ont pas été retenus par le Tribunal administratif de Grenoble pour déterminer le préjudice indemnisable du département de la Haute-Savoie ; que, dès lors, la société requérante ne peut utilement s'y référer pour contester le montant de la condamnation prononcée à son encontre par les premiers juges ;

9. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que certains des travaux de plâtrerie-peinture, commandés par le département de la Haute-Savoie à la société Isolation protection Etanchéité, auraient eu pour objet de procéder à des réfections ne découlant pas des détériorations induites par les malfaçons constatées, qui n'ont pas affecté que l'intérieur du bâtiment ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le marché relatif au lot n° 6, portant sur l'étanchéité, ne prévoyait pas une réfection à neuf de l'ensemble de l'étanchéité des toitures terrasses existantes, mais une simple réhabilitation ; que, s'il a été demandé à l'entrepreneur, en cours de chantier, de présenter un devis pour un remplacement de l'étanchéité, il n'a pas été donné suite à cette proposition de travaux supplémentaires ; que, par suite, alors même que la réalisation d'une nouvelle étanchéité était indispensable pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination, il y a lieu de déduire du montant à verser au maître d'ouvrage, au titre des travaux de réparation qu'il a dû engager, la plus-value correspondant à des travaux qu'il avait renoncé à commander ; que, dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à verser une somme, au titre des travaux d'étanchéité, réalisés par la société Projisol, hors avenant, de 321 377 euros toutes taxes comprises ; que cette somme doit être ramenée, après diminution de l'indemnisation accordée au titre du poste 4 de la décomposition du prix global et forfaitaire de la société Projisol au prorata de la surface dont la réfection de l'étanchéité était prévue initialement, à 140 883,62 euros hors taxe soit 168 497 euros toutes taxes comprises ; que, compte tenu des autres condamnations, non efficacement contestées, la somme qui doit être mise à la charge de la société Entreprise Générale ECM au titre des désordres décennaux est ainsi de 273 713 euros toutes taxes comprises ;

Sur l'appel en garantie :

11. Considérant que, d'une part, il n'est pas établi que le préjudice que la société requérante est condamnée à indemniser résulterait même pour partie d'une faute de conception ; que, d'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que les architectes auraient commis un manquement caractérisé dans leur mission de surveillance des travaux, d'une gravité suffisante pour justifier d'atténuer la part qui doit rester à l'entrepreneur dans la répartition finale de la charge des indemnités ; que, par suite, l'entreprise Générale ECM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions d'appel en garantie dirigées contre MM.D..., B...etH... ;

Sur les frais d'expertise de première instance :

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser les frais de l'expertise ordonnée en référé le 3 février 2003, au regard de laquelle s'étaient prononcés les premiers juges, taxés et liquidés à la somme de 15 330,61 euros par ordonnance du 22 avril 2010, à la charge de la société Entreprise Générale ECM ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés non compris dans les dépens :

13. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions du département de la Haute-Savoie doivent être rejetées ;

14. Considérant, en second lieu, que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la société Entreprise Générale ECM et par MM.D..., B...et H...;

DÉCIDE :

Article 1er : La condamnation prononcée par l'article 3 du jugement du Tribunal administratif de Grenoble en date du 13 mars 2012 est ramenée à 273 713 euros toutes taxes comprises.

Article 2: L'article 3 du jugement du Tribunal administratif de Grenoble en date du 13 mars 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Entreprise Générale ECM, au département de la Haute-Savoie, à MM.D..., B...et H...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2013, où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- M. E...et Mme Samson-Dye, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 20 juin 2013.

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N° 12LY01207 2

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