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06/06/2013 | FRANCE | N°12LY02095

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 06 juin 2013, 12LY02095


Vu, I, sous le n° 12LY02095 la requête, enregistrée le 2 août 2012, présentée pour la commune de Chalon-sur-Saône, représentée par son maire en exercice ; la commune de Chalon-sur-Saône demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001807 du 7 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 décembre 2009 du directeur général de l'établissement public Voies Navigables de France refusant d'entretenir le perré du quai de la Monnaie ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décisi

on ;

3°) d'enjoindre à Voies Navigables de France de remettre en état le perré du ...

Vu, I, sous le n° 12LY02095 la requête, enregistrée le 2 août 2012, présentée pour la commune de Chalon-sur-Saône, représentée par son maire en exercice ; la commune de Chalon-sur-Saône demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001807 du 7 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 décembre 2009 du directeur général de l'établissement public Voies Navigables de France refusant d'entretenir le perré du quai de la Monnaie ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) d'enjoindre à Voies Navigables de France de remettre en état le perré du quai de la Monnaie dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de Voies Navigables de France la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune de Chalon-sur-Saône soutient que les premiers juges ont entaché le jugement de dénaturation et d'erreur de fait en retenant que le perré avait nécessairement été construit par la commune, alors que l'on ne sait ni par qui ni quand il a été édifié, et qu'en toute hypothèse il a été réalisé à une époque où les collectivités territoriales n'avaient pas d'indépendance ; que le perré vise à assurer la pérennité des berges, et non de la voie publique qui le surplombe en retrait, et comporte une rampe de mise à l'eau ; que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que l'éventuelle ruine de l'ouvrage ne ferait pas obstacle à la navigation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2013, présenté pour l'établissement public Voies Navigables de France, représenté par son directeur général en exercice, qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la commune de Chalon-sur-Saône une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que les perrés du quai de la Monnaie avaient été construits par la commune de Chalon-sur-Saône, pour soutenir les remblais effectués pour réaliser la voirie communale ; que les plans du quai en cause ne comportaient à l'origine que des rampes servant d'accès à l'abreuvoir et au lavoir ; qu'un mur de soutènement fait partie du domaine public fluvial ;

Vu l'ordonnance du 20 février 2013 fixant la clôture de l'instruction au 13 mars 2013 ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 mars 2013, présenté pour la commune de Chalon-sur-Saône, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 mars 2013, présenté pour l'établissement public Voies Navigables de France, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 19 mars 2013 reportant la clôture de l'instruction au 3 avril 2013 ;

Vu II, sous le n° 12LY002110, la requête enregistrée le 3 août 2012, présentée pour l'établissement public Voies Navigables de France, dont le siège est 175 rue Ludovic Boutleux à Béthune (62 408 cedex), représenté par son directeur général en exercice ;

L'établissement public Voies Navigables de France demande à la Cour :

1°) de réformer l'article 2 du jugement n° 1001807 du 7 juin 2012 du tribunal administratif de Dijon mettant à sa charge la moitié des frais et honoraires d'expertise, pour un montant de 89 263,33 euros ;

2°) de condamner la commune de Chalon-sur-Saône à supporter l'intégralité des frais et honoraires d'expertise ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Chalon-sur-Saône une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

L'établissement public Voies Navigables de France fait valoir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné, sans motivation, à supporter une partie des frais et honoraires d'expertise, alors que la commune de Chalon-sur-Saône avait été regardée comme partie perdante et qu'il n'y avait pas de circonstance particulière ;

Vu l'ordonnance du 20 février 2013 fixant la clôture de l'instruction au 13 mars 2013 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2013, présenté pour la commune de Chalon-sur-Saône, qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'établissement public Voies Navigables de France une somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

Elle fait valoir que l'entretien des perrés devant être assuré par l'établissement public Voies Navigables de France, l'intégralité des frais d'expertise devra être mise à sa charge ; qu'il appartenait aux premiers juges de se prononcer d'office sur la charge définitive des frais d'expertise ; que le partage des frais était justifié dès lors que l'établissement public Voies Navigables de France n'est pas fondé à prétendre que sa responsabilité dans la survenance des désordres ne serait pas établie ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 mars 2013, présenté pour l'établissement public Voies Navigables de France, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Il fait valoir en outre qu'elle ne soutient pas que le Tribunal aurait statué ultra petita ;

Vu l'ordonnance du 19 mars 2013 reportant la clôture de l'instruction au 3 avril 2013 ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 2 avril 2013, présenté pour la commune de Chalon-sur-Saône, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; elle fait valoir en outre que l'expertise ne se rattachait pas qu'au litige relatif au quai de la Monnaie, mais aussi à d'autres sites, ayant donné lieu à un litige tranché par jugement du 7 février 2013 du Tribunal administratif de Dijon, pour lequel l'établissement public Voies Navigables de France a été jugé partie perdante ;

Vu l'ordonnance du 4 avril 2013 reportant la clôture de l'instruction au 22 avril 2013 ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 19 avril 2013, non communiqué, présenté pour l'établissement public Voies Navigables de France, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ; il fait valoir en outre que les premiers juges n'avaient pas estimé qu'il était partie perdante, que le jugement du 7 février 2013 opère une distinction entre les perrés affectés à l'amarrage et ceux qui ne le sont pas, et sont donc inutiles à la navigation ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code des transports ;

Vu la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990 ;

Vu la loi n° 91-1385 du 31 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2013 :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

- les observations de Me C..., représentant la commune de Chalon-sur-Saône et de MeA..., représentant l'établissement public Voies Navigables de France ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 mai 2013, présentée par l'établissement public Voies Navigables de France dans l'instance n° 12LY02095 ;

1. Considérant que les requêtes nos 12LY02095 et 12LY02110 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que, par jugement du 7 juin 2012, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de la commune de Chalon-sur-Saône tendant à l'annulation de la décision du 16 décembre 2009 par laquelle le directeur général de Voies navigables de France (ci-après VNF) a refusé de remettre en état le perré du quai de la Monnaie, et a partagé la charge des frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés ; qu'il est interjeté appel de ce jugement, d'une part, par la commune de Chalon-sur-Saône, en tant qu'il rejette sa demande, et, d'autre part, par VNF, en tant qu'il met à sa charge une partie des dépens de l'instance ;

3. Considérant que, par l'acte en litige, le directeur général de VNF a estimé que cet établissement public n'avait pas à participer financièrement à l'entretien du perré du quai de la Monnaie, situé sur le territoire de la commune de Chalon-sur-Saône, car il n'était pas utile à la navigation et constituait l'accessoire indispensable de la voirie ;

Sur l'appartenance du perré au domaine public fluvial :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2111-7 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public fluvial naturel est constitué des cours d'eau et lacs appartenant à l'Etat, aux collectivités territoriales ou à leurs groupements, et classés dans leur domaine public fluvial " ; qu'aux termes de l'article L. 2111-9 du même code : " les limites des cours d'eau domaniaux sont déterminées par la hauteur des eaux coulant à pleins bords avant de déborder... " ; qu'ainsi que le rappelle l'article L. 2111-2 de ce code, les biens qui constituent un accessoire indispensable à un bien appartenant au domaine public et concourent à son utilisation relèvent également du domaine public ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le perré du quai de la Monnaie est un mur de soutènement incliné, recouvrant la berge de la Saône ; que cet aménagement des rives, qui ne dépasse pas la limite constituée par la hauteur des eaux coulant à pleins bords avant de déborder, s'il sert de soutènement à la voie qui le surplombe, constitue également une modalité d'aménagement des berges de ce cours d'eau navigable, justifiée notamment par l'effet de la navigation sur les rives ; que, dès lors, ce bien constitue un accessoire indispensable du cours d'eau et se rattache au domaine public fluvial naturel, alors même qu'il n'est pas utilisé, à ce jour, pour l'accostage des bateaux et que les berges ont fait l'objet de transformations, au dix-huitième siècle, liées à des considérations d'aménagement urbain ;

Sur la charge de l'entretien du perré :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2124-11 du code général de la propriété des personnes publiques : " L'entretien, tel que défini aux articles L. 215-14 et L. 215-15 du code de l'environnement, des cours d'eau domaniaux et de leurs dépendances est à la charge de la personne publique propriétaire du domaine public fluvial. Toutefois, les personnes qui ont rendu les travaux nécessaires ou y trouvent intérêt peuvent être appelées à contribuer au financement de leur entretien (...) A défaut d'accord sur le montant de la participation (...) , il est fait application des dispositions de l'article L. 211-7 du code de l'environnement " ; qu'il ressort par ailleurs des dispositions de l'article 124 de la loi n° 90-1168, alors en vigueur, aujourd'hui reprises à l'article L. 4311-1 du code des transports, que l'établissement public VNF est chargé de l'entretien des voies navigables et de leurs dépendances ; qu'ainsi l'entretien du perré en litige incombe à VNF ;

Sur la nécessité d'entretenir le perré :

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le perré du quai de la Monnaie présente, à la date de la décision en litige, des dégradations, susceptibles de provoquer son effondrement, et celui de la voie qui le surplombe ; que, dans ces conditions, son entretien est indispensable ; que, par suite, VNF ne pouvait légalement refuser d'entretenir le perré du quai de la Monnaie ; que ce bien ne faisant pas, au sens strict, l'objet de deux affectations, VNF ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 2123-7 et L. 2123-8 du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la superposition d'affectation, pour soutenir qu'il a vocation à être indemnisé partiellement par la commune ; que, pour autant, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que VNF conclue avec la commune de Chalon-sur-Saône, sur un autre fondement, et notamment au titre des dispositions de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, qui renvoie aux articles L. 151-36 à L. 151-40 du code rural et de la pêche maritime permettant à la personne publique propriétaire de prescrire les travaux en déterminant les participations des diverses personnes y ayant intérêt, une convention permettant d'assurer la prise en compte des contraintes liées à la voirie routière surplombant le perré, à l'occasion de sa réfection, moyennant une participation financière de la commune ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Chalon-sur-Saône est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal de Dijon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution " ; que le présent arrêt implique que VNF prenne la décision de réaliser les travaux d'entretien du perré du quai de la Monnaie, dans un délai de trois mois à compter de sa notification ; qu'il n'y a pas lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les frais de l'expertise :

10. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens " ; qu'il y a lieu, compte tenu des circonstances particulières de l'affaire, de mettre les frais de l'expertise, ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Dijon, taxés et liquidés à la somme de 178 526,66 euros toutes taxes comprises, à la charge définitive de la commune de Chalon-sur-Saône à hauteur de 89 263,33 euros et de VNF à hauteur de 89 263,33 euros ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

11. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de l'établissement public VNF doivent être rejetées ;

12. Considérant, en second lieu, que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la commune de Chalon-sur-Saône ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1001807 du Tribunal administratif de Dijon en date du 7 juin 2012 et la décision du 16 décembre 2009 du directeur général de Voies Navigables de France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à l'établissement public Voies Navigables de France de prendre la décision d'entretenir le quai de la Monnaie à Chalon-sur-Saône, dans un délai de 3 mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 178 526,66 euros toutes taxes comprises, sont mis à la charge définitive de la commune de Chalon-sur-Saône à hauteur de 89 263,33 euros et de l'établissement public Voies Navigables de France à hauteur de 89 263,33 euros.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5: Le présent arrêt sera notifié à la commune de Chalon-sur-Saône, à l'établissement public Voies Navigables de France et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2013 où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- M. B...et Mme Samson-Dye, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 6 juin 2013.

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Nos 12LY02095 - 12LY02110 2

N° 12LY002095 - 12LY002110


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY02095
Date de la décision : 06/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Domaine - Domaine public - Consistance et délimitation.

Domaine - Domaine public - Consistance et délimitation - Domaine public naturel - Consistance du domaine public fluvial - Terrains faisant partie du domaine public fluvial.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : TISSOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-06-06;12ly02095 ?
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