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28/05/2013 | FRANCE | N°12LY02757

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 28 mai 2013, 12LY02757


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 8 novembre 2012, présentée pour M. A... B..., domicilié ...;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203216 du 17 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 12 avril 2012, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant un délai de départ volontaire à trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir,

les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 8 novembre 2012, présentée pour M. A... B..., domicilié ...;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203216 du 17 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 12 avril 2012, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant un délai de départ volontaire à trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois et dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de deux jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée ; que le préfet du Rhône s'est estimé, à tort, en situation de compétence liée ; qu'il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il a commis une erreur manifeste d'appréciation ; que son droit à être entendu a été violé ; que la décision l'astreignant à se présenter une fois par semaine auprès de la direction zonale de la police aux frontières jusqu'à son départ est entachée d'une erreur matérielle qui la prive de base légale ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 février 2013, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête, aucun des moyens n'étant fondé ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 7 mars 2013, présenté pour M. B...tendant aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; il soutient en outre que l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne a été violé ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 mars 2013, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut comme précédemment ; il soutient en outre que l'intéressé a été entendu avant la prise de décision contestée ;

Vu la décision du 25 septembre 2012, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 avril 2013 :

- le rapport de M. Chanel, président de chambre,

- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., de nationalité algérienne, entré régulièrement en France le 23 décembre 2005, sous couvert d'un visa, s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 12 avril 2012, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée vise notamment les dispositions du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que M. B... n'établit pas entrer dans l'une des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire en vertu de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne les éléments de fait concernant sa situation personnelle ; qu'ainsi, la décision attaquée du préfet du Rhône, qui a procédé à un examen attentif de la situation de M.B..., comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ladite décision doit être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, que lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que selon la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ;

5. Considérant que M. B...soutient qu'en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne, tel qu'il est consacré par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, son droit d'être entendu a été méconnu en ce qu'il n'a pas été informé qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure l'obligeant à quitter le territoire français et n'a pas été mis en mesure de faire valoir ses observations avant l'édiction de cette mesure ; que, toutefois, au cours de son audition par les services de police le 12 avril 2012, l'intéressé a reconnu qu'il était en situation irrégulière en France, qu'il voulait pouvoir régulariser sa situation et souhaitait ne pas être placé en rétention ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué, qui vise le procès-verbal d'audition du 12 avril 2012 et qui, en accordant à l'intéressé un délai de 30 jours, ne l'a pas placé dans une situation l'affectant défavorablement, serait intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière ; que M. B...n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le principe fondamental garantissant le respect de ses droits à la défense et d'une bonne administration a été méconnu ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le préfet du Rhône a examiné si M. B...était dans l'une des catégories des étrangers qui ne peuvent pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou si sa situation pouvait justifier une régularisation à titre exceptionnel ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Rhône se serait cru en situation de compétence liée doit être écarté ;

7. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

8. Considérant que M. B...fait valoir qu'il s'occupe de sa soeur handicapée qui réside régulièrement en France et qu'il est bien intégré en France ; que, toutefois, il n'établit pas par la production d'un certificat médical peu circonstancié et du témoignage de son beau-frère, qui indique que M. B... s'occupe de ses enfants pendant son absence, le caractère indispensable de sa présence auprès de sa soeur handicapée ni l'impossibilité pour cette dernière de bénéficier de l'aide d'une tierce personne ; que, par ailleurs, la production d'une promesse d'embauche en qualité de carrossier ne suffit pas à démontrer sa bonne intégration en France ; que, de surcroît, il n'est pas dépourvu d'attaches en Algérie, où il a vécu la majeure partie de sa vie et où résident notamment ses parents ainsi que le reste de sa fratrie ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de son séjour en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur le délai de départ volontaire :

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) " ;

10. Considérant que la décision statuant sur l'octroi éventuel d'un délai de départ volontaire à l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français est l'accessoire de la décision d'éloignement dont elle constitue une simple mesure d'exécution ; qu'il résulte des dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, que pour exécuter spontanément l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite, l'étranger dispose en principe d'un délai de trente jours à compter de la notification de la mesure d'éloignement ; que ces mêmes dispositions donnent à l'autorité administrative la faculté, soit de décider à titre exceptionnel d'accorder à l'étranger un délai de départ volontaire supérieur à trente jours en raison de la situation personnelle de l'intéressé, soit au contraire de refuser, par une décision motivée, de lui accorder un délai de départ volontaire si les conditions légales d'un tel refus sont remplies ; que, par suite, la décision par laquelle le préfet accorde à l'étranger un délai de trente jours pour exécuter spontanément l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite ne saurait, eu égard à son objet et ses effets, être regardée comme ayant le caractère d'une décision défavorable, que dans l'hypothèse où l'étranger avait saisi le préfet d'une demande tendant à ce que lui soit accordé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ou fait état de circonstances tenant à sa situation personnelle de nature à justifier que lui soit accordé un tel délai, à titre exceptionnel ; que la décision par laquelle le préfet du Rhône a accordé à M. B... un délai de départ volontaire de trente jours, soit le délai maximal, sauf circonstance particulière, prévu par l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 et le délai de droit commun fixé à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne constitue pas une décision affectant défavorablement l'étranger, pour laquelle l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne implique qu'elle soit prise après qu'il a été entendu alors au demeurant que c'est sur la demande de l'intéressé que ledit délai lui a été consenti ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ;

Sur la décision d'astreinte :

11. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l'article L. 511-1 peut, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ (...) " ;

12. Considérant que la décision astreignant M. B...à se présenter une fois par semaine auprès de la direction zonale de la police aux frontières, SPAF Lyon Ville, jusqu'à son départ volontaire dans le délai imparti afin d'indiquer ses diligences dans le cadre de la préparation de son départ, énonce, nonobstant une erreur matérielle du préfet du Rhône qui vise l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les dispositions de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, cette erreur matérielle, qui ne prive pas de base légale la décision attaquée, est sans incidence sur sa légalité ;

13. Considérant, en second lieu, que si M. B...soutient qu'il dispose d'une adresse fixe chez sa soeur, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français depuis 2005 ; que, par suite, le préfet du Rhône, en mentionnant le risque que l'intéressé se soustraie à la décision l'obligeant à quitter le territoire français et en prenant en compte par la décision d'astreinte attaquée le souci de l'intéressé émis le 12 avril 2012 " de ne pas être placé en rétention ", n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2013 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président,

M. Bourrachot, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 mai 2013.

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N° 12LY02757


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY02757
Date de la décision : 28/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Christian CHANEL
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-05-28;12ly02757 ?
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