Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2012, présentée pour le Comité de défense du Bois des Rochottes et de ses riverains, dont le siège est 12 route de Mailly-le-Château, Hameau d'Anus, à Fouronnes (89560), pour M. C...B..., domicilié ... et pour l'association Le Varne, dont le siège est Côte Grimon à Coulanges-sur-Yonne (89480) ;
Ils demandent dans le dernier état de leurs conclusions :
1°) d'annuler le jugement n° 1001451 et 1001473 en date du 3 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Yonne en date du 16 avril 2010 autorisant le défrichement de 19 ha 74 a 78 ca de parcelles de bois situées sur le territoire de la commune de Courson-les Carrières au profit de la société La Provençale ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Yonne en date du 16 avril 2010 autorisant le défrichement de 19 ha 74 a 78 ca de parcelles de bois situées sur le territoire de la commune de Courson-les Carrières au profit de la société La Provençale ;
3°) de condamner l'Etat et la société La Provençale à leur verser 2 000 euros au titre de l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- le jugement doit être annulé en ce qu'il ne mentionne pas la présence de leur mandataire lors de l'audience ainsi que la note en délibéré produite ;
- la première demande de défrichement a été rejetée tacitement par le préfet de l'Yonne par décision du 12 janvier 2008 ; qu'une nouvelle demande a été enregistrée le 23 janvier 2008 portant sur une surface différente ;
- les moyens liés à l'irrégularité de la demande de reprise d'instruction résultant du courrier de la société du 15 janvier 2010 n'étaient pas inopérants ;
- la notice d'impact ne comporte pas l'analyse des effets de la distraction du régime forestier ;
- l'absence de ces informations a également nui à l'information du public ;
- le défrichement a un impact négatif sur la qualité des eaux ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 juillet 2012, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- les requérants n'apportent pas la preuve qu'ils ont présenté des observations orales et une note en délibéré ; qu'il n'est pas établi qu'une telle note présentait des circonstances de droit et de fait nouvelles ;
- la décision d'autorisation de défrichement a été prise sur la seule demande d'autorisation du 12 juillet 2007 ; que l'irrégularité du courrier demandant une nouvelle instruction est sans incidence sur la régularité de la décision ;
- la surface de défrichement correspond à celle de la demande ; que la surface de la demande d'autorisation d'exploitation de carrière est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;
- l'absence de mention des effets de la distraction n'a pas conduit le préfet de l'Yonne à sous-estimer l'impact environnemental du projet ; que la notice mentionne la demande de distraction ; que la notice a porté sur l'ensemble de la superficie concernée ; que le périmètre concerné ne recoupe aucun périmètre de protection de captages d'alimentation en eau potable ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 août 2012, présenté pour la société Provençale qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation des requérants à lui verser 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Elle soutient que :
- le Comité de défense du Bois des Rochottes n'a pas intérêt à agir comme l'a jugé un arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon du 7 juillet 2011 ; que les requérants ne prouvent pas avoir soumis de note en délibéré ;
- la demande d'autorisation ayant conduit à l'arrêté du 25 mars 2008 n'a pas été effacée par l'annulation de l'arrêté ; que c'est bien la demande du 12 juillet 2007 renouvelée le 23 janvier 2008 qui devait être visée ; que la demande de distraction n'a pas de lien avec le défrichement ;
- l'opération de distraction est purement juridique et la notice d'impact couvre les surfaces concernées ; qu'aucune particularité environnementale ne peut être attachée à cette opération ; que l'impact forestier n'est que provisoire puisqu'il sera procédé au reboisement ; que les incidences sur l'hydrologie ne sont qu'indirectes comme le prouve le rapport d'un expert ; que le puits mentionné est extérieur au périmètre de défrichement ; qu'il n'a pas vocation à l'alimentation en eau potable ; qu'il n'a pas été décelé d'eau sous les parcelles concernées par le défrichement jusqu'à une profondeur de 20 mètres ; que les caractéristiques géologiques s'opposent à l'existence de sources ou de risques hydrologiques ;
Vu le mémoire, enregistré le 4 octobre 2012, présenté pour les requérants qui concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Ils soutiennent, en outre, que :
- une note en délibéré a été enregistrée par le greffe du Tribunal ; que leur avocat a produit ses titres de transport pour assister à l'audience ;
- l'association Comité de défense du Bois des Rochottes a intérêt à agir dès lors que son appellation démontre un intérêt local ;
- la lettre du 15 janvier 2010 mentionnait le fait qu'une parcelle de 5 ha serait distraite du régime forestier ; que, par suite, ce courrier représentait une nouvelle demande ; que cette nouvelle demande n'émanait pas d'une personne habilitée ; que l'arrêté attaqué a été pris sans l'avis de l'Office national des forêts ; que la distraction du régime forestier de parcelles n'emporte pas les mêmes conséquences que l'autorisation de défrichement puisqu'elles ne retrouveront pas leur régime antérieur ; que le directeur d'agence de l'ONF a fait une erreur d'appréciation sur la possibilité pour ces parcelles de réintégrer le régime forestier ; que l'acte de vente ne prévoit qu'une simple faculté de rachat des communes ;
- les conditions des boisements compensateurs ne sont pas précises ; que l'arrêté ne précise pas les parcelles à reboiser ni les contraintes liées à ces boisements compensateurs ;
- la forêt a un effet protecteur sur la qualité des eaux souterraines ; qu'aucune analyse des effets de la couverture forestière sur le plateau karstique n'a été faite ; que le secteur concerné est affecté de nombreux défrichements à vocation agricole ; que les conclusions de l'hydrogéologue portaient sur l'autorisation de carrière et non sur le défrichement ; que la zone concernée est limitrophe du captage d'alimentation en eau potable de Festigny ; que la société a renoncé à l'utilisation du forage F3 pour l'alimentation en eau potable du fait de l'impact de la carrière sur la qualité de cette eau ; que le rapport de la DDAF indique que la remise en état du site ne restituera pas ses qualités écologiques initiales ; que le forage F3 produit une eau souterraine potable et de bonne qualité ;
- le préfet de l'Yonne a commis une erreur manifeste d'appréciation sur les boisements compensateurs ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 décembre 2012, présenté pour la société Provençale qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Elle soutient, en outre, que :
- la note en délibéré ne contient pas d'éléments de fait nouveaux ;
- la distraction n'a pas d'effets sur l'obligation de reboisement et n'est pas permanente ; que la notice d'impact a informé l'autorité préfectorale correctement en proposant un reboisement du double de la surface défrichée ; que l'impact du défrichement est négligeable au regard de l'impact de l'exploitation de la carrière ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 décembre 2012, présenté pour les requérants qui concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 31 janvier 2013, présenté pour la société La Provençale qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code forestier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 avril 2013 :
- le rapport de M. Clément, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., substituant Me Perret, avocat des requérants, et celles de Me Grandpierre, avocat de la société La Provençale ;
1. Considérant que le Comité de défense du Bois des Rochottes et de ses riverains, M. C... B...et l'association Le Varne font appel du jugement n°1001451 et 1001473 en date du 3 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Yonne en date du 16 avril 2010 autorisant le défrichement de 19 ha 74 a 78 ca de parcelles de bois situées sur le territoire de la commune de Courson-les Carrières au profit de la société La Provençale ;
2. Considérant qu'en dépit de l'absence de délimitation, dans ses statuts, du ressort géographique de son champ d'action, le Comité de défense du Bois des Rochottes et de ses riverains doit être regardé comme ayant un champ d'intervention local compte tenu des indications fournies sur ce point notamment par son appellation ; qu'il justifie ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de la décision attaquée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'avocat des requérants a produit une note en délibéré qui a été enregistrée au greffe du tribunal administratif le 6 décembre 2011, jour de l'audience publique ; que les visas du jugement attaqué ne font pas mention de cette note en délibéré ; que, par suite, ce jugement est irrégulier et doit être annulé ; qu'il y a lieu pour la Cour de statuer sur la demande présentée devant le Tribunal par la voie de l'évocation ;
Sur le bien-fondé de l'arrêté préfectoral litigieux :
4. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 311-1du code forestier alors applicable : " La demande est présentée soit par le propriétaire des terrains ou son mandataire, soit par une personne morale ayant qualité pour bénéficier sur ces terrains de l'expropriation pour cause d'utilité publique, des servitudes prévues à l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions de l'énergie ou de la servitude instituée par l'article 53 de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, soit par une personne susceptible de bénéficier de l'autorisation d'exploiter une carrière en application de l'article L. 512-1 ou de l'article L. 512-7-1 du code de l'environnement. " ;
5. Considérant, en premier lieu, que la décision d'autorisation de défrichement a été prise sur la demande de la société La Provençale en date du 12 juillet 2007 portant sur la superficie de 19 ha 74 a et 78 ca, dont le préfet de l'Yonne était à nouveau saisi par suite de l'annulation au contentieux de l'autorisation accordée le 25 mars 2008 ; que si les requérants soutiennent que le courrier en date du 15 janvier 2010 constitue une nouvelle demande d'autorisation, il résulte de ses termes mêmes que celui-ci vise seulement à solliciter la réouverture de l'instruction par les services préfectoraux après l'annulation de l'autorisation de défrichement ; que si ce courrier fait également état de la distraction du régime forestier d'une parcelle, cette mention, en tout état de cause, ne pouvait pas constituer une demande de distraction du régime forestier qui ne pouvait émaner de la société La Provençale ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le courrier du 15 janvier 2010 émanerait d'une personne n'ayant pas qualité pour engager la société est inopérant ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article R. 312-4 du code forestier alors applicables qui requièrent l'avis de l'Office national des forêts sont relatives aux demandes présentées sur le fondement de l'article L. 312-1 du même code, lequel s'applique aux régions, aux départements, communes ou sections de communes, établissements publics, établissements d'utilité publique, sociétés mutualistes et caisses d'épargne ; que, par suite, le moyen tiré de l'application de ces dispositions à la demande de la société La Provençale est inopérant ;
7. Considérant, en troisième lieu, que l'instruction de la demande de distraction du régime forestier de parcelles concernées par le projet et son autorisation font l'objet d'une demande distincte de l'autorisation de défrichement ; que l'autorisation de défrichement par elle-même n'a pas pour effet de modifier le régime applicable à ces parcelles ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de prise en compte de la distraction possible des parcelles doit être écarté ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article R. 123-1 du code de l'environnement et de son annexe I alors applicables, les travaux de défrichement portant sur une superficie inférieure à 25 hectares n'ont pas à être précédés d'une enquête publique ; que, l'autorisation de défrichement n'étant donnée que pour 19 ha 74 a 78 ca, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'une enquête publique était nécessaire ; que la circonstance que la demande d'autorisation d'exploiter la carrière a, quant à elle , porté sur 64 ha n'est pas de nature à modifier l'appréciation de la surface concernée par la demande d'autorisation de défrichement ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 123-1 du code de l'environnement doit dès lors être écarté ;
9. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article R. 312-4 du code forestier alors applicables : " Lorsque la demande est présentée sur le fondement de l'article L. 312-1, l'autorisation est accordée par le préfet après avis de l'Office national des forêts. Elle ne prend effet qu'après l'intervention, lorsqu'elle est nécessaire, d'une décision mettant fin à l'application du régime forestier aux terrains en cause. " ; que ces dispositions sont sans incidence sur la légalité de l'autorisation de défrichement mais conditionnent seulement, dans le cas où une décision mettant fin à l'application du régime forestier est nécessaire, la mise en oeuvre de l'autorisation de défrichement à une telle décision ;
10. Considérant, en sixième lieu, que l'autorisation de défrichement est assortie d'une obligation de reboisement à hauteur du double des surfaces défrichées à proximité de la ZNIEFF " Forêt de Frétoy " ou au dessus du réseau d'écoulement karstique alimentant les captages et sources situés en rive gauche de la vallée de l'Yonne ; que le choix des parcelles à reboiser se fera en concertation avec les services de l'Etat chargés des forêts ; que le calendrier des reboisements est précisé dans l'arrêté d'autorisation ainsi que la densité minimale des plantations, le choix des essences forestières devant recevoir l'avis favorable des services de l'Etat chargés des forêts ; que l'arrêté prévoit une réception des boisements compensateurs contradictoire sur le terrain entre le pétitionnaire et les services de l'Etat chargés des forêts ; qu'en se bornant à soutenir que l'autorisation de défrichement et la notice d'impact n'étaient pas suffisamment précises en ce qu'elles auraient dû identifier les parcelles à reboiser, les requérants n'établissent pas que les mesures prises sont insuffisantes pour compenser les impacts prévisibles du défrichement sur le milieu ;
11. Considérant, en septième lieu, que si les requérants soutiennent que la nature géologique des terrains concernés et la proximité de périmètres de captage pour l'eau potable conduisent à des risques de dégradation de la qualité de eaux, l'étude hydrogéologique du 21 novembre 2007 conclut à un avis favorable à l'ouverture de la carrière et donc nécessairement au défrichement des parcelles concernées ; que si les requérants se prévalent de l'étude hydrogéologique du 27 avril 2004, celle-ci est relative à l'utilisation potentielle d'un forage aux fins d'alimentation en eau potable et ne se prononce pas sur les impacts éventuels d'un défrichement ; que, par suite, les requérants n'établissent pas que l'autorisation en litige est fondée sur une appréciation inexacte des risques associés au défrichement relatifs à la qualité de l'eau ;
12. Considérant, en huitième et dernier lieu, que si les requérants soutiennent que le défrichement aurait un impact négatif sur l'intérêt économique du massif forestier et sur des espèces animales protégées telles que le lucane cerf-volant ou le pic mar, ils n'assortissent pas leurs affirmations de précisions suffisantes alors que seulement une faible surface du massif boisé est concernée par le défrichement ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande ;
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par le Comité de défense du Bois des Rochottes et de ses riverains, M. C...B...et l'association Le Varne au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge des requérants la somme demandée au titre des frais exposés, à l'occasion de la présente instance, par la société La Provençale et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1001451 et 1001473 du 3 janvier 2012 du Tribunal administratif de Dijon est annulé.
Article 2 : La requête du Comité de défense du Bois des Rochottes et de ses riverains, de M. C... B...et de l'association Le Varne est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la société La Provençale est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Comité de défense du Bois des Rochottes et de ses riverains, à M. C...B..., à l'association Le Varne, au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et à la société La Provençale.
Délibéré après l'audience du 18 avril 2013 à laquelle siégeaient :
M. Tallec, président de chambre,
M. Rabaté, président-assesseur,
M. Clément, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mai 2013.
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N° 12LY00695