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18/04/2013 | FRANCE | N°12LY03047

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 18 avril 2013, 12LY03047


Vu I) la requête, enregistrée le 14 décembre 2012, présentée pour M. C...A..., domicilié... ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1201938-1201941 du 5 juillet 2012 du Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2012 par lequel le préfet de la Savoie a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'en

joindre au préfet de la Savoie de réexaminer sa demande et de lui délivrer, dans l'attent...

Vu I) la requête, enregistrée le 14 décembre 2012, présentée pour M. C...A..., domicilié... ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1201938-1201941 du 5 juillet 2012 du Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2012 par lequel le préfet de la Savoie a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de réexaminer sa demande et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que l'arrêté attaqué méconnaît l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ; qu'il est insuffisamment motivé ; que le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour, méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que la décision fixant le pays de destination est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu II) la requête, enregistrée le 14 décembre 2012, présentée pour Mme D...A..., domiciliée... ; Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1201938-1201941 du 5 juillet 2012 du Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2012 par lequel le préfet de la Savoie a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de réexaminer sa demande et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Elle soutient que l'arrêté attaqué méconnaît l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ; qu'il est insuffisamment motivé ; que le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le refus de lui accorder un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; que l'obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour, méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que la décision fixant le pays de destination est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 2 octobre 2012, du bureau d'aide juridictionnelle accordant à M. et Mme A...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance en date du 4 février 2012 fixant la clôture de l'instruction au 8 mars 2012 dans les deux instances ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2013 :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

1. Considérant que les requêtes susvisées sont relatives à la situation de deux époux ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;

2. Considérant que M. A..., ressortissant albanais né le 4 janvier 1982, et son épouse, ressortissante kosovare née le 23 août 1979, relèvent appel du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 5 juillet 2012 rejetant leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 14 février 2012 par lesquels le préfet de la Savoie a refusé de leur délivrer une carte de séjour temporaire, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

Sur la légalité de l'arrêté concernant Mme A...:

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-11 est délivrée de plein droit à l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 du présent code, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. Elle est également délivrée de plein droit au conjoint de cet étranger (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 314-11 du même code : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code ainsi qu'à son conjoint (...) " ;

4. Considérant que, dès lors que l'office français de protection des réfugiés et des apatrides et la cour nationale du droit d'asile avaient refusé d'accorder l'asile ou le bénéfice de la protection subsidiaire à M. et MmeA..., le préfet était tenu de refuser de leur délivrer les titres de séjour prévus aux articles L. 313-13 et au paragraphe 8 de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus de titre de séjour, en tant qu'il statue sur ce fondement, est inopérant ;

5. Considérant toutefois qu'avant l'édiction de l'arrêté en litige, Mme A...avait sollicité son admission au séjour à titre exceptionnel, en invoquant les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et en se prévalant notamment de son état de santé et de l'opération chirurgicale qu'elle avait subie ; que le préfet de la Savoie ne conteste pas que son arrêté du 14 février 2012 statue sur cette demande ; que, sur ce point, il n'était pas en situation de compétence liée ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police " ; qu'aux termes de son article 3 : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

7. Considérant que, s'il vise l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté relatif à Mme A...ne comporte pas la moindre motivation de fait quant à l'examen de sa situation au regard de ces dispositions ; que la seule mention qu'il n'existe pas d'élément susceptible de lui permettre de bénéficier d'une dérogation à la réglementation en vigueur, qui est également reprise dans la décision relative à son époux qui, quant à lui, ne s'était pas prévalu de l'article L. 313-14, ne peut être regardée comme suffisante ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision de refus de titre de séjour opposée à MmeA..., en tant qu'elle statue sur sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, est insuffisamment motivée au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ; que l'illégalité de cette décision entraîne, par voie de conséquence, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination concernant Mme A...;

Sur la légalité de l'arrêté concernant M. A...:

9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision refusant d'accorder à M. A...le titre de séjour qu'il aurait pu obtenir si le bénéfice de l'asile ou de la protection subsidiaire lui avait été accordé, ou à son épouse, est inopérant ; que la décision refusant sa régularisation est suffisamment motivée ;

10. Considérant que la circonstance que le refus de titre de séjour ne mentionne pas que lui-même et son épouse sont de nationalité différente ne l'entache pas d'erreur de fait ; qu'au regard des effets d'un refus de titre de séjour, le refus de le régulariser n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que le couple ne vit en France que depuis moins de deux ans à la date de l'acte en litige et que M. A...ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de cette décision, de ce que lui-même et son épouse sont de nationalité différente ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé est illégal ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

13. Considérant qu'eu égard à ce qui a été indiqué précédemment s'agissant de son épouse, qui ne peut être légalement éloignée à la date de l'acte en litige, l'obligation de quitter le territoire français adressée à M. A...aurait nécessairement pour conséquence de séparer l'enfant de son père ou de sa mère ; que, par suite, elle méconnaît les stipulations précitées ; que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, cette mesure d'éloignement doit donc être annulée, ainsi, par voie de conséquence, que la destination fixant le pays de renvoi ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;

15. Considérant qu'il résulte de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'annulation des obligations de quitter le territoire français implique que M. et Mme A...soient munis chacun d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur leur cas ; qu'ainsi il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Savoie de délivrer, dans le délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour à M. et Mme A...et de se prononcer sur leur situation dans le délai de deux mois ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que M. et Mme A...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, à ce titre, à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de Me Huard, avocat des requérants, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle accordée à M. et Mme. A...;

DÉCIDE :

Article 1er : Les arrêtés du 14 février 2012 du préfet de la Savoie sont annulés en tant qu'ils opposent un refus de titre de séjour à Mme A...au titre de l'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en tant qu'ils font à M. et MmeA..., obligation de quitter le territoire et fixent le pays de renvoi.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Savoie de délivrer à M. et Mme A...une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours suivant la notification du présent arrêt et de se prononcer à nouveau sur leur situation dans le délai de deux mois à compter de cette notification.

Article 3 : Le jugement nos 1201938-1201941 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 5 juillet 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera, au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros à Me Huard, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle accordée à M. et MmeA....

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., à Mme D...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie et à Me Huard.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2013, où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- M. B...et Mme Samson-Dye, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 18 avril 2013.

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N° 12LY03048

N° 12LY03048 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY03047
Date de la décision : 18/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-04-18;12ly03047 ?
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