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04/04/2013 | FRANCE | N°12LY02973

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 04 avril 2013, 12LY02973


Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2012, présentée pour la société Montluçonnaise de Travaux Publics et Bâtiments (ci-après SMTPB), dont le siège est 21 rue du Cros à Domerat (03410), représentée par son président en exercice ; la société SMTPB, agissant en son nom propre et en qualité de mandataire du groupement d'entreprises formé avec la société ACTREAD, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000320 du 4 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation du contrat par lequel la c

ommune de Vaux a confié au groupement d'entreprises Leschel et Millet - Redon l...

Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2012, présentée pour la société Montluçonnaise de Travaux Publics et Bâtiments (ci-après SMTPB), dont le siège est 21 rue du Cros à Domerat (03410), représentée par son président en exercice ; la société SMTPB, agissant en son nom propre et en qualité de mandataire du groupement d'entreprises formé avec la société ACTREAD, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000320 du 4 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation du contrat par lequel la commune de Vaux a confié au groupement d'entreprises Leschel et Millet - Redon la construction d'une station d'épuration à filtres plantés et à la condamnation de la commune de Vaux à lui verser la somme de 31 714 euros hors taxe en réparation du préjudice résultant de la perte d'une chance sérieuse de remporter ce marché ;

2°) d'ordonner à la commune de Vaux de verser aux débats le registre d'enregistrement des offres et le procès-verbal d'ouverture des plis, l'offre détaillée de l'entreprise retenue et les mentions qui s'y rapportent comprenant l'ensemble des documents relatifs à des propositions de prix, la justification de la convocation des membres de la commission d'appel d'offres, l'acte d'engagement de l'entreprise retenue et ses annexes après occultation, le cas échéant, des coordonnées bancaires, la copie de la décision d'attribution et de l'acte de notification du marché, le cadre de procédure de passation des marchés tel que fixé par le conseil municipal ; d'annuler ce contrat et de condamner la commune de Vaux à lui verser une somme de 31 714 euros ;

3°) de mettre à la charge de la partie perdante une somme de 5 000 euros, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement est irrégulier, dès lors que :

- les premiers juges ont visé de manière partielle et tronquée ses conclusions tendant au versement de pièces aux débats ;

- ils se sont abstenus de mettre en oeuvre des mesures d'instruction indispensables ;

- ils ont indûment rejeté ses conclusions aux fins d'annulation pour irrecevabilité, dès lors que l'exigence de production de la décision attaquée n'est pas applicable en matière de travaux publics ; en tout état de cause l'administration s'est abstenue d'invoquer l'irrecevabilité de la demande ; une demande de communication de cette décision a été adressée le 19 septembre 2012 ;

- ils ont omis de se prononcer sur ses conclusions indemnitaires et ont insuffisamment motivé leur jugement sur ce point ; à supposer que les conclusions indemnitaires aient été rejetées pour irrecevabilité, cette irrecevabilité a été retenue à tort, compte tenu de l'absence de lien entre les conclusions dirigées contre le contrat et les conclusions indemnitaires ;

Elle soutient en outre que :

- la communication de documents est indispensable pour permettre de se prononcer sur le caractère irrégulier de la procédure de passation et de l'attribution du marché litigieux ;

- la décision du 9 octobre 2009 rejetant son offre est entachée d'incompétence, dès lors qu'elle émane du maître d'oeuvre et est irrégulière, dès lors qu'elle a été prise trois jours avant la réunion de la commission d'appel d'offre ;

- le marché a été attribué par une autorité incompétente, en absence d'autorisation de signer le marché donnée par le conseil municipal et devenue exécutoire ;

- il a été procédé à une négociation irrégulière, car non prévue dans le règlement de la consultation et menée avec un seul des candidats en méconnaissance des principes d'égalité de traitement des candidats et de transparence de la procédure ;

- les critères de sélection des candidatures et des offres sont irréguliers, car les critères de choix des offres ne doivent pas porter sur la capacité des entreprises ;

- les notes attribuées sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a été privée d'une chance sérieuse d'obtenir le marché et a droit à être indemnisée à hauteur des bénéfices qu'elle escomptait ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2013, présentée pour la commune de Vaux, représentée par son maire en exercice, qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la société SMTPB une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions tendant à l'annulation du marché pour défaut de production de la décision attaquée ;

- les conclusions contestant un marché et tendant à l'indemnisation du concurrent évincé sont alternatives ;

- la requérante ne justifie pas qu'elle aurait eu une chance sérieuse d'obtenir le marché ;

- les moyens contestant la validité du marché ne sont pas fondés ;

Vu l'ordonnance du 24 janvier 2013 fixant la clôture de l'instruction au 11 février 2013 ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 janvier 2013, présenté pour la société SMTPB, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Elle fait valoir en outre que la commune refuse de lui communiquer la décision en litige ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mars 2013 :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public,

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Vaux a attribué, le 21 octobre 2009, le marché de travaux de construction d'une station d'épuration à filtres plantés au groupement d'entreprises Leschel et Millet - Renon ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de la société SMTPB, concurrent évincé, tendant à l'annulation du marché et à la condamnation du maître d'ouvrage à lui verser une indemnité, ainsi que ses conclusions tendant à la production de pièces par la commune de Vaux ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne le rejet des conclusions aux fins d'annulation du contrat et tendant à la communication de documents :

2. Considérant, en premier lieu, que le jugement attaqué a rejeté les conclusions de la demande contestant la validité du contrat en litige comme irrecevables, au motif que la société SMTPB ne produisait pas la décision attaquée ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation (...) " ; que ces dispositions sont applicables au recours intenté par un concurrent évincé pour contester la validité d'un contrat administratif ; que si, en application de l'article R. 421-2 du même code, en matière de travaux publics, un concurrent évincé présentant des conclusions indemnitaires n'a pas à lier le contentieux, ces dispositions ne sauraient avoir pour effet de le dispenser, lorsqu'il présente des conclusions aux fins d'annulation d'un marché de travaux publics, de produire le marché qu'il attaque, ou de justifier de l'impossibilité de produire cet acte ; que, s'agissant des contrats conclus par écrit, cette obligation doit être regardée comme satisfaite lorsqu'est produit l'acte d'engagement, signé par les parties au contrat, dont le concurrent évincé peut obtenir communication, après occultation éventuelle de certaines données ;

4. Considérant qu'en l'espèce la société SMTPB n'avait joint à son mémoire introductif d'instance que l'avis d'attribution du marché ; que, la production de ce document ne pouvant être regardée comme valant production du marché attaqué, le greffier du Tribunal administratif a adressé au conseil de la société requérante une demande de régularisation, reçue le 27 mars 2012, tendant à la production du contrat contesté, dans le délai de 15 jours et l'avertissant du risque de voir son recours rejeté pour irrecevabilité ; que, malgré ce courrier, la société SMTPB n'a, dans le délai imparti, ni produit l'acte d'engagement signé par la commune de Vaux et l'attributaire du marché, ni justifié d'une impossibilité d'obtenir ce document ; qu'elle n'en a demandé la communication à la commune que par courrier envoyé le 19 septembre 2012, soit postérieurement à la clôture de l'instruction devant le Tribunal administratif, survenue trois jours francs avant l'audience qui s'est tenue le 20 septembre 2012 ; que cette irrecevabilité, tenant au respect d'une condition de forme par la demande de première instance, n'est pas régularisable en appel ; que la circonstance que l'administration aurait, en première instance, défendu à titre principal au fond, est dépourvue d'incidence sur l'appréciation du respect de cette exigence formelle ; que l'acte d'engagement signé n'a pas davantage été produit par la commune de Vaux ; que, par suite, en absence de production du marché attaqué, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité en rejetant comme irrecevables les conclusions de la société SMTPB tendant à l'annulation de celui-ci ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que, si les visas du jugement relatifs aux conclusions de la société SMTPB demandant la production de documents par la commune ne se réfèrent qu'à l'article L. 911-1 du code de justice administratives, les motifs du jugement attaqué ne se limitent pas à les examiner sur ce fondement ; qu'ils indiquent également pour quelles raisons de telles conclusions sont irrecevables, en dehors de l'hypothèse d'injonction prononcée au titre de l'exécution d'une décision de justice ; que, par suite, la présentation incomplète de ces conclusions dans les visas, est sans incidence sur la régularité du jugement ;

6. Considérant, en troisième lieu, que, dès lors que les conclusions contestant la validité du marché étaient irrecevables, faute pour la société SMTPB de produire la décision attaquée ou de justifier d'une impossibilité d'en recevoir communication, les premiers juges n'ont pas, en tant qu'ils ont rejeté ces conclusions, omis de mettre en oeuvre des mesures d'instruction indispensables ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur les conclusions contestant la validité du contrat et tendant à la communication de documents, n'est pas irrégulier ; que la société SMTPB n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que ses conclusions aux fins d'annulation ont été rejetées pour irrecevabilité ;

En ce qui concerne le rejet des conclusions indemnitaires :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

8. Considérant, que, pour rejeter ces conclusions, les premiers juges se sont bornés à indiquer que la société SMTPB se prévalait exclusivement des illégalités qui, selon elle, entachaient la passation du marché et à renvoyer aux paragraphes précédents du jugement, par lesquels ils avaient rejeté les conclusions contestant la validité du contrat pour irrecevabilité, tenant au défaut de production de la décision attaquée ; que, par suite, et alors que le rejet pour irrecevabilité des conclusions aux fins d'annulation du marché n'impliquait pas à lui seul le rejet des conclusions indemnitaires, le jugement attaqué est, s'agissant de ces conclusions, insuffisamment motivé ; que la société requérante est, dès lors, fondée à en demander l'annulation, sur ce point ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés non compris dans les dépens :

9. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la commune de Vaux doivent être rejetées ;

10. Considérant, en second lieu, que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner la commune de Vaux à verser à la société requérante une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1000320 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 4 octobre 2012 est annulé, en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires de la société Montluçonnaise de Travaux Publics et Bâtiments.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure indiquée à l'article 1er, devant le Tribunal administratif de Dijon.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Montluçonnaise de Travaux Publics et Bâtiments, à la commune de Vaux et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2013, où siégeaient :

- M. du Besset , président de chambre,

- M. Dursapt et Mme Samson-Dye, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le quatre avril deux mille treize.

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N° 12LY02973

N° 12LY02973


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY02973
Date de la décision : 04/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales - Recevabilité.

Procédure - Introduction de l'instance.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : BUES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-04-04;12ly02973 ?
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