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04/04/2013 | FRANCE | N°12LY02632

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 04 avril 2013, 12LY02632


Vu la requête, enregistrée le 18 octobre 2012, présentée pour Mme E...F..., domiciliée chez...,; Mme F...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203162 du 17 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2012 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, de lui délivrer, s

ous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la date de l'arrêt à intervenir...

Vu la requête, enregistrée le 18 octobre 2012, présentée pour Mme E...F..., domiciliée chez...,; Mme F...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203162 du 17 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2012 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, de lui délivrer, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la date de l'arrêt à intervenir, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 196 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée définitivement sur la question de la filiation et de la nationalité de sa fille ;

Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'ils ne pouvaient estimer que son enfant n'avait pas la nationalité française sans renvoyer cette question à l'autorité judiciaire, que le lien de filiation avec M. A..., ressortissant français, était établi et conforme à la vérité biologique, que seul le ministère public pouvait engager une action négatoire de nationalité française et qu'à supposer même que M. B...doive être regardé comme étant le père de l'enfant, il était lui-même de nationalité française ; que c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, dans la mesure où elle a fixé de manière durable le centre de ses attaches familiales en France ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 31 janvier 2013 fixant la clôture de l'instruction au 21 février 2013;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mars 2013 :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public,

- les observations de MeC..., représentant MmeF... ;

1. Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de Mme F...tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2012 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

Sur la légalité de l'arrêté en litige :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ; qu'aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français " ; que l'article 320 du même code dispose : " Tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait " ; qu'aux termes de l'article 336-1 du même code : " Lorsqu'il détient une reconnaissance paternelle prénatale dont les énonciations relatives à son auteur sont contredites par les informations concernant le père que lui communique le déclarant, l'officier de l'état civil compétent en application de l'article 55 établit l'acte de naissance au vu des informations communiquées par le déclarant. Il en avise sans délai le procureur de la République qui élève le conflit de paternité sur le fondement de l'article 336. " ;

3. Considérant que si une reconnaissance de paternité demeure en principe un acte opposable aux tiers ainsi qu'à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par l'autorité judiciaire, le préfet peut néanmoins opposer un refus de titre de séjour ou une mesure d'éloignement à celui qui s'en prévaut, dès lors que le caractère frauduleux de l'acte est établi de façon certaine par des déclarations aux autorités de police ;

4. Considérant que l'acte de naissance de la fille de la requérante, rédigé par l'officier d'état-civil de Thonon-les-Bains, produit par le préfet de la Haute-Savoie, et dont l'authenticité n'est pas contestée, mentionne seulement que l'enfant a pour père M.A..., qui l'a reconnue le 30 juillet 2010, à l'occasion de la déclaration de la naissance, sans mention marginale ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette filiation aurait été remise en cause par l'autorité judiciaire ; qu'il est constant que M. A...est de nationalité française ; que, dans ces conditions, et à supposer même qu'une erreur ait été commise à l'occasion de l'établissement de l'acte de naissance de l'enfant, l'administration ne pouvait se fonder directement sur les dispositions de l'article 320 du code civil pour remettre en cause la filiation de l'enfant mentionnée sur son acte de naissance ;

5. Considérant que le préfet de la Haute-Savoie entendait par ailleurs, se prévaloir, dans ses écritures de première instance, de la fraude ; que, toutefois, la fraude alléguée n'est pas établie par des déclarations aux autorités de police, le courrier de M.A..., adressé au préfet, se bornant au demeurant à remettre en cause les motivations de MmeF..., sans remettre en cause la paternité de l'enfant ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme F...est fondée à se prévaloir de la qualité de mère d'un enfant français ;

7. Considérant que la décision attaquée oppose par ailleurs un autre motif, tiré de ce que Mme F...ne vivrait pas effectivement en France avec sa fille ; que, cependant, les pièces produites par le préfet, et notamment les déclarations de tiers mentionnant que l'intéressée vivrait en Suisse, sont insuffisantes pour remettre en cause sa présence en France à la date de l'acte en litige, alors qu'elle justifie notamment d'une attestation d'hébergement de l'association la Passerelle, à Thonon-les-Bains, déposée en mairie le 4 mai 2012, mentionnant un accueil depuis le 26 avril 2012 ; que, par suite, et ainsi que le faisait valoir Mme F...en première instance, ce second motif ne pouvait légalement fonder le refus de titre de séjour ;

8. Considérant que, dans ces conditions, et alors qu'il est constant qu'elle contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille, Mme F...est fondée à soutenir qu'elle était en droit de bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 6 ° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'illégalité du refus de titre de séjour emporte, par voie de conséquence, illégalité de la mesure d'éloignement dont il était assorti ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme F...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

11. Considérant que le présent arrêt, qui annule l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 11 mai 2012 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, et en absence de changement de circonstance, que l'autorité compétente à la date du présent arrêt délivre le titre sollicité à Mme F...; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Rhône, compétent en raison du changement de domicile de MmeF..., de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par MmeF... ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1203162 du Tribunal administratif de Grenoble du 17 septembre 2012 et l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 11 mai 2012 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme F...et portant obligation de quitter le territoire français sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à Mme E...F...dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme F...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme F...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à SéraphineF..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Rhône. Copie en sera adressée au préfet de Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2013, où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- M. D...et Mme Samson-Dye, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 4 avril 2013.

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N° 12LY02632


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY02632
Date de la décision : 04/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-04-04;12ly02632 ?
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