Vu enregistrée au greffe de la Cour, le 11 mai 2012, sous le n° 12LY01214, la décision, en date du 2 mai 2012, par laquelle le Conseil d'Etat, à la demande du ministre du travail, de l'emploi et de la santé et de M. A...B..., a :
1°) annulé l'arrêt n° 09LY00287 du 7 juillet 2011 par lequel la Cour administrative d'appel de Lyon, statuant sur l'appel de la SA Métalliance, a, d'une part, annulé le jugement n° 0701533 du 11 décembre 2008 du Tribunal administratif de Dijon et la décision du 14 mai 2007 par laquelle l'inspecteur du travail a reconnu l'aptitude de M. A...B...à son poste, d'autre part, enjoint à l'inspecteur du travail de rejeter son recours contre l'avis du 2 février 2007 du médecin du travail ;
2°) renvoyé l'affaire à la Cour ;
Vu la requête, initialement enregistrée au greffe de la Cour le 13 février 2009 sous le n° 09LY00287 et désormais enregistrée sous le n° 12LY01214, présentée pour la SA Métalliance ;
La SA Métalliance demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701533 du 11 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 mai 2007 par laquelle l'inspecteur du travail a reconnu M. B...apte à son poste d'attaché commercial ;
2°) d'annuler la décision susmentionnée ;
3°) d'enjoindre à l'administration de tirer les conséquences de cette annulation sur le fondement des articles L. 911-1, L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la décision du 14 mai 2007 est insuffisamment motivée, l'inspecteur du travail ayant fondé sa décision sur un avis du médecin inspecteur régional du 23 avril 2007 et sur deux attestations qu'il n'a pas joints à sa décision ;
- l'inspecteur du travail s'est en outre fondé sur un certificat du médecin du travail du 2 février 2007, rédigé le même jour que l'avis d'inaptitude émis par ce même médecin, qui n'avait jamais été porté à sa connaissance et ne constituait pas un avis médical au sens des articles R. 241-51 et R. 241-51-1 du code du travail ;
- la décision du 14 mai 2007 est entachée d'erreur de date ayant une incidence sur sa légalité ;
- en substituant ses propres appréciations à celles du médecin du travail, l'inspecteur du travail a porté une appréciation, au demeurant inexacte, sur la relation contractuelle alors qu'il ne lui appartient pas d'apprécier l'incidence de l'état de santé du salarié sur le contrat de travail lui-même ;
- en se prononçant sur l'aptitude de M. B...à un poste d'attaché commercial alors qu'il avait été embauché en qualité de chargé d'affaires, l'inspecteur du travail a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- en tenant compte d'éléments nouveaux et postérieurs à l'avis médical contesté, l'inspecteur a entaché sa décision d'une erreur de droit ;
- il appartenait à l'inspecteur d'indiquer quels postes pouvaient être occupés par M. B... en proposant le cas échéant les aménagements nécessaires ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 juillet 2009, présenté pour M. A...B..., domicilié...,;
Il soutient que :
- la décision attaquée est suffisamment motivée et les dispositions du code du travail n'imposent pas à l'inspecteur du travail de joindre à sa décision l'avis du médecin inspecteur du travail, ou tout autre document ; de même, l'inspecteur du travail pouvait viser des attestations médicales et un certificat du médecin du travail du 2 février 2007 sans les annexer à sa décision ;
- les erreurs de plume commises par l'inspecteur du travail sont sans incidence sur la légalité de sa décision ;
- la référence aux trajets entre le domicile et le travail est liée à l'attestation préconisant d'éviter les longs déplacements en voiture, son domicile étant situé à 60 kilomètres du siège de l'entreprise ;
- l'inspecteur du travail n'a porté aucune appréciation sur la relation contractuelle et a seulement mentionné des considérations de fait relatives aux aménagements de poste qui auraient été possibles ;
- il n'était pas inapte à occuper un emploi de chargé d'affaires, étant dans la capacité d'effectuer des trajets en voiture ;
- l'inspecteur était tenu de se prononcer en fonction des considérations de fait et de droit dont il disposait à la date à laquelle il devait statuer ;
- son état de santé n'a cessé de s'améliorer depuis l'accident dont il a été victime ;
- la décision de l'inspecteur du travail retenant son aptitude tout en préconisant un aménagement pour éviter les longs déplacements est parfaitement régulière et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la distinction entre les postes de chargé d'affaires et d'attaché commercial est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 juin 2010, présenté pour le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- l'inspecteur du travail avait bien compétence pour revenir sur l'appréciation portée par le médecin du travail sur l'aptitude de M. B...à occuper le poste qui était le sien et il était fondé pour ce faire à prendre en considération les éléments de droit et de fait existant à la date de sa propre décision ;
- la décision de l'inspecteur était suffisamment motivée ;
- l'avis du médecin inspecteur n'avait pas à être systématiquement communiqué au salarié et à l'employeur ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 juin 2012, présenté pour M. B...qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 septembre 2012, présenté pour la société Métalliance qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Elle soutient en outre que la décision du Conseil d'Etat présente une solution inverse de celle qui a été retenue par le décret 2012-135 du 30 janvier 2012 instaurant un nouvel article R. 4624-36 au sein du code du travail venant circonscrire expressément le délai de contestation de l'avis médical d'inaptitude devant l'inspecteur du travail ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 février 2013 :
- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
- et les observations de Me Meunier, avocat, représentant M. A...B... ;
1. Considérant que la société Métalliance, qui employait M. A...B...en qualité de chargé d'affaires, a été informée d'un avis du médecin du travail du 2 février 2007 le déclarant " inapte à son poste de travail et à tout poste dans l'entreprise (...) de façon définitive " ; que le médecin du travail lui a confirmé, le 8 février 2007, l'inaptitude du salarié à son poste de travail et l'impossibilité de le reclasser sur un autre poste de travail ; qu'elle a, en conséquence, prononcé le licenciement de M. B...par une lettre du 27 février 2007 reçue par l'intéressé le 28 février 2007 ; qu'elle conteste le jugement du 11 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 mai 2007 par laquelle l'inspecteur du travail a reconnu M. B...apte à occuper son poste ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 122-32-5 du code du travail, alors applicable : " Si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l'issue des périodes de suspension, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise (...) un autre emploi approprié à ses capacités (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 241-10-1 du même code, qui est applicable lorsque le médecin du travail apprécie l'aptitude du salarié à reprendre un emploi approprié en application, notamment, de l'article L. 122-32-5 précité : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé des travailleurs. Le chef d'entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l'inspecteur du travail après avis du médecin-inspecteur du travail " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 122-32-5 du code du travail que le médecin du travail doit indiquer, dans les conclusions écrites qu'il rédige à l'issue de la visite médicale de reprise, les considérations de fait de nature à éclairer l'employeur sur son obligation de proposer au salarié un emploi approprié à ses capacités et notamment les éléments objectifs portant sur ces capacités qui le conduisent à recommander certaines tâches en vue d'un éventuel reclassement dans l'entreprise ou, au contraire, à exprimer des contre-indications ; qu'une telle obligation, qui ne contraint pas le médecin à faire état des considérations médicales qui justifient sa position, peut être mise en oeuvre dans le respect du secret médical ; qu'elle s'impose également à l'inspecteur du travail lorsque celui-ci, en cas de difficulté ou de désaccord, est amené à décider de l'aptitude professionnelle du salarié ;
4. Considérant qu'en l'espèce, en reprenant les termes de l'avis rendu le 23 avril 2007, par le médecin-inspecteur régional du travail, qui mentionne que M. B..." est actuellement apte à son poste de travail, qu'il doit être en capacité d'évaluer, en concertation avec son employeur, les modalités de transport sur le trajet domicile-travail et travail-site de mission, les plus propices à la réduction des déplacements en voiture qui doit être privilégiée autant que possible ", et en déclarant que l'état de santé de l'intéressé s'était amélioré depuis que le médecin du travail l'a déclaré inapte et qu'il avait la possibilité de conduire un véhicule automobile et le cas échéant de faire usage des transports en commun, tout en précisant que, si son aptitude au poste d'attaché commercial était reconnue, les longs déplacements devaient être aménagés pour réduire autant que possible le temps de conduite d'un véhicule automobile, l'inspecteur du travail a suffisamment motivé sa décision en faisant connaître à l'employeur une contre-indication lui permettant d'identifier les emplois appropriés aux capacités du salarié, en vue de son éventuel reclassement ; que contrairement à ce que soutient la société Métalliance, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire, que l'avis précité du médecin médecin-inspecteur régional du travail ainsi qu'un certificat du médecin du travail en date du 2 février 2007, également cité dans la décision attaquée, devaient être joints à cette dernière ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que si la décision attaquée mentionne la date du " 20 décembre 2005 ", au lieu du " 18 décembre 2005 " pour la fin de l'arrêt de travail de M. B..., la date du " 18 décembre 2005 ", au lieu du " 19 décembre 2005 " pour la visite de reprise effectuée par le médecin du travail, ainsi que deux autres dates erronées concernant une visite médicale de reprise du 22 février 2006 et un arrêt de travail du 12 mai 2006, ces circonstances sont sans influence sur la légalité de la décision ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'en examinant l'aptitude de M. B...à son poste au regard notamment de la nécessité de limiter le temps de conduite d'un véhicule automobile, l'inspecteur du travail, qui s'est prononcé sur les conditions d'aménagement du poste de l'intéressé, ne s'est livré à aucune appréciation relative aux conditions dans lesquelles les conditions du contrat de travail devaient se poursuivre ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que pour reconnaître M. B...apte à son poste de travail, l'inspecteur du travail, après avoir rappelé que ce dernier avait été recruté en qualité de chargé d'affaires, a examiné l'aptitude de l'intéressé à exercer ces fonctions au regard notamment des déplacements qu'elles impliquent et sur lesquels la décision attaquée émet des restrictions ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'inspecteur du travail ait examiné l'aptitude de l'intéressé à exercer ses fonctions sur autre poste que celui de chargé d'affaires ; qu'ainsi, la circonstance que la décision attaquée mentionne que M. B..." est reconnu apte à son poste d'attaché commercial ", ne permet pas, en elle-même, de la regarder comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
8. Considérant, en cinquième lieu, que l'inspecteur du travail se prononce sur l'aptitude du salarié en tenant compte des circonstances de droit et de fait prévalant à la date à laquelle il prend sa propre décision ; que, par suite, la société Métalliance n'est pas fondée à soutenir que l'inspecteur du travail aurait commis une erreur de droit en prenant en compte des éléments nouveaux et postérieurs à l'avis médical contesté ;
9. Considérant, en sixième lieu, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'inspecteur pouvait légalement prendre en compte un certificat du médecin du travail du 2 février 2007, rédigé le même jour que l'avis d'inaptitude émis par ce même médecin, alors même qu'il n'aurait jamais été porté à la connaissance la société Métalliance et qu'il ne constituerait pas un avis médical au sens des articles R. 241-51 et R. 241-51-1 du code du travail ;
10. Considérant, en septième et dernier lieu, que, contrairement à ce que soutient la société Métalliance, l'inspecteur du travail n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence dès lors que, comme il a été précédemment rappelé, il a, d'une part, déclaré l'intéressé apte à son poste d'attaché commercial et, d'autre part, précisé la teneur des aménagements devant être apportés à ce poste, tenant notamment à la nécessité de réduire autant que possible le temps de conduite d'un véhicule automobile ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Métalliance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Métalliance le paiement à M. B...d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par la société Métalliance est rejetée.
Article 2 : La société Métalliance versera à M. B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Métalliance, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à M. A...B....
Délibéré après l'audience du 14 février 2013 à laquelle siégeaient :
M. Tallec, président de chambre,
M. Rabaté, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mars 2013.
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