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12/02/2013 | FRANCE | N°12LY01038

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 12 février 2013, 12LY01038


Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2012, au greffe de la Cour, présentée pour Mme B... C...épouseD..., domiciliée ... ;

Mme D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200122, du 5 avril 2012, du Tribunal administratif de Lyon en ce que celui-ci a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Rhône, du 16 novembre 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour m

ention " salarié " dans le délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous a...

Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2012, au greffe de la Cour, présentée pour Mme B... C...épouseD..., domiciliée ... ;

Mme D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200122, du 5 avril 2012, du Tribunal administratif de Lyon en ce que celui-ci a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Rhône, du 16 novembre 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " dans le délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que la décision contestée lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'erreurs sur l'exactitude matérielle de faits sur lesquels elle se fonde et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 29 mai 2012, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme D...;

Vu la lettre en date du 7 novembre 2012 par laquelle les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office des moyens d'ordre public ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2012, présenté par le préfet du Rhône qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés et que les moyens d'ordre public ne peuvent être accueillis, dès lors qu'il n'était pas tenu de saisir la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et que l'intéressé ne remplissait pas les conditions de l'article 3 de l'accord franco-marocain, lequel était applicable ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 21 décembre 2012, présenté par Mme D... qui conclut que le préfet devait saisir la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et que l'accord franco-marocain était applicable et plus favorable que les textes qui ont été appliqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2013 :

- le rapport de M. Chanel, président,

- les conclusions de M. Levy Ben Cheton, rapporteur public,

- et les observations de Me Di Nicola, avocat de MmeD... ;

1. Considérant que Mme D..., de nationalité marocaine, née en 1981, est entrée en France, selon ses déclarations, en septembre 2010, sous couvert d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes ; qu'elle a sollicité, le 18 mai 2011, la régularisation de sa situation administrative en faisant valoir sa qualité de salariée ; que, par décisions du 16 novembre 2011, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite ; que Mme D...fait appel du jugement du 5 avril 2012 en tant que par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre le refus de délivrance d'un titre de séjour ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail." ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; que les stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoient les conditions dans lesquelles il est délivré aux ressortissants marocains un titre de séjour en qualité de salarié et font dès lors obstacle à l'application à ces mêmes ressortissants des dispositions précitées des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la délivrance d'une carte de séjour " salarié " ;

3. Considérant que Mme D...soutient que la décision contestée est entachée d'erreurs de fait tirées de ce que la durée de validité du titre de séjour que lui avait délivré les autorités italiennes était expirée à la date de son entrée sur le territoire français et de ce que le contrat à durée indéterminée du 16 mars 2011 ayant pour objet son embauche à temps partiel en qualité d'agent de nettoyage serait à l'état de projet seulement ;

4. Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

5. Considérant que le préfet du Rhône doit être regardé comme demandant, par un mémoire enregistré le 21 novembre 2012, que les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain soient substituées aux dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision contestée aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement de ces stipulations ; qu'il y a lieu de procéder à cette substitution de base légale qui ne prive Mme D...d'aucune garantie ;

6. Considérant que les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain, qui subordonnent l'octroi d'un titre de séjour mention " salarié " à la présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, n'ont ni pour objet ni pour effet d'exclure l'application des dispositions du code du travail relatives à l'emploi d'un salarié étranger ;

7. Considérant qu'il ne résulte, ni des stipulations de l'accord franco-marocain, ni des dispositions du code du travail que le préfet était tenu de saisir la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Directte) avant de statuer sur une demande de titre de séjour mention " salarié " ; qu'en tout état de cause, le directeur de l'unité territoriale du Rhône a donné son avis le 18 août 2011 ;

8. Considérant qu'en rejetant une telle demande sur l'absence d'appartenance de l'emploi concerné à la liste des métiers en tension en région Rhône-Alpes, exercé au demeurant à temps partiel, le préfet du Rhône n'a commis ni erreur de fait ni erreur d'appréciation ;

9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

10. Considérant que MmeD..., ressortissante marocaine née en 1981, est entrée en France en septembre 2010, selon ses déclarations, sous couvert d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes ; que si la requérante se prévaut de la présence en France d'attaches familiales révélées par la situation de son logement voisin de ceux de membres de sa famille ainsi que de la vie commune qu'elle y mène avec son époux, titulaire d'un document de séjour italien, à l'occasion des séjours périodiques de ce dernier en France, il ressort toutefois des pièces du dossier que MmeD..., qui se maintient sur le territoire français depuis seulement un an à la date de la décision contestée, n'établit, en se bornant à produire deux attestations, l'une émanant d'un tiers se disant son cousin sur la présence en France de la majorité des membres de sa famille et l'autre établie par son hébergeant, ni la nature des liens existant entre elle et ses prétendus membres familiaux, ni l'ancienneté, la stabilité et l'intensité de leurs relations ; qu'en outre, elle ne verse aucun élément de nature à prouver la réalité, ni, à fortiori, la stabilité et l'intensité de sa vie commune avec son époux sur le territoire français alors qu'il ressort de ses propres écritures que ce dernier réside, à titre principal, en Italie ; qu'enfin, elle n'établit ni même n'allègue avoir tissé en France des attaches, notamment privées, alors qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches, notamment familiales, tant au Maroc, où il ressort implicitement mais nécessairement de ses dires qu'elle dispose d'attaches familiales, qu'en Italie où séjourne son époux et où elle-même bénéficie d'un titre de séjour valable jusqu'en 2013 ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour de la requérante en France à la date de la décision attaquée, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...épouse D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2013 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

M. Bourrachot, président-assesseur,

M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 février 2013.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01038
Date de la décision : 12/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Christian CHANEL
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : DI NICOLA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-02-12;12ly01038 ?
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