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07/02/2013 | FRANCE | N°12LY00288

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 07 février 2013, 12LY00288


Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés respectivement les 25 janvier et 19 mars 2012, présentés pour Mme A...B..., domiciliée... ;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902435 du 15 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à :

- l'annulation des décisions, notifiées le 25 mars 2009, par lesquelles le directeur de la maison de retraite des Abrets l'a suspendue de ses fonctions du 9 au 14 mars 2009 et licenciée pour faute à compter du 14 mars 2009 ;

- la condamnation d

e la maison de retraite des Abrets à l'indemniser des préjudices résultant de ces déci...

Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés respectivement les 25 janvier et 19 mars 2012, présentés pour Mme A...B..., domiciliée... ;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902435 du 15 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à :

- l'annulation des décisions, notifiées le 25 mars 2009, par lesquelles le directeur de la maison de retraite des Abrets l'a suspendue de ses fonctions du 9 au 14 mars 2009 et licenciée pour faute à compter du 14 mars 2009 ;

- la condamnation de la maison de retraite des Abrets à l'indemniser des préjudices résultant de ces décisions ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) de condamner la maison de retraite des Abrets à lui verser une somme de 14 397,39 euros correspondant au traitement qu'elle aurait dû percevoir jusqu'au terme de son contrat, une somme de 1 439,73 euros au titre des congés payés, et une somme de 592,22 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

4°) de condamner la maison de retraite des Abrets à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle a subi ;

5°) de mettre à la charge de la maison de retraite des Abrets la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article 40 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatives aux droits de la défense ont été méconnues ;

- elle a été convoquée et suspendue prématurément ;

- le dossier ne lui a pas été communiqué intégralement en vue de l'entretien préalable, en méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;

- ses contrats de travail étant illégaux, elle devait être considérée comme relevant de l'article 82 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 qui prévoit la comparution devant une commission administrative paritaire ;

- la convocation du 6 mars 2009 à l'entretien du 10 mars 2009 et les termes de l'entretien lui-même démontrent qu'il a été préjugé de la décision ;

- la décision de suspension est fondée sur une disposition alors inexistante, l'article 39-1 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 ayant été introduit par le décret n° 2010-19 du 6 janvier 2010 ;

- les griefs qui lui sont reprochés sont entachés d'inexactitude matérielle ;

- les décisions qui ont méconnu ses compétences, ses états de service et les conditions dans lesquelles elle exerçait ses fonctions, sont fondées sur des attestations anonymes, et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions en litige lui causent un préjudice économique et un préjudice moral ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 avril 2012, présenté pour la maison de retraite des Abrets, qui conclut au rejet de la requête, et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le directeur pouvait prendre une mesure de prévention en suspendant l'intéressée ;

- les contrats ne sont pas nuls et, à supposer qu'ils le soient, cette nullité n'aurait pas eu pour effet de soumettre l'intéressée au régime de la fonction publique ;

- les dispositions de l'article 40 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 et de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 n'ont pas été méconnues ;

- l'exactitude matérielle des faits est établie ;

- les décisions ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la réalité et le montant du préjudice économique ne sont pas établis ;

- la demande d'indemnité de licenciement est nouvelle en appel et, par suite, irrecevable ;

- la demande d'indemnisation du préjudice moral à hauteur de 10 000 euros, au demeurant infondée, est nouvelle et, par suite, irrecevable ;

Vu les mémoires, enregistrés les 31 mai et 18 juin 2012, présentés pour Mme B..., qui maintient ses conclusions et moyens ; elle soutient, en outre, que ses contrats devant être regardés comme étant des contrats à durée indéterminée, elle devait bénéficier des garanties propres à de tels contrats ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 juin 2012, présenté pour la maison de retraite des Abrets, qui conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que les contrats ne peuvent à la fois être requalifiés en contrats à durée indéterminée et relever de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 juillet 2012, par lequel Mme B...persiste dans ses écritures ; elle soutient, en outre, que le planning de mars 2009 fourni par la partie adverse le 19 juin 2012 est dénué de valeur probante ;

Vu l'ordonnance du 5 novembre 2012 fixant la clôture d'instruction au 5 décembre 2012 à 16 heures 30 ;

Vu les pièces, enregistrées le 6 novembre 2012, présentées par la requérante ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

Vu le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

Vu le décret n° 2010-19 du 6 janvier 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2013 :

- le rapport de M. Rabaté, président ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

- et les observations de Me Hong-Rocca, avocat de la maison de retraite des Abrets ;

1. Considérant que MmeB..., aide-soignante contractuelle exerçant ses fonctions à la maison de retraite des Abrets depuis avril 2008, a fait l'objet, par décisions du directeur de cet établissement notifiées le 25 mars 2009, d'une mesure de suspension de ses fonctions pour la période allant du 9 au 14 mars 2009, et d'un licenciement pour faute grave à compter du 14 mars 2009 ; qu'elle relève appel du jugement du 15 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions et de condamnation de la maison de retraite à l'indemniser des préjudices subis du fait de l'illégalité desdites décisions ;

Sur la décision de suspension :

2. Considérant que l'administration peut, même en l'absence de texte, dans l'intérêt du service, écarter temporairement un agent de ses fonctions, dès lors que les faits reprochés présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret n° 2010-19 du 6 janvier 2010 n'ayant pas été publié à la date de ladite décision de suspension, cette décision manquait de base légale, doit être écarté ;

3. Considérant que les moyens invoqués, tirés de l'intervention prématurée de la décision de suspension et de la méconnaissance des droits de la défense, doivent être écartés par les motifs retenus par le Tribunal administratif de Grenoble qu'il y a lieu pour la Cour d'adopter ;

Sur la décision de licenciement :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du décret susvisé du 6 février 1991 : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale d'un mois ; / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que MmeB..., lors du repas de midi du 12 février 2009, a asséné une tape sur les mains d'une résidente en fauteuil roulant, qui avait auparavant tenté de la pousser avec celui-ci ; que ce fait, indiqué dans le rapport du cadre de santé du 3 mars 2009 et dans celui du directeur de la maison de retraite du 10 mars 2009, est attesté par un agent de service hospitalier, et par un agent stagiaire, qui sont nommément identifiés ; qu'en outre, trois agents, dont les témoignages ne sont pas anonymes, ont recueilli la plainte d'une autre résidente, reprise par les mêmes rapports, faisant état d'une demande de toilette à laquelle la requérante, le 1er mars 2009, n'a pas donné la suite attendue, se bornant à une toilette sommaire ; qu'enfin les emportements verbaux reprochés à l'intéressée ressortent des rapports susmentionnés ; qu'il n'est, toutefois, pas démontré, comme le prétend la maison de retraite, que Mme B...ait fait preuve de maltraitance à l'égard des résidents ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, compte tenu des obligations qui s'imposent aux aides-soignants, notamment dans leur relation avec les personnes âgées vulnérables, les deux incidents susmentionnés et le comportement général de la requérante constituent des fautes de nature à justifier l'application à son encontre d'une sanction disciplinaire ;

6. Considérant, toutefois, qu'eu égard à l'importance des fautes en cause, à la manière de servir de MmeB..., qui n'avait jusqu'alors fait l'objet d'aucun reproche, ainsi qu'à l'échelle des sanctions applicables, la sanction du licenciement sans préavis, ni indemnité prononcée par la décision litigieuse est, dans les circonstances particulières de l'espèce, entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MmeB..., sans qu'il soit besoin d'examiner ses autres moyens relatifs au licenciement, est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de la décision de licenciement prise à son encontre ;

Sur les conclusions indemnitaires de la requérante :

8. Considérant que les conclusions de la requérante tendant au paiement de l'indemnité de licenciement, non présentées en première instance, sont nouvelles en appel ; qu'elles sont, par suite, irrecevables ;

9. Considérant que Mme B...ne cite ni texte ni stipulation contractuelle qui lui ouvriraient droit à une indemnité au titre des congés payés ; que ses conclusions tendant à l'octroi de cette indemnité doivent, dès lors, être rejetées ;

10. Considérant que l'illégalité fautive du licenciement engage la responsabilité de la maison de retraite à l'égard de l'intéressée ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par la requérante du fait de son licenciement en l'évaluant à la somme de 2 000 euros ; que, par suite, la maison de retraite doit être condamnée à lui verser cette somme ;

11. Considérant que Mme B...demande enfin réparation du préjudice lié à la perte de revenu occasionnée par son licenciement, pour la période allant du 14 mars 2009, date d'effet de la mesure, au 31 janvier 2010, terme de son contrat à durée déterminée ; que les pièces produites par l'intéressée à la suite d'une mesure d'instruction ne démontrent cependant pas qu'elle aurait subi une perte de revenu au titre de cette période ; que, par suite, ce prétendu préjudice ne peut être indemnisé ;

Sur les conclusions relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la MmeB..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la maison de retraite des Abrets demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la maison de retraite une somme de 1 000 euros au titre des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La décision du directeur de la maison de retraite des Abrets, notifiée le 25 mars 2009, portant licenciement de Mme B...est annulée.

Article 2 : La maison de retraite des Abrets est condamnée à payer à Mme B...une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral consécutif à son licenciement illégal.

Article 3 : La maison de retraite des Abrets versera la somme de 1 000 euros à Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le jugement du 15 novembre 2011 du Tribunal administratif de Grenoble est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et à la maison de retraite des Abrets.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2013 à laquelle siégeaient :

M. Tallec, président de chambre,

M. Rabaté, président-assesseur,

M. Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 février 2013.

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N° 12LY00288

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00288
Date de la décision : 07/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Suspension.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Vincent RABATE
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : MAISONNAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-02-07;12ly00288 ?
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