La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/01/2013 | FRANCE | N°12LY01443

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 22 janvier 2013, 12LY01443


Vu la requête enregistrée le 7 juin 2012, présentée pour la commune de Crest-Voland (Savoie), représentée par son maire, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805075 du tribunal administratif de Grenoble

du 5 avril 2012 qui a annulé le titre exécutoire, d'un montant de 54 262,04 euros, qui a été émis le 11 septembre 2008 à l'encontre de M. D...pour avoir paiement de la participation qui a été imposée à ce dernier par le permis de construire qu'il a obtenu

le 21 janvier 2008 ;

2°) de rejeter la demande de M. D...devant le tribuna

l administratif ;

3°) de condamner M. D...à lui verser une somme de 2 000 euros au titre d...

Vu la requête enregistrée le 7 juin 2012, présentée pour la commune de Crest-Voland (Savoie), représentée par son maire, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805075 du tribunal administratif de Grenoble

du 5 avril 2012 qui a annulé le titre exécutoire, d'un montant de 54 262,04 euros, qui a été émis le 11 septembre 2008 à l'encontre de M. D...pour avoir paiement de la participation qui a été imposée à ce dernier par le permis de construire qu'il a obtenu

le 21 janvier 2008 ;

2°) de rejeter la demande de M. D...devant le tribunal administratif ;

3°) de condamner M. D...à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune de Crest-Voland soutient, en premier lieu, que M. D...a eu connaissance acquise de l'exigibilité de la participation émise au titre d'un programme d'aménagement d'ensemble au moment du permis de construire qui lui a été accordé

le 21 janvier 2008 ; que M. D...n'a contesté cette participation que 10 mois plus tard, par la voie d'un recours dirigé contre le titre exécutoire en réclamant le versement ; que dès lors, ce recours est tardif et, par suite, irrecevable ; qu'en deuxième lieu, si l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 dispose que tout titre de recette doit indiquer les bases de la liquidation, la jurisprudence admet qu'un titre puisse se référer à une autre décision ; qu'en l'espèce, le titre litigieux fait référence au permis de construire du 21 janvier 2008, lequel mentionne expressément le montant dû pour la participation au programme d'aménagement d'ensemble ; qu'ainsi, M. D...était parfaitement à même de prendre connaissance des bases de la liquidation ; qu'enfin, à la délibération du 30 avril 1990 approuvant le programme d'aménagement d'ensemble sur la zone d'aménagement concerté des Arêtes, a été annexé un plan délimitant le périmètre de ce programme ; que cette délibération renvoie au programme des équipements publics défini dans le dossier de réalisation de cette zone d'aménagement concerté, lequel détermine avec précision les ouvrages réalisés ; que ce programme permet ainsi de justifier de la nature des travaux, de leur coût et du mode de calcul de la participation des constructeurs, fixée à 1 550 francs par m² de surface hors-oeuvre nette ; que les dispositions des articles L. 332-9 et L. 332-10 du code de l'urbanisme ont dès lors été respectées ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 septembre 2012, présenté pour M. C...D..., qui demande à la Cour :

- de rejeter la requête ;

- de condamner la commune de Crest-Voland à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. D...soutient, en premier lieu, que son recours, qui a été présenté dans le délai de deux mois suivant l'édiction du titre exécutoire litigieux, est dès lors parfaitement recevable ; qu'en outre, en application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, aucun délai de recours ne peut lui être opposé, dès lors que le titre exécutoire contesté a été émis en vue du financement d'équipements et de travaux publics ; que les dispositions de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme ne sont pas applicables en l'espèce ; qu'aucune connaissance acquise résultant du fait que le permis de construire du 21 janvier 2008 mentionne une participation ne peut lui être opposée ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne peut avoir pour conséquence de priver un redevable du droit de contester, dans le cadre d'un recours contre une mesure de recouvrement, la régularité ou le bien-fondé de la participation qui lui a été assignée ; qu'en deuxième lieu, la commune ne conteste pas l'insuffisante motivation du titre exécutoire au regard des dispositions de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 ; que si un titre exécutoire peut être sommairement motivé, il doit dans ce cas être accompagné d'un document précisant les bases de la liquidation et les modalités de calcul, ou avoir été précédé d'un document contenant ces éléments ; que ni le permis de construire du 21 janvier 2008, ni d'ailleurs aucun autre document, ne comportent des précisions sur les bases de la liquidation et les modalités de calcul de la participation ; que ces éléments n'ont jamais été portés à sa connaissance ; qu'en troisième lieu, la délibération du 30 avril 1990 ne répond pas aux exigences de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme et ne peut donc être regardée comme instituant légalement un programme d'aménagement d'ensemble ; qu'il est impossible de savoir quel plan délimitant le périmètre du programme a été annexé à cette délibération ; que ce périmètre ne se confond pas avec le périmètre de la zone d'aménagement concerté des Arêtes, comme cela ressort du contenu même de la délibération ; que cette dernière ne pouvait définir le programme des équipements publics par référence à celui de cette zone d'aménagement concerté ; qu'en quatrième lieu, le titre exécutoire attaqué ne comporte pas les mentions relatives à son auteur exigées par l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ; que la présence de ces mentions sur le bordereau de titre est sans incidence, dès lors que ce bordereau ne lui a pas été communiqué ; qu'en outre, alors que celui-ci a été signé par l'adjoint délégué, l'existence d'une délégation opposable aux tiers n'est pas établie ; qu'en cinquième lieu, la commune n'a pas apporté la preuve que la délibération approuvant le programme d'aménagement d'ensemble a fait l'objet des mesures de publicité permettant de le rendre opposable aux tiers prévues par l'article R. 332-25 du code de l'urbanisme ; qu'en sixième lieu, la délibération du 30 avril 1990 prévoit que le programme d'aménagement d'ensemble doit s'achever en 1997 ; que, par suite, ce programme était périmé à la date de délivrance du permis de construire ; qu'en septième lieu, la délibération du 13 octobre 2006, portant modification du programme d'aménagement d'ensemble de la zone d'aménagement concerté des Arêtes, ne répond pas aux conditions fixées par l'article L. 332-11 du code de l'urbanisme, en l'absence de tout changement substantiel du programme d'aménagement d'ensemble ; que cette délibération n'a pas davantage fait l'objet de mesures de publicité ; qu'enfin, il n'est pas légalement possible de réclamer une participation dont le montant excède celui qui a été indiqué dans le permis de construire, qui en constitue le fait générateur ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 21 septembre 2012, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 octobre 2012 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 janvier 2013 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant le cabinet Léga-Cité avocats, avocat de la commune de Crest-Voland, et celles de MeB..., représentant la selarl CDMF-Avocats affaires publiques, avocat de M. D...;

1. Considérant que, par un jugement du 5 avril 2012, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le titre exécutoire, d'un montant de 54 262,04 euros, qui a été émis le 11 septembre 2008 par la commune de Crest-Voland à l'encontre de M.D..., pour avoir paiement de la participation qui a été imposée à ce dernier par le permis de construire qui lui a été délivré le 21 janvier 2008 par le maire de cette commune ; que cette dernière relève appel de ce jugement ;

Sur la recevabilité de la demande :

2. Considérant qu'aux termes du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, auxquelles ne peuvent faire obstacle les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative en vertu desquelles le délai de deux mois prévu pour saisir la juridiction administrative ne s'applique pas en matière de travaux publics, que le recours formé contre un titre exécutoire émis par une collectivité territoriale ou un établissement public local, y compris s'il est émis pour assurer le recouvrement de sommes nécessaires au financement de travaux publics, doit être présenté, à peine de forclusion, dans un délai de deux mois ;

3. Considérant que la demande de M. D...a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Grenoble le 7 novembre 2008, soit moins de deux mois après l'édiction du titre exécutoire attaqué du 11 septembre 2008 ; que cette demande ne saurait donc être tardive ; que la date à laquelle M. D...a pu avoir préalablement connaissance de la participation imposée par le permis de construire qui lui a été délivré le 21 janvier 2008 et la circonstance qu'il n'aurait pas contesté dans le délai du recours contentieux les dispositions de ce permis imposant cette participation sont sans incidence sur la recevabilité de la demande d'annulation dudit titre exécutoire ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

4. Considérant, en premier lieu, qu'un état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la dette, alors même qu'il est émis par une personne publique autre que l'Etat pour lequel cette obligation est expressément prévue par l'article 81 du décret susvisé du 29 décembre 1962 ; qu'en application de ce principe, le maire de la commune de Crest-Voland ne pouvait mettre en recouvrement une participation sans indiquer, soit dans le titre lui même, soit par référence à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il s'est fondé pour mettre les sommes en cause à la charge du redevable ; que le titre exécutoire litigieux ne comporte aucune indication sur les bases et les éléments de calcul de la somme mise à la charge de

M.D... ; que le permis de construire du 21 janvier 2008, qui est mentionné dans ce titre, ne comporte lui-même aucune précision sur ces points ; que la circonstance invoquée par la commune, selon laquelle ce permis indique le montant de la participation, ne peut permettre de comprendre comment ce montant à été déterminé, alors au surplus que les sommes mentionnées par le titre exécutoire attaqué et le permis sont différentes ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Grenoble a estimé que ce titre n'est pas suffisamment motivé ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes des dispositions alors applicables de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme : " Dans les secteurs du territoire de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, celui-ci peut mettre à la charge des bénéficiaires d'autorisations de construire tout ou partie des dépenses de réalisation des équipements publics correspondant aux besoins des habitants actuels ou futurs du secteur concerné et rendus nécessaires par la mise en oeuvre du programme d'aménagement. / (...) Le conseil municipal détermine le secteur d'aménagement, la nature, le coût et le délai prévus pour la réalisation du programme d'équipements publics. Il fixe, en outre, la part des dépenses de réalisation de ce programme qui est à la charge des constructeurs, ainsi que les critères de répartition de celle-ci entre les différentes catégories de constructions (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la délibération du conseil municipal instituant un plan d'aménagement d'ensemble et mettant à la charge des constructeurs une participation au financement des équipements publics à réaliser doit identifier avec précision les aménagements prévus ainsi que leur coût prévisionnel et déterminer la part de ce coût mise à la charge des constructeurs, afin de permettre le contrôle du bien-fondé du montant de la participation mise à la charge de chaque constructeur ; que ces dispositions impliquent également, afin de permettre la répartition de la participation entre les constructeurs, que la délibération procède à une estimation quantitative des surfaces dont la construction est projetée à la date de la délibération et qui serviront de base à cette répartition ;

6. Considérant, d'une part, qu'en application des dispositions précitées de l'article

L. 332-9 du code de l'urbanisme, par une délibération du 30 avril 1990, le conseil municipal de la commune de Crest-Voland a institué un programme d'aménagement d'ensemble sur une partie de la zone d'aménagement concerté des Arêtes ; que, toutefois, contrairement à ce qu'imposent ces dispositions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le conseil municipal aurait déterminé le secteur d'aménagement concerné par le programme d'aménagement d'ensemble, la commune ne produisant pas le plan annexé à la délibération à laquelle renvoie cette dernière, mais seulement le plan délimitant cette zone d'aménagement concerté, sur une partie de laquelle le programme d'aménagement d'ensemble a été institué ;

7. Considérant, d'autre part, que la délibération du 30 avril 1990 ne précise pas les aménagements prévus par le programme d'aménagement d'ensemble, le coût prévisionnel de ces aménagements et la part de ce coût mise à la charge des constructeurs ; que, si cette délibération renvoie au programme des équipements publics " tel qu'il est défini dans le dossier de réalisation de la ZAC ", outre le fait que ce programme n'est pas produit par la commune de Crest-Voland, les équipements publics du programme d'aménagement d'ensemble ne sauraient se confondre avec ceux de la zone d'aménagement concerté des Arêtes, dès lors que le programme d'aménagement d'ensemble ne porte que sur une partie de cette zone ; qu'ainsi, aucun élément ne peut permettre de justifier le coût de 1 550 francs hors taxe par m² de surface hors oeuvre nette mis à la charge des constructeurs ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que le tribunal administratif de Grenoble a estimé que la délibération du 30 avril 1990, par laquelle le conseil municipal de la commune de Crest-Voland a institué un programme d'aménagement d'ensemble, est entachée d'illégalité et ne peut, par suite, légalement fonder la participation qui a été mise à la charge de M.D... ;

9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Crest-Voland n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le titre exécutoire qui a été émis le 11 septembre 2008 à l'encontre de M. D...pour avoir paiement de la participation prévue par le permis de construire du 21 janvier 2008 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M.D..., qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamné à payer à la commune de Crest-Voland la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette commune le versement d'une somme de 1 500 euros au bénéfice de M. D...sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Crest-Voland est rejetée.

Article 2 : La commune de Crest-Voland versera à M. D...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Crest-Voland, à M. C...D...et au Trésorier du centre des finances publiques d'Ugine.

Délibéré après l'audience du 4 janvier 2013, à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président de chambre,

M. Zupan, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 janvier 2013.

Le rapporteur,

J. -P. CHENEVEYLe président,

J. - F. MOUTTE

Le greffier,

B. NIER

La République mande et ordonne au ministre de l'égalité des territoires et du logement, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition,

Le greffier,

''

''

''

''

1

2

N° 12LY01443

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01443
Date de la décision : 22/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-024-06 Urbanisme et aménagement du territoire. Contributions des constructeurs aux dépenses d'équipement public. Participation dans le cadre d'un programme d'aménagement d'ensemble.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CABINET LEGA-CITE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-01-22;12ly01443 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award