Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 août 2011, présentée pour Mme D...E..., domiciliée...;
Mme E...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0705119 du 21 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 août 2007, par lequel le préfet de l'Isère a déclaré cessibles les parcelles nécessaires à la régularisation de l'assiette foncière de la voie partant du hameau des Roux et desservant le hameau de La Piat sur la commune de La Ferrière ;
2°) d'annuler l'arrêté de cessibilité du 21 août 2007 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Mme E...soutient que la délibération du 3 février 2006 est illégale au regard des articles L. 2121-10 et 2121-11 du code général des collectivités territoriales, dès lors que les conseillers municipaux n'ont pas été convoqués, à domicile, trois jours francs avant la réunion et que le point relatif à l'expropriation de son terrain a été inscrit à l'ordre du jour en cours de séance, sans que les conseillers municipaux aient statué sur la demande de rajout ; que l'importance d'une expropriation nécessite que les conseillers municipaux soient informés, au préalable, de la date de la séance au cours de laquelle elle sera examinée ; que les arrêtés des 16 octobre 2006 et 30 avril 2007, non publiés au recueil des actes administratifs, ne sont pas exécutoires ; que les arrêtés postérieurs ne pouvaient donc pas intervenir ; que sa parcelle a fait l'objet d'une emprise irrégulière ; que la voie a été réalisée avant le 3 février 2006 et la délibération mentionne qu'il s'agit de régulariser la situation juridique de ladite voie ; que le commissaire enquêteur a émis un avis favorable uniquement pour ces motifs ; que, par suite, l'enquête publique et toute la procédure d'expropriation sont entachées d'illégalité et de détournement de pouvoir ; que la réalisation de cette voie, sur sa parcelle classée en zone agricole, n'était pas prévue au plan d'occupation des sols ; que l'arrêté déclaratif d'utilité publique et l'arrêté de cessibilité sont donc illégaux ; que ce dernier arrêté n'indique pas l'ensemble des parcelles et propriétaires concernés par l'opération d'expropriation ; qu'une telle mention est substantielle et permet de vérifier la conformité de l'expropriation autorisée par la déclaration d'utilité publique ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du 18 janvier 2012 par laquelle le président de la Cour a, d'une part, annulé la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 2 décembre 2011 rejetant la demande de Mme E...et, d'autre part, accordé l'aide totale à l'intéressée ;
Vu la mise en demeure, adressée le 10 avril 2012 au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, en application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative et l'avis de réception de cette mise en demeure
Vu l'ordonnance du 2 novembre 2012 portant clôture de l'instruction au 3 décembre 2012 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2012, présenté pour la commune de La Ferrière qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de Mme E...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La commune soutient que la convocation à la séance du 3 février 2006 a été adressée aux conseillers municipaux le 20 janvier 2006 ; que le compte rendu de cette séance démontre que la question de la route de la Piat a été abordée lors de cette réunion ; que la délibération, adoptée à l'unanimité, n'est pas décisionnelle et constitue un acte préparatoire ; que les conseillers municipaux avaient tous une parfaite connaissance de ce que la commune devait saisir le préfet d'une demande de déclaration d'utilité publique ; que la transmission du dossier au préfet ne préjuge pas de la décision à intervenir ; que, dès le 4 novembre 2002, le conseil municipal avait décidé de mettre en oeuvre la procédure d'acquisition par expropriation des terrains nécessaires ; que l'arrêté du 16 octobre 2006 est suffisamment précis, a été régulièrement affiché en mairie et publié par voie de presse ; que l'utilité publique du projet est évidente et son coût réduit ; que l'enquête publique s'est déroulée régulièrement ; que l'avis favorable du commissaire enquêteur est motivé par le seul but de répondre à l'intérêt général ; que l'arrêté déclaratif d'utilité publique est suffisamment motivé et a été affiché en mairie ; que le fait que le projet ne figurait pas au plan d'occupation des sols est sans incidence sur la légalité des arrêtés de cessibilité et de déclaration d'utilité publique ; que le plan d'occupation des sols constatait la présence de la voie ; que l'ouverture de l'enquête parcellaire a été notifiée à Mme E...le 27 octobre 2006 et l'arrêté de cessibilité le 29 août 2007 ; que ce dernier comporte la liste des parcelles à exproprier et l'identification des propriétaires concernés ; que n'ont pas à y figurer les terrains acquis à l'amiable ; que l'arrêté de cessibilité est conforme à la déclaration d'utilité publique et à la réalité des parcelles expropriées ; que les avis des commissaires enquêteurs sur l'enquête parcellaire et sur l'enquête publique sont motivés et dépourvus de toute ambiguïté ;
Vu, enregistré le 3 décembre 2012, le nouveau mémoire présenté pour Mme E..., qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et en outre par les moyens que la pièce intitulée " compte-rendu du conseil municipal du 3/02/06 ", versée au dossier par la commune de La Ferrière, n'est pas probante ; que le procès-verbal de la réunion du conseil municipal du 17 mars 2006 qui approuve le procès-verbal de la réunion du 3 février 2006 est nul ; que l'enquête publique, telle que prévue par l'arrêté préfectoral du 16 octobre 2006, porte sur l'utilité publique de la voie partant du hameau des Roux et desservant le hameau de la Piat et non sur l'utilité publique d'exproprier les terrains, si bien que l'arrêté d'utilité publique du 30 avril 2007 ne pouvait pas prévoir l'expropriation de terrains dès lors que l'enquête n'avait pas porté sur cet objet ; que cet arrêté ne prévoit d'ailleurs pas l'acquisition de terrains et ne peut dès lors servir de fondement à l'arrêté de cessibilité du 21 août 2007 ;
Vu les lettres du 5 décembre 2012 adressées aux parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
Vu, enregistré le 11 décembre 2012, le nouveau mémoire présenté pour la commune de La Ferrière qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 2012 :
- le rapport de M. du Besset, président de chambre ;
- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;
- et les observations de MeC..., représentant la commune de La Ferrière ;
1. Considérant qu'après avoir, par arrêté du 30 avril 2007, déclaré d'utilité publique la voie sise sur la commune de La Ferrière et partant du hameau des Roux pour desservir le hameau de la Piat, le préfet de l'Isère a, par arrêté du 21 août 2007, déclaré cessibles les terrains nécessaires à la régularisation de l'assiette foncière de cette voie, dont une parcelle appartenant à M. B...A...et l'autre à Mme D...E... ; que celle-ci a demandé au Tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 21 août 2007 ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté sa demande ;
Sur la recevabilité de la demande en tant qu'elle concerne le terrain appartenant à M. A... :
2. Considérant que Mme E...ne justifie d'aucun intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de l'arrêté du 21 août 2007 en tant qu'il concerne la propriété de M. A... ; que, dès lors, ses conclusions sont, en tant que telles, irrecevables ;
Sur la légalité de l'arrêté de cessibilité du 21 août 2007 en tant qu'il concerne le terrain appartenant à Mme E...:
3. Considérant que Mme E...invoque par voie d'exception l'illégalité de l'arrêté de déclaration d'utilité publique du 30 avril 2007, et, à l'appui de ce moyen, elle soutient que la délibération du 3 février 2006, par laquelle le conseil municipal de La Ferrière a décidé de demander au préfet de l'Isère d'ouvrir l'enquête prévue par l'article L. 11-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, est entachée d'illégalité ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée par écrit, sous quelque forme que ce soit, au domicile des conseillers municipaux, sauf s'ils font le choix d'une autre adresse. " ; qu'aux termes de l'article L. 2121-11 du même code : " Dans les communes de moins de 3 500 habitants, la convocation est adressée trois jours francs au moins avant celui de la réunion. / En cas d'urgence, le délai peut être abrégé par le maire, sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc (...) " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la question relative à l'expropriation en litige ne figurait pas parmi les questions inscrites à l'ordre du jour de la séance tenue le 3 février 2006 par le conseil municipal de La Ferrière ;
6. Considérant que, compte tenu notamment des dispositions précitées de l'article L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales, qui fixent un délai entre l'envoi des convocations et la réunion prévue, la circonstance que le conseil municipal aurait, en début de séance, accepté à l'unanimité l'ajout à l'ordre du jour de la question mentionnée au point 4 est sans influence sur la légalité de la délibération du 3 février 2006 au regard des dispositions précitées de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales ;
7. Considérant qu'alors même que l'expropriation en litige avait seulement pour objet la régularisation d'une emprise irrégulière, l'examen de cette question n'a pu avoir lieu au titre des "questions diverses" prévues à l'ordre du jour ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4, 5 et 6 que la délibération du 3 février 2006 n'a pas été prise conformément à la procédure prévue par l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales ; qu'alors que la commune de La Ferrière ne saurait faire valoir utilement que la question de l'expropriation du terrain de Mme E...avait déjà fait l'objet de débats au conseil municipal, ce vice de procédure, qui a un caractère substantiel, entache la légalité de cette délibération ;
9. Considérant qu'en raison de l'irrégularité de la délibération du conseil municipal de La Ferrière en date du 3 février 2006, l'arrêté de déclaration d'utilité publique du 30 avril 2007 est entaché d'illégalité ; que, l'arrêté de cessibilité en litige, pris sur le fondement de cette déclaration d'utilité publique illégale, se trouve, dès lors, privé de base légale ;
10 - Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en tant qu'elle concernait le terrain dont elle est propriétaire ;
Sur les conclusions présentées au titre des frais non compris dans les dépens :
11 - Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de Mme E..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ; que, d'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par celle-ci au titre des mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0705119 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 21 juin 2011 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme E...relatives à la cessibilité de la parcelle dont elle est propriétaire.
Article 2 : L'arrêté du 21 août 2007, par lequel le préfet de l'Isère a déclaré cessible la parcelle appartenant à MmeE..., est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme E...est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la commune de La Ferrière tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E..., au ministre de l'intérieur et à la commune de La Ferrière.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2012, où siégeaient :
- M. du Besset, président de chambre,
- M. Dursapt, premier conseiller,
- Mme Samson-Dye, premier conseiller
Lu en audience publique, le 17 janvier 2013.
Le président de chambre, rapporteur,
E. du Besset L'assesseur le plus ancien,
M. Dursapt La greffière,
M.T. Pillet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 11LY02149
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