Vu la requête, enregistrée le 16 septembre 2011, présentée pour la société Perrier TP, dont le siège est 13 route de Lyon, BP 164 à Saint-Priest (69802), représentée par ses dirigeants en exercice, et la société Mazza BTP, dont le siège est BP 30 à Champagne au Mont d'Or, représentée par Me Bauland, administrateur judiciaire ; la société Perrier TP et la société Mazza TP demandent à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0806863 du 7 juillet 2011 du Tribunal administratif de Lyon, en tant qu'il n'a condamné la communauté urbaine de Lyon qu'à leur verser une somme de 12 757,24 euros hors taxe au titre du solde du marché relatif à la réalisation de l'espace 3000 à Lyon et a rejeté le surplus des conclusion de leur demande ;
2°) de condamner la communauté urbaine de Lyon à leur verser une somme de 832 307,53 euros toutes taxes comprises au titre du solde à percevoir ;
3°) de mettre à la charge de la communauté urbaine de Lyon la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elles font valoir que leur appel est recevable, le mandataire du groupement ne disposant plus du pouvoir d'engager un recours au nom du groupement.
Elles soutiennent :
- qu'elles sont en droit d'obtenir une somme de 39 313 euros hors taxe au titre de la purge de la rampe d'accès, au titre des sujétions imprévues, dès lors que la forte humidité des sables présents sur place a fait obstacle à ce qu'ils soient utilisés pour réaliser la rampe, qu'aucune purge des matériaux n'était prévue au cahier des clauses techniques particulières (CCTP) ;
- que le groupement est en droit d'obtenir une rémunération complémentaire de 581 217 euros hors taxe, du fait de la modification de la nature des matériaux terrassés par rapport à ce que mentionnaient les études géotechniques, de l'impossibilité de réaliser des sondages complémentaires du fait de la présence d'un parking occupé, qui ont engendré une modification majeure des conditions du contrat liée à la mise en décharge d'un volume plus important de matériaux et à la diminution du volume de matériaux revalorisables ; la prise en compte de ces modifications ne remet pas en cause l'économie de l'offre et l'équité de la consultation ;
- que c'est à bon droit que le Tribunal a estimé qu'ils avaient droit à 2 564 euros hors taxe au titre de la reprise du terrassement du talus côté parc de la Tête d'Or, du fait de la désorganisation du chantier, et à 29 097 euros, au titre de travaux irrégulièrement déduits par la collectivité comme non réalisés malgré le caractère global et forfaitaire du prix du marché ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 3 mai 2012, présenté pour la communauté urbaine de Lyon, représentée par son président en exercice ; la communauté urbaine de Lyon demande à la Cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de ne pas mettre à sa charge une somme supérieur à 29 097 euros hors taxe ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner la compensation avec les sommes dues par le groupement ;
4°) de mettre solidairement à la charge de la société Perrier TP et de la société Mazza BTP une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- à titre principal, que la demande de première instance est irrecevable, dès lors qu'elle est présentée comme émanant du groupement, dont l'existence n'est pas prouvée ; qu'il n'est pas justifié de la qualité pour agir en son nom ;
- à titre subsidiaire, qu'aucune somme n'est due au titre de travaux complémentaires, du fait du caractère forfaitaire du prix du marché, et de l'absence de sujétions techniques imprévisibles ;
- que, s'agissant de la rampe, les entrepreneurs sont réputés avoir une connaissance parfaite des lieux en vertu de l'article 0.9 du CCTP et que les difficultés inhérentes à la nature des sols ne pouvaient être ignorées ; que tous les mouvements de terrain étaient à la charge des entreprises ; que le montant de la somme demandée n'est pas justifié et que les matériaux nécessaires ont pu être prélevés dans le cadre d'un chantier voisin ;
- que la qualité des matériaux terrassés ne peut ouvrir droit à aucune indemnité car la valorisation prévue n'a pas de valeur contractuelle ; que l'étude géotechnique ne prétend pas donner d'indications certaines sur la bonne qualité des matériaux, que le parking provisoire n'empêchait pas de réaliser des sondages complémentaires ; que la sous-estimation de l'offre du groupement ne saurait ensuite l'autorisant à demander une indemnisation lui permettant d'être plus cher que ses concurrents, sauf à méconnaître l'égalité des entreprises devant la commande publique ; que la somme demandée n'est pas justifiée, la notion de volume impropre théorique étant dépourvue de valeur contractuelle, de même que les volumes évoqués ;
- que, s'agissant des terrassements du talus côté parc de la Tête d'Or, aucune modification du marché ou demande supplémentaire du maître d'ouvrage n'ouvre droit à indemnité, le préjudice allégué résultant de l'absence de coordination entre l'entreprise Mazza BTP et l'entreprise E2F est éventuel et le montant allégué du préjudice n'est pas établi ;
- qu'elle accepte le paiement d'une somme de 29 079 euros au titre du caractère forfaitaire du marché, alors même que les travaux n'ont pas été effectués ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 19 juin 2012, présenté pour la société Perrier TP et la société Mazza BTP, qui concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens ;
Elles soutiennent en outre que :
- la requête indemnitaire est présentée pour les deux sociétés membres du groupement ;
- les données fournies par le maître d'ouvrage devaient être utilisées par l'entreprise titulaire du marché, qui n'avait pas à les considérer comme erronées et à organiser des études complémentaires à ses frais et sans assurance de remporter le marché, et qui a droit à l'indemnisation du préjudice subi du fait de l'absence de précisions sur les matériaux et la nature du sol, ainsi que l'a estimé le comité consultatif de règlement amiable des litiges ;
- le faible montant de l'offre s'expliquait notamment par les revenus attendus de la valorisation des matériaux, qui avaient été acceptés par le maître de l'ouvrage ;
- la réalisation du talus en deux phases résulte du maître d'oeuvre, ainsi que l'a estimé le comité de règlement amiable ;
Vu l'ordonnance en date du 12 juillet 2012 par laquelle le magistrat rapporteur délégué a, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, prononcé la clôture de l'instruction au 14 août 2012 ;
Vu le mémoire en réponse, enregistré le 13 août 2012, présenté pour la communauté urbaine de Lyon, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Elle fait valoir en outre que l'avis du comité de règlement amiable des litiges est dépourvu de valeur juridique et que le caractère erroné des documents géologiques n'est pas établi.
Vu le mémoire, enregistré le 23 octobre 2012, présenté, par la société Perrier TP et la société Mazza BTP ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2012 :
- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseillé,
- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public
- les observations de Me Klein, représentant la société Perrier TP, et de Me Boissout, représentant la COURLY ;
1. Considérant que, dans le cadre de travaux d'extension du centre des congrès de la cité internationale à Lyon, quai Charles de Gaulle, ayant pour objet notamment la construction de la salle 3000 et de parkings souterrains, la communauté urbaine de Lyon a confié en septembre 2002 à un groupement solidaire composé de la société Mazza BTP, mandataire, et de la société Perrier TP, le lot n°2 " Terrassements ", pour un montant de 1 792 539 euros hors taxe ; que la réception du marché, assortie de réserves, a eu lieu en avril 2006 ; que le décompte général du marché n'a pas été signé par les entrepreneurs, qui ont adressé un mémoire en réclamation à la collectivité en cause le 25 juillet 2007 ; qu'après avoir saisi le comité consultatif interrégional de règlement amiable, qui a rendu son avis le 10 avril 2008, la société Mazza BTP et la société Perrier TP ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la communauté urbaine de Lyon à leur verser la somme de 832 307,53 euros au titre du solde du marché ; que, par jugement du 7 juillet 2011, le tribunal a condamné la collectivité à verser aux deux sociétés la somme totale de 12 757,24 euros, au titre du solde du marché, après y avoir intégré, au crédit du groupement, 32 661 euros ; que les sociétés requérantes font appel de ce jugement, en tant qu'il rejette le surplus de leurs conclusions ;
Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la communauté urbaine de Lyon ;
2. Considérant que les difficultés exceptionnelles et imprévisibles rencontrées dans l'exécution d'un marché ne peuvent ouvrir droit à une indemnité au profit des entrepreneurs que dans la mesure où ceux-ci justifient soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à un fait de l'administration ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le groupement d'entrepreneurs devait, aux termes du marché conclu à prix global et forfaitaire, réaliser tous les travaux de terrassements nécessaires à l'exécution des remblais et des excavations et tous mouvements de terrain pour les diverses rampes nécessaires au bon déroulement du chantier ; que les sociétés requérantes se plaignent d'avoir été contraintes de réaliser la rampe d'accès permettant la circulation des engins du chantier à partir de matériaux issus d'un chantier mitoyen, et non en utilisant ceux du présent chantier, d'une portance insuffisante ; qu'elles soutiennent par ailleurs que les matériaux impropres ainsi trouvés sur le site du chantier ont généré un surcoût, lié à la mise en décharge d'un volume plus important que prévu de matériaux, et un manque à gagner, découlant de la diminution du volume des matériaux revalorisables ; qu'elles demandent à être indemnisées du préjudice en résultant sur le fondement des sujétions imprévues ;
4. Considérant qu'il n'est pas sérieusement contesté, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que les sociétés requérantes ont trouvé, lors de l'exécution du chantier en octobre 2003, des remblais de limons argileux, saturés en eau, dans une quantité plus importante que celle qui pouvait être prévue, au regard des études géotechniques du marché ;
5. Considérant toutefois que ces études géotechniques avaient pour objectif principal d'analyser la portance des sols en vue de l'implantation des bâtiments, et non de donner des éléments détaillés sur les conditions précises de la valorisation possible des sols excavés ; qu'elles signalaient le risque de trouver des remblais de nature limoneuse ou sableuse peu dense, ainsi que la présence de nappes et de ruissellements en sous-sol de ce terrain, proche du Rhône ; qu'elles montraient que l'épaisseur des différentes strates du sous-sol était variable sur le terrain d'assiette du projet ; qu'ainsi que le mentionne le rapport produit par le groupement, peu de sondages avaient été effectués dans la partie de terrain correspondant à la zone d'implantation de la rampe ; que le sondage pénétrométrique SP 6, relatif à ce secteur, et dont il est constant qu'il figurait parmi les études du marché, révélait que des matériaux très peu denses existaient jusqu'à une profondeur de 16 mètres, plus basse que celle relevée en d'autres points ; que ces différents éléments commandaient une prudence particulière pour l'évaluation du prix forfaitaire des travaux ;
6. Considérant que, si les sociétés requérantes se plaignent de ne pas avoir pu effectuer de sondages supplémentaires, elles n'établissent pas que l'état préexistant des lieux, à usage de parking mais pouvant néanmoins supporter des sondages, ou d'autres circonstances, les auraient empêchées de procéder à de telles investigations, ainsi que le permettait l'article 1.13 du cahier des clauses techniques particulières ;
7. Considérant que, dans ces conditions, l'erreur qui entacherait sur certains points les études du marché, ne peut être regardée comme ayant engendré des difficultés exceptionnelles et imprévisibles pour l'exécution du marché par les sociétés requérantes ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Perrier TP et la société Mazza BTP ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lyon n'a que partiellement fait droit à leur demande ;
Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés non compris dans les dépens :
9. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions des sociétés requérantes doivent être rejetées ;
10. Considérant, en second lieu, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner solidairement la société Perrier TP et la société Mazza BTP à verser une somme de 2 000 euros à la communauté urbaine de Lyon, au titre des frais exposés non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 11LY02367 de la société Perrier TP et de la société Mazza BTP est rejetée.
Article 2 : La société Perrier TP et la société Mazza BTP sont condamnées solidairement à verses à la communauté urbaine de Lyon une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Perrier TP, à la société Mazza TP, à la communauté urbaine de Lyon et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2012, où siégeaient :
- M. du Besset, président de chambre,
- M. Dursapt et Mme Samson-Dye, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 10 janvier 2013.
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N° 11LY02367
N° 11LY2367
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