La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/01/2013 | FRANCE | N°12LY01465

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 08 janvier 2013, 12LY01465


Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2012, présentée pour la commune de Peisey-Nancroix (Savoie), représentée par son maire ;

La commune de Peisey-Nancroix demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900099 du tribunal administratif de Grenoble du 10 avril 2012 qui a annulé l'arrêté du 12 novembre 2008 par lequel son maire a refusé de délivrer un permis de construire modificatif à M. B...C...;

2°) de rejeter la demande de ce dernier devant le tribunal administratif de Grenoble ;

3°) de condamner M. C...à lui verser une somme de 2 500 euros a

u titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune fait valoir...

Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2012, présentée pour la commune de Peisey-Nancroix (Savoie), représentée par son maire ;

La commune de Peisey-Nancroix demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900099 du tribunal administratif de Grenoble du 10 avril 2012 qui a annulé l'arrêté du 12 novembre 2008 par lequel son maire a refusé de délivrer un permis de construire modificatif à M. B...C...;

2°) de rejeter la demande de ce dernier devant le tribunal administratif de Grenoble ;

3°) de condamner M. C...à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune fait valoir qu'elle ne conteste pas, comme le tribunal l'a jugé, que les dispositions de l'article UA 11 5-2 du règlement du plan local d'urbanisme ne sont pas applicables au projet litigieux et que le motif fondé sur l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme n'est pas motivé ; que, toutefois, même si les expressions " substitution de base légale " ou " substitution de motifs " n'ont pas été employées, sa défense devant le tribunal était suffisamment explicite pour que celui-ci examine sa demande ; que le tribunal a ainsi omis de statuer sur la substitution de base légale invoquée ; qu'en tout état de cause, une demande de substitution de base légale peut être présentée pour la première fois en appel ; que les dispositions de l'article UA 11 5-1 du règlement du plan local d'urbanisme imposent que les restaurations de toiture restent conformes aux caractéristiques d'origine, dans le but de préserver le patrimoine local ; que, dans le projet litigieux, la toiture ne conserve ni sa volumétrie ni sa pente ; que ce changement radical de l'aspect de la toiture méconnaît par suite lesdites dispositions ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 juillet 2012, présenté pour M.C..., qui demande à la Cour :

- de rejeter la requête ;

- de mettre les dépens à la charge de la commune de Peisey-Nancroix ;

- de condamner cette commune à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. C...soutient que c'est à bon droit que le tribunal a estimé que les deux motifs fondant l'arrêté attaqué sont entachés d'illégalité ; que le tribunal ne pouvait procéder d'office à une substitution de motifs sans avoir au préalable mis les parties en mesure de présenter leurs observations ; que, quoi qu'il en soit, les dispositions de l'article UA 11 5-1 du règlement du plan local d'urbanisme ne sont pas applicables en l'espèce, le bâtiment sur lequel porte le projet litigieux étant un garage de conception récente, alors que ces dispositions concernent les bâtiments anciens, témoignages du patrimoine architectural local ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 décembre 2012, présenté pour la commune de Peisey-Nancroix, qui, n'apportant aucun élément nouveau, n'a pas été communiqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2012 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant la SCP Lachat Mouronvalle Gourounian, avocat de la commune de Peisey-Nancroix ;

1. Considérant que, par un arrêté du 8 octobre 2007, le maire de la commune de Peisey-Nancroix a délivré à M. C...un permis de construire en vue de l'aménagement d'un appartement dans les combles d'un bâtiment existant ; qu'au cours de la réalisation des travaux, la jacobine prévue sur le toit de la façade nord a été modifiée ; que, pour régulariser cette modification, M. C...a déposé le 20 août 2008 une demande de permis modificatif, en sollicitant en outre l'ouverture d'une fenêtre de toit supplémentaire ; que, par un arrêté du 12 novembre 2008, le maire a rejeté cette demande ; que, par un jugement du 10 avril 2012, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce refus de permis de construire modificatif ; que la commune de Peisey-Nancroix relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que l'arrêté attaqué se fonde sur la méconnaissance des dispositions du point 5.2 de l'article UA 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Peisey-Nancroix, qui imposent que la pente de la toiture soit comprise entre 35 % et 47 %, et sur celles de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; que le tribunal administratif de Grenoble a estimé que ces deux motifs sont entachés d'illégalité ; que, toutefois, dans ses écritures en défense, la commune de Peisey-Nancroix a cité, en substance, les dispositions du point 5.1 de l'article UA 11 dudit règlement, qui imposent de préserver les toitures des bâtiments anciens constituant un témoignage du patrimoine architectural local traditionnel, et a fait valoir que le projet litigieux, qui prévoit une rehausse de 60 centimètres d'une jacobine, ne préserve pas le volume initial et que " le projet s'éloigne donc des caractéristiques de la toiture d'origine, tant dans la volumétrie que dans les pentes " ; que, même si la commune n'a pas explicitement indiqué qu'elle sollicitait ainsi une demande de substitution de motifs, ses écritures étaient suffisamment précises pour que le tribunal, auquel il appartenait de donner à ce moyen de défense son exacte qualification, examine si les conditions d'une substitution de motifs étaient en l'espèce réunies ; qu'en s'abstenant d'examiner ce moyen, qui n'était pas inopérant, le tribunal administratif de Grenoble a insuffisamment motivé son jugement, dont la commune de Peisey-Nancroix est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Sur la légalité du refus de permis de construire attaqué :

4. Considérant que les dispositions du point 5.2 de l'article UA 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Peisey-Nancroix, qui ne concernent que les constructions neuves, ne sont pas opposables au projet de M.C..., qui porte sur un bâtiment existant ; que, dès lors, en faisant application de ces dispositions, le maire de cette commune a commis une erreur de droit ;

5. Considérant qu'aux termes de l'articles R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ; que la commune de Peisey-Nancroix ne précise pas pour quelles raisons la simple modification d'une jacobine, déjà autorisée par le permis de construire initial, et l'ouverture supplémentaire d'une fenêtre de toit, seraient susceptibles de porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants le bâtiment concerné par le projet de M. C...; que, par suite, en opposant à la demande de permis modificatif les dispositions précitées, le maire de cette commune a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

6. Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît, en l'état de l'instruction, également susceptible de fonder l'annulation du refus de permis de construire attaqué ;

7. Mais considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

8. Considérant que la commune de Peisey-Nancroix soutient que l'arrêté attaqué peut être fondé sur les dispositions de l'article UA 11 5.1 du règlement du plan local d'urbanisme ; qu'aux termes de ces dispositions : " Les restaurations de toitures de bâtiments anciens témoignages du patrimoine architectural local traditionnel (corps de fermes, maisons d'habitation, maisons de notables ... ) devront préserver au maximum les caractéristiques des toitures d'origine tant dans leur volumétrie, dans leur pente, dans leur implantation par rapport aux murs de façades que dans leur aspect " ;

9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le bâtiment sur lequel porte le projet litigieux, dont la couverture est constituée de bacs en acier, constituerait un témoignage du patrimoine architectural local traditionnel ; qu'en outre, si la commune fait valoir que la création d'une jacobine sur la toiture de la façade nord entraîne une modification radicale de l'aspect de cette toiture, cette création, qui a été autorisée par le permis de construire initial du 8 octobre 2007, ne résulte pas de la demande de permis modificatif en litige, laquelle se borne à apporter quelques modifications à la jacobine, consistant notamment en une surélévation de 70 centimètres de son faîtage ; que, dans ces conditions, la demande de substitution de motifs invoquée par la commune de Peisey-Nancroix ne peut être accueillie ;

10. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que l'arrêté du 12 novembre 2008 par lequel le maire de la commune de Peisey-Nancroix a rejeté sa demande de permis de construire modificatif est entaché d'illégalité et doit être annulé ;

Sur les dépens :

11. Considérant qu'en vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts (...). / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ; qu'il y a lieu de laisser à la commune de Peisey-Nancroix, partie perdante, la charge de la contribution pour l'aide juridique qu'elle a acquittée lors de l'introduction de sa requête ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M.C..., qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamné à payer à la commune de Peisey-Nancroix la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette commune le versement d'une somme de 1 500 euros au bénéfice de M. C...sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 10 avril 2012 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 12 novembre 2008 par lequel le maire de la commune de Peisey-Nancroix a rejeté la demande de permis de construire modificatif présentée par M. C...est annulé.

Article 3 : La commune de Peisey-Nancroix versera à M. C...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Peisey-Nancroix tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Peisey-Nancroix et à M. B...C....

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2012, à laquelle siégeaient :

M. Zupan, président de la formation de jugement,

M. Bézard, président,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 janvier 2013.

''

''

''

''

1

2

N° 12LY01465

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01465
Date de la décision : 08/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP LACHAT MOURONVALLE GOUROUNIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-01-08;12ly01465 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award