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20/12/2012 | FRANCE | N°11LY02603

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2012, 11LY02603


Vu la requête, enregistrée le 3 novembre 2011 au greffe de la Cour, présentée pour le préfet du Rhône ;

Le préfet du Rhône demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104515, du 6 octobre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions en date du 14 juin 2011 par lesquelles il a refusé de délivrer à M. A...B...un titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois à compter de sa notification et a fixé le pays de renvoi, lui a enjoint de délivrer à ce dernier u

ne carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai de deux ...

Vu la requête, enregistrée le 3 novembre 2011 au greffe de la Cour, présentée pour le préfet du Rhône ;

Le préfet du Rhône demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104515, du 6 octobre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions en date du 14 juin 2011 par lesquelles il a refusé de délivrer à M. A...B...un titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois à compter de sa notification et a fixé le pays de renvoi, lui a enjoint de délivrer à ce dernier une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de huit cents euros, à verser à M. B...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de mille euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que M. B...ne remplit aucune des conditions imposées par le code du travail et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour exercer une activité professionnelle en France ; que c'est à bon droit qu'il a opposé à M. B...la situation de son entreprise au regard de la législation du travail ;

- que le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit ; qu'il n'a pas démontré la viabilité économique de son entreprise ; que la justification d'un contrat de travail permettant d'exercer une activité figurant dans la liste annexée à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008 ne constitue pas un motif exceptionnel suffisant au sens de la loi ;

- que sa décision est suffisamment motivée ; qu'il a procédé à un examen particulier de la situation de M. B...; que ce dernier peut reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine, pays dans lequel résident ses parents et deux de ses frères ;

- que la décision attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

- que l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant n'est pas méconnu ;

- que la méconnaissance des stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut être invoquée à l'encontre d'une décision portant refus de titre de séjour ;

- que l'obligation de quitter le territoire n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique ; que la décision fixant le pays de destination n'a pas méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il n'a pas apporté la preuve de risques actuels, certains et directs ; que la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2012, présenté pour M. B...; il conclut au rejet de la requête et demande que l'Etat soit condamné à verser à son conseil la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que, si le préfet pouvait lui opposer, pour lui refuser un titre de séjour, le respect par l'employeur de la législation du travail, il lui appartenait en outre de démontrer que cette carence, eu égard aux autres critères prévus par le code du travail, révélait en outre un défaut de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- que le préfet a motivé sa décision sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à la délivrance de la carte de séjour " salarié " sans examiner les motifs exceptionnels qu'il faisait valoir concernant ses conditions d'emploi ;

- que le préfet n'a pas examiné préalablement s'il faisait état de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'une carte de séjour " vie privée et familiale " ;

- qu'il n'y a pas eu d'examen particulier de sa situation ; que la décision attaquée est insuffisamment motivée ; qu'il remplit le critère de la qualification et de l'expérience professionnelle ; qu'il est embauché par l'association qu'il a créée sous couvert d'un contrat à durée indéterminée, en qualité de chef de chantier, profession figurant sur la liste des métiers en tension dans la région ;

- que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ; que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- que l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant a été méconnu ;

- que la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- que la décision attaquée ne précise pas vers quelle entité l'autorité préfectorale entend reconduire ce couple, alors que le droit de réinstallation doit être apprécié au regard du foyer d'origine ; qu'il ne peut retourner en Republika Srpska, son foyer d'origine ;

Vu la décision du 11 janvier 2012 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) accordant l'aide juridictionnelle totale à M. B...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

- et les observations de M.B... ;

1. Considérant que M.B..., de nationalité bosnienne, est entré irrégulièrement en France le 6 décembre 2004, selon ses déclarations ; qu'il a sollicité, le 16 décembre 2004, le statut de réfugié, lequel lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 5 juillet 2005, confirmée par la Commission des recours des réfugiés par une décision du 2 décembre 2005 ; que, le 21 mars 2006, il a sollicité, une nouvelle fois, le statut de réfugié auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui a rejeté sa demande par décision en date du 23 mars 2006, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 10 juin 2008 ; qu'il a sollicité auprès du préfet du Rhône la délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ; que, par une décision du 30 novembre 2006, le préfet du Rhône a refusé la délivrance du titre de séjour demandé ; que le recours demandant l'annulation de cette décision a été rejeté par le Tribunal administratif de Lyon le 5 février 2009 ; que le requérant a, à nouveau, demandé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ce titre de séjour lui a été refusé par une décision du préfet du Rhône en date du 22 décembre 2008, assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois avec fixation du pays de renvoi ; que le recours formé par l'intéressé demandant l'annulation de ces décisions a été rejeté par le Tribunal administratif de Lyon le 30 juin 2009, puis par la Cour administrative d'appel de Lyon le 26 octobre 2010 ; que, suite à une nouvelle demande de titre de séjour, le préfet du Rhône a, par une décision en date du 21 décembre 2010, refusé la délivrance d'un titre à M. B... sur le fondement des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a assortie d'une obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination ; que le Tribunal administratif de Lyon, par un jugement en date du 29 mars 2011, a annulé ces décisions pour défaut de motivation et enjoint au préfet du Rhône de procéder à un nouvel examen ; que, par décisions en date du 14 juin 2011, notifiées à l'intéressé le 20 juin 2011, le préfet du Rhône refusait la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeait à quitter le territoire français et fixait le pays de destination ; que le préfet du Rhône relève appel du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 6 octobre 2011 qui a annulé les décisions susmentionnées du 14 juin 2011 ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;

3. Considérant qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ;

4. Considérant que, si M. B...fait valoir qu'il vit en France avec son épouse et ses deux enfants depuis six ans, qu'il a créé une association loi 1901 qui le salarie en qualité de chef de chantier, figurant sur la liste des métiers en tension de la région Rhône-Alpes, ces circonstances ne suffisent pas à établir que le préfet du Rhône aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation en estimant que son admission au séjour, par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale ", ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels, nonobstant ces six années de séjour en France et sa volonté d'insertion professionnelle ; que c'est par suite à tort que le Tribunal administratif de Lyon a considéré que l'arrêté du 14 juin 2011 du préfet du Rhône était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à la situation de M. B...;

5. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...tant en première instance qu'en appel ;

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

6. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des motifs de la décision attaquée que le préfet du Rhône a procédé à un examen particulier de la situation de M. B...et a suffisamment motivé sa décision en droit et en fait ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

8. Considérant que M. B...fait valoir qu'il vit en France avec son épouse depuis six ans, qu'ils ont deux enfants nés, respectivement, le 26 janvier 2005 et le 24 janvier 2008, sur le territoire français, qui sont scolarisés, qu'il est bien inséré professionnellement et qu'il ne pourra en raison des risques encourus s'installer dans sa région d'origine, en Republika Srpska ; que, cependant, M. B...a vécu la majorité de sa vie dans son pays d'origine et a vu ses demandes d'asile rejetées à quatre reprises ; qu'il n'a jamais obtenu en six ans la délivrance des titres de séjour sollicités ; qu' il n'est établi ni qu'il serait dépourvu d'attaches familiales, ni qu'il encourrait, en cas de retour, des risques susceptibles de faire obstacle à la reconstitution de la cellule familiale dans ce pays ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et nonobstant ses efforts d'insertion dans la société française, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte des stipulations précitées de cette convention, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

10. Considérant que, si M. B...fait valoir que ses deux enfants sont nés en France, qu'ils sont scolarisés et qu'ils sont issus d'une communauté minoritaire en Republika Srpska, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient se réinsérer normalement hors de France, ni qu'ils ne pourraient y être scolarisés ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée porterait atteinte à l'intérêt supérieur des enfants du requérant et méconnaîtrait ainsi l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant signée le 26 janvier 1990 ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) " ;

12. Considérant que M. B...ne peut pas utilement se prévaloir des stipulations précitées de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne à l'encontre de la décision de refus de délivrance de titre de séjour ou d'éloignement ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré, par la voie de l'exception d'illégalité, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;

14. Considérant, en deuxième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux retenus ci-avant dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de titre de séjour, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 et l'article 41.2 alinéa 1er de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés ;

15. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 : " I - les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d'interdiction d'entrée ainsi que les décisions d'éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles. " ; que, si, en application de ces stipulations, l'obligation de quitter le territoire doit être motivée, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus du titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 12 de la directive ;

16. Considérant que l'arrêté attaqué indique précisément les raisons pour lesquelles le préfet a refusé de délivrer à l'intéressé un titre de séjour et vise expressément l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu duquel le préfet peut assortir le refus de titre de séjour d'une mesure d'éloignement ; que cette motivation révèle un examen particulier des circonstances de l'espèce ; qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;

17. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. (...) 2. Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. (...) " ; qu'aux termes du troisième alinéa du I de l'article L. 511-1 du code susvisé : " L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration " ; qu'en l'espèce, la décision attaquée, qui fixe un délai de départ volontaire d'un mois, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 7 précité de la directive du 16 novembre 2008 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...ait fait état devant le préfet du Rhône, avant l'édiction de l'arrêté du 14 juin 2011, de circonstances particulières, propres à justifier une prolongation de ce délai de départ volontaire ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté est à cet égard entaché d'un défaut d'examen préalable de sa situation et d'un défaut de motivation au regard des dispositions de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

Sur la décision désignant le pays de destination :

18. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'examen ci-dessus de la légalité du refus de délivrance de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français du 14 juin 2011, que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi ;

19. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué du préfet du Rhône, qui indique que M.B..., né en Yougoslavie, se déclarant bosnien, pourrait être reconduit d'office à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays pour lequel il établirait être légalement admissible, désigne effectivement le pays dont il a la nationalité comme destination de la mesure d'éloignement ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet n'avait pas à préciser dans laquelle des deux entités composant la Bosnie-Herzégovine il devait être renvoyé, alors qu'il affirme être originaire de l'entité de la Republika Srpska ;

20. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; que l'accord cadre général de Dayton pour la paix en Bosnie-Herzégovine, notamment son annexe 7, entré en vigueur le 14 décembre 1995, qui organise la République de Bosnie-Herzégovine en deux entités, pose les principes du droit de réinstallation, de libre choix d'établissement et de libre circulation des ressortissants de cet Etat ; que, dès lors, les craintes de persécutions ou de menaces graves de ceux d'entre eux qui sollicitent l'asile doivent être appréciées au regard de ces principes et de la protection offerte par les autorités de l'une et l'autre de ces entités ;

21. Considérant que, si M. B...se prévaut des risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine, en raison des violences dont il pourrait être victime de la part de son beau-père ainsi que du contexte géopolitique actuel au sein des entités de Fédération de Bosnie et de Republika Srpska, il ne peut pas être regardé comme apportant la preuve de ses allégations ; que les menaces proférées par le père de Mme B...D...son encontre n'ont pas, en tout état de cause, le caractère d'un traitement inhumain et dégradant ; que les risques invoqués par le requérant sur la base de rapports et de documents à caractère général, relatifs à la situation en Bosnie-Herzégovine, ne permettent pas d'établir qu'il y serait personnellement soumis ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision querellée fixant la Bosnie-Herzégovine comme pays de destination viole les stipulations susmentionnées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'annexe 7 de l'accord cadre général de Dayton ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 14 juin 2011 ; que le jugement attaqué doit être annulé et la demande de M. B... rejetée ;

23. Considérant que les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à Me C...la somme que demande M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du préfet du Rhône tendant à l'application au profit de l'Etat des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1104515 du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Lyon et le surplus de ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié au préfet du Rhône, à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2012.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02603
Date de la décision : 20/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : SCHMITT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-12-20;11ly02603 ?
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