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18/12/2012 | FRANCE | N°12LY00640

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 18 décembre 2012, 12LY00640


Vu la requête, enregistrée le 29 février 2012, présentée pour M. et Mme Bernard , demeurant ... ;

M. et Mme demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905758 du 16 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle leur foyer fiscal été assujetti au titre de l'année 2005 dans les rôles de la commune de Poisat et des contributions sociales ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée et des pénalités y aff

rentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euro...

Vu la requête, enregistrée le 29 février 2012, présentée pour M. et Mme Bernard , demeurant ... ;

M. et Mme demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905758 du 16 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle leur foyer fiscal été assujetti au titre de l'année 2005 dans les rôles de la commune de Poisat et des contributions sociales ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il avait la charge de la preuve et que les conditions d'une imposition distincte des deux époux n'étaient pas réunies tant sur le terrain des dispositions du c de l'article 4 du code général des impôts que sur celui de la doctrine administrative DB 5 B-123 n° 41 à 43 du 1er septembre 1999 ; que les deux époux justifient d'une résidence séparée à compter du 1er août 2005 ; que Mme bénéficiait de revenus patrimoniaux suffisants pour faire l'objet d'une imposition distincte ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que l'imposition distincte prévue par le c du 4 de l'article 6 du code général des impôts est subordonnée à deux conditions cumulatives tendant, d'une part, à une rupture effective du foyer et, d'autre part, à la disposition par chacun des époux de revenus distincts ; que la preuve de la rupture effective du foyer à la date du 31 juillet 2005 n'est donc pas rapportée dès lors que l'existence de résidences séparées ne suffit à établir ni l'abandon définitif du domicile conjugal, ni que toute vie commune avait effectivement cessé entre eux ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 juin 2012, présenté pour M. et Mme tendant aux mêmes fins que la requête susvisée par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 septembre 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances tendant aux mêmes fins que le mémoire en défense susvisé par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2012 :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- les conclusions de M. Levy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant qu'au titre de l'année 2005, M. et Mme ont souscrit une déclaration des revenus commune pour la période du 1er janvier au 31 juillet avec une adresse commune à Sallanches puis deux déclarations séparées à compter du 1er août 2005, à l'adresse du ... pour M. et à l'adresse du ... pour Mme ; que, par proposition de rectification du 1er juillet 2008, l'administration fiscale a remis en cause les impositions séparées des époux à compter du 1er août 2005 et a établi une imposition commune pour toute l'année 2005, en l'absence de pièces justificatives d'une séparation de corps ou d'un divorce du couple ; qu'en réponse à la proposition de rectification, M. a fourni le 25 juillet 2008 une copie du contrat de bail pour l'appartement qu'il occupe depuis le 1er août 2005 au 1, rue de l'ancienne Mairie à Poisat et une copie de l'ordonnance de non- conciliation en date du 6 mars 2006, suite à la requête en divorce déposée en décembre 2005 ; que dans sa réponse aux observations du contribuable du 23 octobre 2008, l'administration fiscale a maintenu l'imposition commune des époux pour l'ensemble de l'année 2005 ; que les impositions supplémentaires consécutives à ces actes de procédure ont été mises en recouvrement le 30 avril 2009 pour un montant de 61 610 euros en ce qui concerne l'impôt sur le revenu et le 15 juillet 2009 pour un montant de 326 euros en ce qui concerne les contributions sociales ; que, par lettres des 7 et 9 juin 2009, M. et Mme ont contesté les rappels d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi mis à leur charge au titre de l'année 2005 ; que ces réclamations ont fait l'objet d'une décision de rejet en date du 3 décembre 2009 ; que M. et Mme ont alors saisi le Tribunal administratif de Grenoble par une demande enregistrée le 11 janvier 2010 sous le n° 0905758 ; que l'administration, après avoir remis en cause la souscription de déclarations séparées au titre de l'année 2005, a également estimé que l'imposition séparée n'était applicable qu'à compter de la date de l'ordonnance de non-conciliation du 6 mars 2006 ; que, par un courrier du 24 décembre 2009, M. et Mme ont également demandé le dégrèvement partiel, pour la période du 1er janvier 2006 au 1er mars 2006 de l'imposition établie au titre de 2006 ; que cette seconde réclamation a fait l'objet d'une décision de rejet le 5 mai 2010, l'administration estimant que la réclamation relative à l'imposition de 2006 était susceptible d'être accueillie favorablement après désistement pur et simple de l'instance relative aux impositions 2005 alors pendante devant le tribunal administratif et après justification des données chiffrées avancées ; que M. et Mme ont saisi le Tribunal administratif de Grenoble par une demande enregistrée le 18 mai 2010 sous le n° 1002050 ; que, par un premier jugement du 16 décembre 2010, le Tribunal a prononcé la décharge de l'imposition séparée de M. pour la période du 1er janvier au 1er mars 2006 et la réduction de l'imposition susmentionnée ; que, par un second jugement n° 0905758 du même jour, le Tribunal a rejeté la demande de décharge de l'imposition conjointe des époux pour la période du 1er août au 31 décembre 2005 en jugeant que les conditions d'une imposition distincte des époux n'étaient pas réunies ; que M. et Mme font appel de ce second jugement ;

Sur la charge et l'administration de la preuve :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 du code général des impôts : " 1. Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérés comme étant à sa charge au sens des articles 196 et 196 A bis. Les revenus perçus par les enfants réputés à charge égale de l'un et l'autre de leurs parents sont, sauf preuve contraire, réputés également partagés entre les parents. Sauf application des dispositions des 4 et 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge mentionnés au premier alinéa ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédée de la mention " Monsieur ou Madame ". (...) 4. Les époux font l'objet d'impositions distinctes : a. Lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit ; b. Lorsqu'étant en instance de séparation de corps ou de divorce, ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées ; c. Lorsqu'en cas d'abandon du domicile conjugal par l'un ou l'autre des époux, chacun dispose de revenus distincts. " ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque, dans les trois cas envisagés, les conditions prévues sont remplies, l'imposition distincte des époux est applicable de plein droit ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le contribuable marié doit, lorsqu'il entend bénéficier d'une imposition distincte, selon le régime applicable aux célibataires, des époux non séparés de biens et disposant de revenus distincts, apporter la preuve de la cessation de toute vie commune entre eux pendant l'année ou les années d'imposition concernées ; que, eu égard aux dispositions du premier alinéa de l'article 108 du code civil, tel que celui-ci résulte de la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975, selon lesquelles "le mari et la femme peuvent avoir des résidences séparées, sans qu'il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de vie", cette preuve ne peut résulter, en ce qui concerne les années d'imposition postérieures à 1975, de la seule existence de telles résidences séparées ; que la même preuve ne peut davantage découler de ce que la déclaration des revenus du couple n'a été faite que pour une partie de l'année tandis que l'autre partie a fait l'objet de deux déclarations ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

5. Considérant que si M. et Mme soutiennent qu'ils ont souscrit une déclaration des revenus commune pour la période du 1er janvier au 31 juillet 2005 avec une adresse commune à Sallanches, puis deux déclarations séparées à compter du 1er août 2005, cette triple déclaration est à elle seule insuffisante pour justifier d'impositions distinctes à compter du 1er août 2005 ; que s'il est soutenu également que M. avait quitté le domicile conjugal et s'il est produit une copie du contrat de bail pour l'appartement qu'il occupe depuis le 1er août 2005 au 1, rue de l'ancienne Mairie à Poisat, cette résidence séparée est à elle seule insuffisante pour établir la fin de la vie commune par abandon de domicile conjugal ;

6. Considérant, au surplus, qu'il est constant que Mme ne dispose pas de revenus autres que les sommes versées par M. et de la moitié des revenus fonciers et de capitaux mobiliers perçus par le couple en provenance de biens appartenant à la communauté ; que ces sommes ne constituent pas des revenus distincts ;

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :

7. Considérant que la doctrine administrative de base 5 B-123 énonce que : " 41 Les époux font l'objet d'impositions distinctes en cas d'abandon du domicile conjugal, par l'un ou l'autre des époux, si chacun dispose de revenus distincts (CGI, art. 6-4-c). L'imposition distincte est subordonnée à deux conditions qui doivent être remplies simultanément : - rupture du foyer ; - disposition de revenus distincts par chacun des époux. 1. Rupture du foyer. 42 L'habitation séparée des époux doit résulter d'une rupture effective du foyer et non de l'éloignement temporaire et accidentel des intéressés. C'est ainsi que n'a pu être imposée distinctement une femme mariée sans revenus personnels, qui n'était ni séparée de biens ni en instance de séparation de corps ou de divorce et qui disposait avec le consentement de son mari d'une résidence propre, mais n'avait pas abandonné le domicile conjugal où elle faisait d'ailleurs des séjours périodiques (CE, arrêt du 6 décembre 1948, n°s 93137 à 93139, RO, p. 105). De même, un contribuable n'a pu être regardé comme ayant abandonné le domicile conjugal du seul fait qu'il ne résidait plus depuis quelques années dans sa propriété où habitait son épouse. En l'espèce, l'époux se rendait fréquemment dans cette propriété pour en assurer la gestion et les époux, s'ils vivaient principalement chacun d'une activité professionnelle propre, avaient continué à agir de concert pour élever leurs enfants et pour gérer et accroître, par des acquisitions immobilières, leur patrimoine commun (CE, arrêt du 13 mai 1975, n° 78836, RJ, III, p. 97). 2. Revenus distincts. 43 Chacun des époux doit disposer de revenus distincts, c'est-à-dire de revenus professionnels ou patrimoniaux. À cet égard, il a été jugé que le fait pour la femme d'habiter un immeuble inclus dans la communauté ne permettait pas de la considérer comme disposant d'un revenu distinct justifiant son imposition séparée (CE, arrêt du 28 juin 1967, n° 69911). Par ailleurs, les sommes qu'un contribuable marié, mais ayant abandonné sa femme, verse à cette dernière en exécution de l'obligation de secours entre époux, qui découle des articles 212 à 214 du Code civil, ne constituent pas des revenus distincts de la femme. " ;

8. Considérant que cette doctrine ne comportant aucun interprétation de la loi fiscale différente de celle qui a été donnée ci-dessus, M. et Mme ne sont pas fondés à s'en prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ;

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens :

10. Considérant qu'en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de laisser les dépens à la charge de M. et Mme ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie tenue aux dépens, verse à M. et Mme la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Bernard et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

M. Bourrachot, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 décembre 2012 .

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N° 12LY00640


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00640
Date de la décision : 18/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-02-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Personnes physiques imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-12-18;12ly00640 ?
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