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18/12/2012 | FRANCE | N°11LY01624

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 18 décembre 2012, 11LY01624


Vu la requête enregistrée le 4 juillet 2011, présentée pour la commune d'Apremont, représentée par son maire en exercice, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800820 du tribunal administratif de Grenoble en date du 23 mai 2011, qui a annulé un arrêté du 31 décembre 2007, par lequel le maire de la commune d'Apremont a refusé de délivrer à M. Jean-François A et à Mme Valérie B un permis de construire, et l'a condamnée à lui verser une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter

la demande présentée par M. A et Mme B devant le tribunal administratif de Grenob...

Vu la requête enregistrée le 4 juillet 2011, présentée pour la commune d'Apremont, représentée par son maire en exercice, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800820 du tribunal administratif de Grenoble en date du 23 mai 2011, qui a annulé un arrêté du 31 décembre 2007, par lequel le maire de la commune d'Apremont a refusé de délivrer à M. Jean-François A et à Mme Valérie B un permis de construire, et l'a condamnée à lui verser une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A et Mme B devant le tribunal administratif de Grenoble ;

3°) de condamner M. A et Mme B à lui verser une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune d'Apremont soutient :

- que si les premiers juges ont considéré que l'article NCv-1 du règlement du plan d'occupation des sols n'a pas pour effet d'opérer une distinction selon les modes d'exploitation des terres, telle n'était pas la cause du refus, opposé par la décision en litige ; que, par une ordonnance n° 080822 du 7 avril 2008, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de suspension ;

- que le patrimoine désigné par cette disposition, est constitué des locaux accueillant le siège social et le lieu d'exercice de l'exploitation ; que l'aménagement des bâtiments d'habitation ne peut donc porter que sur la résidence principale de l'exploitant ; que le cellier dont l'aménagement faisait l'objet de la demande de permis de construire en litige, ne constitue pas un lieu de vie et d'habitation principale, les justifications à caractère fiscal apportées par le demandeur de première instance étant insuffisantes à cet égard ; que ce local, qui est utilisé comme entrepôt, est situé sur une parcelle n° 702, distante de plusieurs centaines de mètres de celle, cadastrée 1066, qui supporte le siège d'exploitation ; que le projet n'entrait donc pas dans les prévisions de cette disposition, la circonstance que le local soit attenant à la maison d'habitation principale, elle-même raccordée aux réseaux et desservie par une voie, étant sans incidence ; que le pétitionnaire entendait en réalité construire sur cette parcelle une seconde maison d'habitation ;

- que la superficie exploitée, de 17 ares et 48 centiares, inférieure à la superficie minimum d'exploitation, ne permettait pas de considérer le projet en litige comme nécessaire aux besoins d'une exploitation agricole ; que les motifs invoqués par le demandeur, tirés du caractère familial de son exploitation, de la qualité de sa production, égale à celle des grosses exploitations, quoique accueillis par le tribunal administratif, sont inopérants ; que l'affiliation à la mutualité sociale agricole ne constitue un critère ni nécessaire ni suffisant pour apprécier la qualité d'exploitant agricole ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 juillet 2011, présenté pour la commune d'Apremont, aux fins de produire la délibération du conseil municipal du 5 juillet 2011, autorisant le maire à défendre les intérêts de la commune devant la Cour ;

Vu la mise en demeure adressée le 1er janvier 2012 à M. A et Mme B en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 février 2012, présenté pour M. A et Mme B, qui concluent à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, en cas d'annulation du jugement, à ce qu'il soit enjoint à la commune de statuer dans le délai d'un mois sur leur demande de permis de construire sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, et à ce que la commune d'Apremont soit condamnée à leur verser une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- que M. A est affilié à la mutualité sociale agricole depuis le 1er janvier 1998 et depuis le 1er février 2007 en tant que chef d'exploitation ; que sa qualité d'exploitant viticole depuis trois générations, si elle ne justifie pas le dépôt d'une demande de permis de construire, démontre en revanche le lien de nécessité de la construction avec l'activité agricole ; que M. A cultive des parcelles d'une superficie de 1 hectare, 40 ares et 53 centiares ; que sa production annuelle de plus de 12 000 bouteilles est visée et validée par la commune d'Apremont elle-même ; que la qualité d'exploitant agricole est reconnue à celui qui exploite effectivement des terres et vend ses produits au marché ; que sa qualité de chef d'exploitation a été reconnue le 9 octobre 2007 par le directeur départemental de la forêt, dont l'avis s'analyse comme un avis favorable à sa demande de permis de construire ; que la proposition d'accord du permis de construire, transmise par le service instructeur au maire, démontre la compatibilité du projet avec les dispositions applicables en zone NCv ;

- que le maire a fondé son refus sur la primauté de l'exploitation viticole des pétitionnaires, alors que le plan d'occupation des sols n'institue aucune hiérarchie des exploitations à protéger ou à favoriser ; que la faible importance d'une propriété ne constitue pas un critère urbanistique ; que la protection de la viticulture, voulue par le plan d'occupation des sols, s'applique à tous les viticulteurs, y compris à ceux qui dirigent une petite exploitation ou exercent leur activité à temps partiel ; que les attestations de ses pairs témoignent de son attachement à la tradition viticole ; que, conformément à ces dispositions, il entend valoriser la promotion de son vin dans la partie de la construction destinée au cellier ; que le territoire viticole de la commune d'Apremont est partagé en 76 exploitations, dont 29 de petite taille, comme la sienne, toutes produisant un vin bénéficiant d'une inscription à l'Institut National des Appellations d'Origine ; que la réalisation du projet ne compromet en aucune manière la protection du terroir, à laquelle son exploitation concourt comme toutes les autres ; que son projet n'est pas contraire au caractère de la zone NC, tel qu'exposé dans le préambule du règlement ; que d'autres projets autrement plus importants ont d'ailleurs été autorisés en zone NCv ; que la décision de refus, motivée par le prétendu précédent que constituerait la délivrance du permis de construire qu'il avait sollicité est dès lors entachée d'erreur de droit, et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- que l'affectation du bâtiment à usage d'habitation et d'entrepôt correspond à la destination première de celui-ci, et est corroborée par ses équipements intérieurs ; qu'elle sert pour le repas des vendangeurs, est raccordée aux réseaux d'eau potable et d'électricité, et dispose d'une desserte routière ; que le bâtiment est recensé au cadastre sous les initiales " MA " (maison) et est assujetti à la taxe d'habitation ; que la commune d'Apremont qualifie à tort l'opération comme le changement de destination d'un cellier, sans rapport avec un lieu de vie et d'habitation principale ; que le bâtiment à réaménager et à étendre comprend une partie à usage d'habitation de 53 m² et une partie à usage des locaux techniques, de 85 m², conformément aux dispositions de l'article NC-1 du plan d'occupation des sols, et plus particulièrement à celles propres au secteur NCv ; que le bâtiment existant lui conférait le droit de voir sa demande acceptée ; que le projet ne provoquera la destruction que de quelques pieds de vigne, largement compensée par l'agrandissement des terres viticoles ; que la construction et l'extension projetées pour les exploitants agricoles et viticoles est bien limitée à une habitation par exploitation ; que les besoins liés au traitement et à la protection de la vigne lui imposent de disposer d'un local technique adapté au plus proche de son habitation, alors que son lieu de résidence habituel n'est situé ni à proximité de ses vignes, ni à la même altitude que ces dernières ; que le projet ne constitue pas une occupation du sol interdite par l'article NC-2 ;

- que, s'il interdit par principe tout changement de destination, le règlement de la zone NC autorise cependant les constructions liées à la pratique des activités de sport et de loisir, et contient à cet égard une contradiction ; qu'est illégale toute disposition interdisant dans une zone le changement d'usage d'un immeuble alors que ce changement est conforme à la destination de la zone elle-même ; qu'au regard des dispositions des articles L. 123-1 et R. 123-9 du code de l'urbanisme, la disposition interdisant par principe tout changement de destination de bâtiments en zone NC ne pouvait être légalement adoptée dans le cadre de la révision du plan d'occupation des sols, approuvée le 12 décembre 2001 ; que par suite, cette disposition ne pouvait lui être légalement opposée ;

- que la décision de refus porte également atteinte au principe, de valeur constitutionnelle, d'égalité devant la Loi ; que la politique de la commune ne vise qu'à défendre les intérêts des gros exploitants ; que le maire a accepté le 18 juillet 2008, dans la même zone NCv, un projet consistant, après démolition, en la " rénovation d'un corps de ferme ", dans lequel les propriétaires ne résidaient pas auparavant ; que l'opération ainsi autorisée porte la surface hors oeuvre nette à usage d'habitation à 224 m² , à comparer à celle de son projet, portée, après travaux, à 89 m² ; que cette autorisation ruine le motif invoqué par le maire de ne pas vouloir créer de précédent ;

- que les menaces d'actions en justice, exercées par le maire à l'encontre des services de l'Etat, au cas où ceux-ci adopteraient une position divergente de la sienne dénotent un acharnement à son encontre ; que l'avis émis par la commission d'urbanisme comporte une surcharge ; que le 6 juillet 2011, le maire de la commune d'Apremont a à nouveau rejeté la demande de permis de construire dont il restait saisi, suite à l'annulation de son refus par le tribunal administratif ; que l'ensemble de ces circonstances confirment la volonté de cet élu de s'opposer à son projet, traduisent ainsi un détournement de procédure ;

- que la Cour devra confirmer que le tribunal administratif était fondé à adresser un injonction au maire ; qu'au cas où la Cour prononcerait une injonction, celle-ci devrait imposer au maire de statuer dans le délai d'un mois sur la demande de permis de construire, et être assortie d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

Vu, enregistré le 15 novembre 2012, le mémoire en communication de pièces présenté pour la commune d'Apremont ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2012 :

- le rapport de M. Bézard, président ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de Me Beraldin, représentant la SCP Galliard et Associés, avocat de la commune d'Apremont, et celles de Me Boucherie, représentant l'Etude de Me Ballaloud, avocat de M. A et de Mlle B ;

1. Considérant que par un jugement du 23 mai 2011, le tribunal administratif de Grenoble a annulé un arrêté du 31 décembre 2007 par lequel le maire de la commune d'Apremont a refusé de délivrer à M. A et à Mme B l'autorisation d'aménager et d'étendre, sur des parcelles B 702 et B 703, leur appartenant, un bâtiment à usage d'habitation et d'entrepôt au motif que ce projet méconnaît les articles NCv-1 et 2 du règlement du plan d'occupation des sols ; que la commune d'Apremont relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité du refus du permis de construire opposé le 31 décembre 2007 :

2. Considérant que sont admises dans le secteur NC du règlement du plan d'occupation des sols de la commune d'Apremont : " La construction, l'aménagement et l'extension des bâtiments à vocation agricole ; la construction et l'extension de logement pour les exploitants agricoles et viticoles, limité à une habitation par exploitation " ; que ce même règlement applicable en secteur NCv dispose : " Pour les exploitants viticoles, l'aménagement des bâtiments d'habitation existants et leur extension non renouvelable, limitée à 50m² de surface hors oeuvre nette, sans changement de destination ; l'aménagement et l'extension non renouvelable limitée à 200 m² de surface hors oeuvre brute, des bâtiments conservant une vocation agricole et viticole " ;

3. Considérant que M. A exploite 1 ha 40 a 53 ca de vignes, produit pour la vente 12 000 bouteilles de vin et est affilié à la mutualité sociale agricole en qualité de chef d'exploitation ; ce qui lui confère la qualité d'exploitant viticole au sens des dispositions du plan local d'urbanisme, qui ne prévoit ni superficie minimale ni obligation d'être agriculteur à temps complet ; que, dans ces conditions, le maire d'Apremont ne pouvait légalement opposer aux intéressés, la circonstance que la primauté de l'exploitation viticole n'était pas avérée pour motiver le refus de permis de construire qui lui a été opposé le 31 décembre 2007 ;

4. Considérant que la décision litigieuse par la référence à l'avis défavorable émis par le maire le 4 octobre 2007 doit être regardée comme également fondée sur le motif tiré de ce que le projet de construction d'une habitation par M. A comporterait un changement de destination de la construction existante, qualifiée de " cellier " dans cet avis ;

5. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que la construction que M. A et Mme B épouse A envisagent de réhabiliter est située sur la parcelle cadastrée 702 où est domicilié le siège de l'exploitation et non sur une autre parcelle 1066 où ils habiteraient, comporte deux bâtiments accessibles par un chemin carossable, à savoir une partie habitation assujettie à la taxe d'habitation d'une superficie de 52,13 m² de surface hors oeuvre nette, qui est desservie par l'eau courante et l'électricité et comporte certains aménagements tels qu'un coin cuisine avec évier, poêle et une partie viticole d'une superficie de 81,52 m² ; qu'ainsi le maire d'Apremont ne pouvait légalement opposer à M. A et à Mme B épouse A le fait que leur demande de permis de construire comportait le changement de destination d'un cellier qui ne pouvait être regardé comme un lieu de vie et d'habitation principale ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Apremont n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le refus de permis de construire opposé par le maire à M. A et à Mme B épouse A le 31 décembre 2007 ;

Sur la demande de remboursement de la condamnation prononcée à l'encontre de la commune sur le fondement de l'article L. 761-1 en première instance :

7. Considérant que la commune d'Apremont étant partie perdante en première instance la condamnation prononcée à son encontre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le tribunal administratif de Grenoble ne peut qu'être confirmée dès lors qu'elle ne conteste cette condamnation que par voie de conséquence de l'annulation du jugement attaqué, lequel a été confirmé par la Cour ; que la demande présentée devant la Cour par la commune tendant au remboursement de cette condamnation ne peut qu'être rejetée ;

Sur les frais non compris dans les dépens de l'instance d'appel :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la commune d'Apremont, qui succombe dans l'instance puisse obtenir le remboursement des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la commune précitée à payer la somme globale de 1 500 euros à M. et Mme A sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 11LY01624 de la commune d'Apremont est rejetée.

Article 2 : La commune d'Apremont versera la somme globale de 1 500 euros à M. et Mme A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Apremont, à M. Jean-François A et à Mme Valérie B épouse A.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2012, à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président de chambre,

M. Bézard, président,

M. Zupan, président-assesseur.

Lu en audience publique, le 18 décembre 2012.

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N° 11LY01624


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY01624
Date de la décision : 18/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire. Légalité au regard de la réglementation locale.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: M. Alain BEZARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP GALLIARD et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-12-18;11ly01624 ?
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