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13/12/2012 | FRANCE | N°12LY00605

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 13 décembre 2012, 12LY00605


Vu la requête, enregistrée le 29 février 2012, présentée pour le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de Saint-François-Longchamp Montgellafrey, dont le siège est à la mairie de Saint-François Longchamp (73130), représenté par son président ;

Le SIVOM de Saint-François-Longchamp Montgellafrey demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802566 du 31 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a, à la demande de M. A, annulé l'arrêté du 11 janvier 2008 par lequel le préfet de la Savoie a déclaré d'utilité publique à s

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Vu la requête, enregistrée le 29 février 2012, présentée pour le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de Saint-François-Longchamp Montgellafrey, dont le siège est à la mairie de Saint-François Longchamp (73130), représenté par son président ;

Le SIVOM de Saint-François-Longchamp Montgellafrey demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802566 du 31 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a, à la demande de M. A, annulé l'arrêté du 11 janvier 2008 par lequel le préfet de la Savoie a déclaré d'utilité publique à son profit, le projet d'aménagement et de régularisation de l'emprise foncière de la zone du parking de la gare de départ du télésiège de la Lauzière, lieudit " la Grande Montagne " ;

2°) de mettre à la charge de M. A la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le SIVOM soutient que le jugement doit être annulé car le motif d'annulation retenu, tiré du défaut d'utilité publique, n'est pas fondé, dès lors que le Tribunal ne pouvait retenir l'allégation non étayée selon laquelle les gares de remontées mécaniques plus récentes n'auraient pas été acquises par le SIVOM, les ouvrages construits sur des propriétés privées ne peuvent faire l'objet de simples servitudes, le comportement de M. A a justifié une régularisation de l'emprise et les tractations amicales ont échoué, l'emprise expropriée est faible et n'engendre pas de préjudice significatif pour M. A ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mises en demeure adressées le 2 juillet 2012 au ministre de l'intérieur et à M. A, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 août 2012, présenté pour M. Michel A ;

M. A conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge du SIVOM de Saint-François-Longchamp Montgellafrey une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le Tribunal a rejeté à bon droit la fin de non-recevoir opposée par le syndicat intercommunal, tirée de la tardiveté de la requête et du défaut de qualité pour agir du mandataire ayant introduit son recours gracieux ;

- le motif d'annulation retenu par le jugement doit être confirmé, car il n'était pas indispensable que le SIVOM fasse l'acquisition de la propriété de la gare de remontée mécanique en cause, alors qu'il s'est abstenu de le faire pour d'autres équipements, l'exploitation s'étant déroulée pendant plusieurs années sans difficulté, le refus d'une cession à l'amiable étant imputable à l'absence de reprise des clauses prévues dans le protocole conclu avec la SAGLAT ; l'objectif unique du SIVOM était d'acquérir les terrains sans avoir à respecter les clauses contenues dans ce protocole ; la nécessité d'aménagement du parking et de l'aire de pique-nique n'est pas justifiée ;

- l'avis du commissaire enquêteur est insuffisamment motivé ;

- le projet porte une atteinte excessive à la propriété privée, la délibération du 29 août 2008 par laquelle le SIVOM lui confère un droit de passage sur une des parcelles expropriées ne pouvant être prise en compte pour apprécier cette atteinte.

Vu le mémoire, enregistré le 13 novembre 2012, par lequel le SIVOM de Saint-François-Longchamp Montgellafrey conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public,

- les observations de Me Bern, représentant le SIVOM de Saint-François- Longchamp Montgellafrey, et de Me Aldeguer, représentant M. A ;

1. Considérant que, par arrêté du 11 janvier 2008, le préfet de la Savoie a déclaré d'utilité publique, au profit du syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de Saint-François-Longchamp Montgellafrey, le projet d'aménagement et de régularisation de l'emprise foncière de la zone du parking de la gare de départ du télésiège de la Lauzière, lieudit " la Grande Montagne " ; que M. A, propriétaire des terrains concernés, a, par l'intermédiaire de M. B, formé un recours gracieux contre cet arrêté, par courrier du 18 mars 2008 ; que ce recours a été rejeté par décision expresse du 2 avril 2008 ; que, saisi du recours contentieux de M. A, le Tribunal administratif de Grenoble a, par le jugement attaqué, annulé l'arrêté portant déclaration d'utilité publique ;

Sur la légalité de l'acte en litige :

2. Considérant que le Tribunal a annulé la déclaration d'utilité publique au regard des avantages limités de l'opération, après avoir relevé, d'une part, que les installations de la gare de départ du télésiège de la Lauzière avaient été réalisées et fonctionnaient depuis plusieurs années et qu'il n'était pas établi que les sujétions s'attachant à l'entretien et au fonctionnement de ces installations nécessitaient une régularisation de l'emprise foncière, et, d'autre part, que les caractéristiques du site ne révélaient pas un besoin réel d'aménagement d'une zone de parking et de création d'une aire de pique-nique ;

3. Considérant toutefois que compte tenu de l'ambiguïté de la formulation de la servitude consentie par les propriétaires initiaux de la parcelle en cause au profit de la société anonyme Grand Longchamp et Aménagements Touristiques (SAGLAT) par acte notarié de 2006, et de l'absence de toute démonstration sur le fait que cette servitude pourrait bénéficier au SIVOM ou au nouvel exploitant du domaine skiable, cette servitude ne peut être regardée comme permettant l'exploitation de l'ouvrage, dans des conditions équivalentes à celles offertes par l'expropriation ; que, dans ces conditions, et alors que l'intérêt général de la station de remontée mécanique n'est pas contesté, l'acquisition de l'emprise concernée ne pouvait être regardée comme dépourvue d'utilité publique ;

4. Considérant par ailleurs que le réaménagement du parking existant et l'implantation de tables de pique-nique, eu égard à la vocation touristique des lieux, ne peuvent pas davantage, en absence de toute démonstration circonstanciée portant par exemple sur l'existence de tels équipements de dimension suffisante à proximité, être regardés comme ne présentant aucune utilité publique ;

5. Considérant que le SIVOM de Saint-François-Longchamp Montgellafrey est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a, pour annuler l'arrêté préfectoral du 11 janvier 2008, estimé que le projet était dépourvu d'utilité publique ;

6. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A ;

7. Considérant que M. Bernard Bourges, sous-préfet de l'arrondissement de Saint Jean de Maurienne, avait reçu, par arrêté préfectoral du 3 septembre 2007, délégation, notamment, pour signer " les arrêtés relatifs à la déclaration d'utilité publique correspondant à la phase administrative de la procédure d'expropriation en application des dispositions des articles L. 11-1 à L. 11-8, R. 11-1 à R. 11-30 et R. 12-1 et R. 12-2-1 du code de l'expropriation ", ce qui incluait la décision portant déclaration d'utilité publique mentionnée aux articles L. 11-2 et R. 11-2 de ce code ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-10 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Le commissaire enquêteur ou la commission examine les observations consignées ou annexées aux registres et entend toutes personnes qu'il paraît utile de consulter ainsi que l'expropriant s'il le demande. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête rédige des conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le rapport du commissaire enquêteur rend compte des observations émises par M. A et exprime un avis motivé sur le projet ; qu'alors même que ce dernier était l'unique propriétaire concerné, le commissaire enquêteur n'avait pas à répondre à chacune de ses objections ; que M. A ne peut utilement contester le bien-fondé de l'analyse développée par le commissaire enquêteur, car elle est sans incidence sur la légalité de l'arrêté portant déclaration d'utilité publique ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées ci-dessus doit, dès lors, être écarté ;

9. Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier, les inconvénients d'ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l'environnement, et l'atteinte éventuelle à d'autres intérêts publics qu'elle comporte, ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

10. Considérant que M. A allègue être privé de sa possibilité d'accéder depuis la route dite du col de la Madeleine, par un chemin carrossable, au reste de sa propriété, non exproprié, qui fait l'objet d'une exploitation agricole ; que, cependant, l'atteinte qui serait ainsi portée à son activité professionnelle, à la supposer établie, ne saurait être regardée comme excessive au regard de l'intérêt de l'opération en cause ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SIVOM de Saint-François-Longchamp Montgellafrey est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé l'acte contesté ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés non compris dans les dépens :

12. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de M. A doivent être rejetées ;

13. Considérant, en second lieu, que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner M. A à verser une somme au SIVOM de Saint-François-Longchamp Montgellafrey au titre des frais qu'il a exposés ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0802566 du Tribunal administratif de Grenoble du 31 janvier 2012 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions tendant au remboursement des frais non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par le syndicat intercommunal à vocation multiple de Saint-François-Longchamp Montgellafrey au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat intercommunal à vocation multiple de Saint-François-Longchamp Montgellafrey, à M. Michel A et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2012, où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- M. Dursapt et Mme Samson-Dye, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 13 décembre 2012.

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N° 12LY000605

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00605
Date de la décision : 13/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-01-01 Expropriation pour cause d'utilité publique. Notions générales. Notion d'utilité publique.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : SCP DENARIE - BUTTIN - BERN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-12-13;12ly00605 ?
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