Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 22 novembre 2011, la requête présentée pour la commune de Moirans (Isère), représentée par son maire en exercice ;
La commune de Moirans demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1000525 en date du 20 septembre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a, sur la demande de MM. et Mmes B, C, F, A, E et D, annulé la délibération du 19 novembre 2009 de son conseil municipal qui a autorisé le maire à procéder à l'échange sans soulte de la propriété communale du Vergeron contre la propriété " ", et lui a enjoint de prendre les mesures nécessaires à l'annulation de l'acte authentique du 21 avril 2010 dans un délai de deux mois ;
2°) de rejeter la demande présentée par MM. et Mme B, C, F, A, E et D ;
3°) de condamner MM. et Mmes B, C, F, A, E et D à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La commune de Moirans soutient qu'il s'agit d'un litige relatif à la gestion de son domaine privé, si bien que le Tribunal administratif aurait dû se déclarer incompétent ; que la demande, dépourvue de moyens, était irrecevable ; que la délibération en litige est justifiée par l'intérêt public ; que la différence de valeurs entre les biens échangés n'est pas établie ; qu'à supposer qu'elle existe, une telle transaction est possible si elle est justifiée par des motifs d'intérêt général, ce qui était le cas en l'espèce ; qu'il était opportun de réaliser la transaction au plus vite ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 27 février 2012, le mémoire en intervention présenté pour M. et Mme H, née Marie-Claire , qui concluent à l'annulation du jugement et demandent à la Cour de condamner les intimés à leur verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que le jugement est irrégulier, dès lors que la procédure ne leur a pas été communiquée alors qu'ils étaient intéressés à l'instance ; que l'échange était légalement possible dès lors que les revenus locatifs des propriétés échangées étaient équivalents ; que l'avis des domaines ne liait pas la commune ; qu'en tout état de cause des motifs d'intérêt général justifiaient la cession et celle-ci comportait des contreparties suffisantes ;
Vu, enregistré le 8 novembre 2012, le nouveau mémoire présenté pour la commune de Moirans, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et en outre par le moyen que les deux biens à l'origine du litige doivent être regardés comme étant de valeur similaire puisque, selon un rapport établi le 6 février 2012 par M. Amouroux, expert, la valeur vénale de l'immeuble " Le Vergeron " est de 260 000 euros, compte tenu d'une estimation par le revenu à 236 019 euros et par comparaison à 280 816 euros, et celle de l'immeuble de 215 000 euros, compte tenu d'une estimation par le revenu à 207 800 euros et par comparaison à 222 200 euros ;
Vu, enregistré le 13 novembre 2012, le mémoire présenté pour MM. B, F et E et pour Mmes A et D, qui concluent au rejet de la requête et demandent à la Cour de mettre à la charge de la commune de Moirans une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par les moyens que la requête est dépourvue de moyens à l'encontre du jugement attaqué et, dès lors, irrecevable ; que les moyens invoqués ne sont pas fondés ; qu'il n'y avait aucune urgence à faire l'échange en litige ;
Vu, enregistré le 14 novembre 2012, le mémoire présenté pour M. Jean et Mme Marie-Claire , épouse I, qui concluent à l'annulation du jugement et demandent à la cour de condamner les intimés à leur verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que le jugement est irrégulier, dès lors que la procédure ne leur a pas été communiquée alors qu'ils étaient intéressés à l'instance ; que l'échange était légalement possible dès lors que les revenus locatifs des propriétés échangées étaient équivalents ; que l'avis des domaines ne liait pas la commune ; qu'en tout état de cause des motifs d'intérêt général justifiaient la cession et celle-ci comportait des contreparties suffisantes ;
Vu, enregistré le 16 novembre 2012, le nouveau mémoire présenté pour la commune de Moirans, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et en outre par le moyen que sa requête, qui ne se borne pas à reprendre les moyens invoqués en première instance, est recevable ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2012 :
- le rapport de M. du Besset, président de chambre ;
- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;
- et les observations de Me Harel, représentant la commune de Moirans, et de Me Goarant, représentant M. et Mme I et M. ;
Vu, enregistrée le 22 novembre 2012, la note en délibéré présentée pour la commune de Moirans ;
1. Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du 19 novembre 2009, par laquelle le conseil municipal de Moirans (Isère) a autorisé le maire à procéder à l'échange sans soulte de la propriété communale du Vergeron contre la propriété " " ;
Sur l'intervention de M. et Mme H et de M. :
2. Considérant que M. et Mme H et M. ont intérêt à l'annulation du jugement attaqué ; qu'ainsi leur intervention est recevable ;
Sur la régularité du jugement :
3. Considérant qu'alors même qu'elle concerne un échange de propriétés la délibération en litige doit être regardée comme approuvant à la fois un projet d'aliénation d'une partie du domaine privé de la commune et un projet d'acquisition ; qu'elle affecte ainsi le périmètre et la consistance de ce domaine ; que, dans ces conditions, cette délibération, eu égard à cet objet, ne saurait être regardée comme constituant un simple acte de gestion du domaine privé de la commune ; que, dès lors, la juridiction administrative est compétente pour en connaître ;
4. Considérant que la circonstance que la demande de MM. et Mmes B, C, F, A, E et D tendant à l'annulation de la délibération du 19 novembre 2009 n'ait pas été communiquée à M. et Mme H et à M. est sans influence sur la régularité du jugement, le Tribunal n'étant pas tenu de procéder à une telle communication ;
5. Considérant que, dans leur demande présentée devant le Tribunal administratif, MM. et Mmes B, C, F, A, E et D soutenaient notamment que, l'échange prévu par la délibération en litige ayant un caractère disproportionné, celle-ci favorisait un propriétaire privé au détriment des contribuables communaux ; qu'ainsi, alors même que cette demande n'invoquait pas la méconnaissance d'un texte législatif ou réglementaire, elle comportait au moins un moyen ; qu'elle était ainsi recevable au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, le Tribunal a pu y faire droit sans entacher son jugement d'irrégularité ;
Sur la légalité de la délibération du 19 novembre 2009 :
6. Considérant que, comme l'ont rappelé les premiers juges, une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé, sauf lorsqu'une telle cession est justifiée par des motifs d'intérêt général et comporte des contreparties suffisantes ;
7. Considérant que, selon les avis donnés par le service des domaines respectivement en octobre 2008 et avril 2009 la valeur vénale de la propriété communale du Vergeron serait de 520 000 euros et celle de la propriété " " de 236 000 euros environ ;
8. Considérant que, contestant ces avis, la commune se prévaut d'une étude effectuée en février 2012 et selon laquelle la valeur vénale de la première serait de 260 000 euros et celle de la seconde de 215 000 euros ;
9. Considérant toutefois que l'auteur de cette étude à la fois, dans ses estimations " par comparaison ", pratique un abattement " immeuble occupé " de 40 % pour la propriété communale et de 20 % seulement pour la propriété " " à raison du montant des loyers moins élevé, au regard des prix du marché, dans l'une que dans l'autre, et fait la moyenne entre ces estimations " par comparaison " et des estimations " par le revenu " ; qu'il prend ainsi deux fois en compte le fait que les occupants de l'immeuble communal bénéficiaient de loyers " sociaux ", alors qu'il ressort des pièces du dossier que ces loyers pouvaient être revus à la hausse après le transfert de propriété projeté ; qu'ainsi cette étude ne peut suffire à remettre substantiellement en cause les avis du service des domaines ; que, dans ces conditions, il peut être estimé que la valeur vénale de la propriété " " est au plus égale à la moitié de celle de la propriété communale du Vergeron ;
10. Considérant qu'en admettant même que l'opération puisse être regardée comme justifiée par des motifs d'intérêt général, la seule acceptation par les vendeurs de la propriété " " de ne pas renouveler les contrats de location relatifs à leur immeuble ne peut être regardée comme constituant une contrepartie suffisante à l'échange en litige, consenti sans soulte alors même qu'ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit au point 9, la valeur de leur propriété était très inférieure à celle de la propriété communale ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Moirans n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du 19 novembre 2009 ;
Sur les conclusions présentées au titre des frais non compris dans les dépens :
12. Considérant que, d'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de MM. et Mmes B, C, F, A, E et D, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance ; que, d'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, en application de ces dispositions, une somme à la charge de la commune de Moirans au titre des frais exposés par MM. et Mmes B, C, F, A, E et D ;
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de M. et Mme H et de M. est admise.
Article 2 : La requête de la commune de Moirans est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. et Mme H et M. et par MM. et Mmes B, C, F, A, E et D au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Moirans, à MM. et Mmes René B, Pascale C, Gilbert F, Christine A, Jean-Claude E et Marie-Christine D, à M. et Mme H, à M. et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2012, où siégeaient :
- M. du Besset, président de chambre,
- M Dursapt et Mme Samson-Dye, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2012.
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N° 11LY02787
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