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04/12/2012 | FRANCE | N°12LY01563

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2012, 12LY01563


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 juin 2012, présentée pour Mme Esther épouse , domiciliée ... ;

Mme épouse demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1104440 - 1107823 du 13 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet de la Loire rejetant sa demande en date du 16 avril 2010 de délivrance d'un titre de séjour et de l'arrêté dudit préfet de la Loire en date du 14 octobre 2011 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligati

on de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) d'a...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 juin 2012, présentée pour Mme Esther épouse , domiciliée ... ;

Mme épouse demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1104440 - 1107823 du 13 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet de la Loire rejetant sa demande en date du 16 avril 2010 de délivrance d'un titre de séjour et de l'arrêté dudit préfet de la Loire en date du 14 octobre 2011 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) de faire injonction au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour lui de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Mme épouse soutient que :

- le refus de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur de droit en raison de l'absence d'examen particulier de sa situation et de ce que le préfet s'est estimé en situation de compétence liée, cette erreur de droit étant révélée par l'absence totale de motivation de cette décision ;

- l'obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations des articles 8 et 12 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 19 septembre 2012 fixant la clôture d'instruction au 12 octobre 2012, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signé à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 ;

Vu la décision du 25 avril 2012 accordant à Mme épouse A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2012 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller,

- les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme épouse , ressortissante kenyane née le 30 mai 1979, a déclaré être entrée en France en 2006 ; qu'elle a bénéficié d'une carte de séjour visiteur ; qu'elle a sollicité le 28 mai 2008 le renouvellement de ce titre de séjour ou la délivrance d'un tel titre " vie privée et familiale " au regard de ses liens personnels et familiaux en France ; qu'elle a sollicité ensuite le 16 avril 2010 la délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ; qu'elle a demandé au Tribunal administratif de Lyon l'annulation de la décision née du silence gardé par le préfet de la Loire sur cette dernière demande de titre de séjour ; que le préfet a ensuite, par un arrêté en date du 14 octobre 2011, refusé de lui accorder le renouvellement de son titre de séjour " visiteur " prévu à l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de sa seconde demande et au regard de ses liens personnels et familiaux, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que la requérante a également demandé au tribunal l'annulation de cet arrêté ; que Mme épouse relève appel du jugement du 13 mars 2012 par lequel, après avoir estimé que cette décision expresse de refus s'était substituée à la décision implicite rejet, que ces deux demandes avaient le même objet et qu'il y avait lieu à statuer par un seul jugement, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes d'annulation ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant que Mme épouse soutient qu'elle réside en France depuis 2006, qu'elle s'est mariée avec un ressortissant ivoirien le 3 mai 2008 avec lequel elle a eu une enfant née le 23 septembre 2008, qu'ils sont bien intégrés dans la société française, que son époux a travaillé en 2009 et payé ses impôts et est titulaire d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée en qualité de plongeur ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que la requérante a vécu avant son arrivée en France au Kenya où réside encore sa fille née en 2000 ; que son mariage avec M. , qui a fait l'objet également d'un refus de titre assorti d'une obligation de quitter le territoire, est relativement récent ; que la requérante n'apporte aucun élément concernant l'emploi que son époux aurait occupé en 2009 ; que les pièces produites par l'intéressée, notamment deux attestations de proches, des attestations de formation civique et de compétence linguistique, des attestations concernant son implication pour apprendre le français ainsi que dans des actions caritatives religieuses, ne suffisent à établir l'existence de liens d'une intensité telle que le centre de ses intérêts privés et familiaux devrait être regardé comme situé en France ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le refus de séjour ne porte pas au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le préfet n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des mentions portées sur l'arrêté litigieux, que le préfet se serait estimé tenu d'assortir son refus de titre d'une obligation de quitter le territoire ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que compte tenu des circonstances de l'espèce sus-décrites, et alors que la circonstance que la requérante et son époux sont de deux nationalités distinctes est sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, seules les décisions fixant le pays de destination pouvant être contestées au motif qu'il existerait, du fait de la différence de nationalité, un risque de séparation du couple dans deux pays distincts, et qu'il n'est pas établi qu'elle serait dans l'impossibilité de reconstituer le centre de sa vie privée et familiale avec son époux et leur enfant en dehors de la France et notamment en Côte d'Ivoire pays dont son mari a la nationalité, cette décision portant obligation de quitter le territoire n'a pas porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant, en troisième lieu, que l'obligation de quitter le territoire n'a pu méconnaître les stipulations de l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont il résulte que l'homme et la femme d'âge nubile ont le droit de se marier et de fonder une famille, alors que cette décision n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire aux requérants, qui sont déjà mariés, de fonder une famille et que, comme il a été dit ci-dessus, il n'est pas établi que sa famille ne pourrait vivre ensemble hors de France ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'exécution de la décision attaquée aurait pour effet de priver la fille de la requérante de ses parents ou de l'un d'entre eux alors qu'il n'est pas établi, comme il a été dit ci-dessus, que la famille serait dans l'impossibilité de reconstituer le centre de leur vie privée et familiale en dehors de la France et notamment en Côte d'Ivoire ; que, eu égard aux circonstances de l'espèce énoncées ci-dessus, et au très jeune âge de l'enfant, l'obligation de quitter le territoire n'a pas porté une atteinte à l'intérêt supérieur de cette enfant et n'a pas ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme épouse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme épouse est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Esther épouse et au ministre de l'intérieur. Copie sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

M. Bourrachot, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 décembre 2012.

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N° 12LY01563


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01563
Date de la décision : 04/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : VALENTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-12-04;12ly01563 ?
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