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27/11/2012 | FRANCE | N°12LY00200

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 27 novembre 2012, 12LY00200


Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2012, présentée pour M. , demeurant ...;

M. Vigneron demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901710 en date du 8 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 58 081 euros assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la première demande en réparation du préjudice résultant de la discrimination indirecte instituée par la nouvelle rédaction des articles L. 12 et R. 37 du code des pensions civ

iles et militaires de retraite ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme...

Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2012, présentée pour M. , demeurant ...;

M. Vigneron demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901710 en date du 8 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 58 081 euros assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la première demande en réparation du préjudice résultant de la discrimination indirecte instituée par la nouvelle rédaction des articles L. 12 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 41 894 euros au titre de bonifications capitalisées, 6 187 euros au titre du rappel sur pensions, 5 000 euros au titre de son préjudice moral et 5 000 euros au titre des frais de défense, sommes assorties des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la première demande ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la conformité de ces textes avec l'article 141 du Traité instituant la Communauté européenne et l'accord sur la politique sociale ;

4°) de mettre à la charge de la l'Etat, la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement contesté a été rendu indiquant à tort relever de l'article R. 222-2 du code de justice administrative et non de l'article R. 222-13 2° ; que la Cour d'appel de Lyon est donc compétente ;

- le requérant a vu sa pension liquidée le 6 février 2005 sans bonification pour enfants dès lors que la loi française n'accorde le bénéfice de cette bonification que si une période d'interruption d'activité est intervenue pour la naissance de chacun des enfants ; qu'une telle période d'interruption ne pouvait être prise par les fonctionnaires masculins avant 1985 pour la fonction publique d'Etat et 1986 pour les autres fonctions publiques en absence de congé parental accordé aux hommes ;

- le jugement attaqué a fait une application erronée de la jurisprudence européenne alors que le code des pensions civiles et militaires conduit à une discrimination indirecte entre hommes et femmes ; la condition d'interruption d'activité de plus de deux mois pour la naissance des trois enfants de chaque fonctionnaire masculin aboutit à une discrimination indirecte prohibée par l'article 141 du Traité sur l'Union européenne et des directives d'application ; que cette discrimination est contraire à l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et à l'article 1er de son protocole additionnel ;

- la compensation invoquée en faveur des femmes ne peut être utilement invoquée dès lors que leur pension de retraite reste inférieure à celle des hommes ; que la jurisprudence européenne prohibe une telle compensation ; que la directive 2006/54 prohibe également cette compensation ;

- la discrimination indirecte est établie par les positions prises sur le sujet par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et la position de la Commission européenne dans la procédure d'infraction qu'elle a ouverte en 2004 suite aux modifications législatives intervenues ;

- la Cour de cassation a retenu une discrimination indirecte sur la base de la convention européenne des droits de l'homme ;

- la modification législative de la loi de finances rectificative de décembre 2004 s'applique rétroactivement à des situations définitivement liées alors même que certains fonctionnaires ne pouvaient avoir bénéficié du congé parental institué en 1985 ;

- une question préjudicielle doit être posée sur la conformité des nouveaux articles L. 12 et R. 37 du code des pensions au droit de l'Union européenne ;

- le régime des bonifications pour enfants de la loi n° 2009-1646 constitue une nouvelle discrimination ; que la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat sur cette bonification est contraire au droit de l'Union et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 juin 2012, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient que :

- le jugement n'a pas été rendu par une formation à juge unique ;

- les dispositions de l'article L. 12 du code des pensions n'ont pas été censurées par les juridictions communautaires ; que le Conseil d'Etat a admis la conformité de la nouvelle rédaction de l'article au droit communautaire ; que la responsabilité de l'Etat ne peut être retenue ;

- la bonification n'opère pas de discrimination indirecte ; que la circonstance que la bonification bénéficie à une proportion plus importante de femmes que d'hommes est la conséquence de la différence de situation entre les deux sexes au regard du congé de maternité et que cette différence de traitement est conforme au droit communautaire ; que la réforme n'a pas eu d'effet rétroactif dès lors que le régime de retraite des fonctionnaires ne résulte pas de droits acquis mais d'une situation légale statutaire ; que le fonctionnaire n'acquiert des droits qu'à compter de la liquidation de sa pension ; que la situation juridique du requérant à l'égard de ses droits à pension n'était constituée que lors de la liquidation de sa pension ; qu'en vertu de la nouvelle rédaction de l'article L. 12 et de l'article R. 37, le requérant ne satisfaisant pas les conditions d'interruption d'activité, il ne bénéficiait pas de la bonification ;

- la demande de question préjudicielle n'est pas utile dès lors que le Conseil d'Etat a jugé conforme au droit de l'Union la nouvelle rédaction de l'article L. 12 ;

Vu les observations, enregistrées le 20 juin 2012, présentées par le ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le requérant n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L. 24 du code des pensions, il s'est vu refuser le bénéfice d'une pension au cours de l'année 2004 ; que le tribunal administratif lui ayant donné gain de cause par décision du 29 juillet 2004, il a été admis à la retraite ;

- le requérant n'apporte pas la preuve d'un préjudice moral ;

- il a été radié des cadres le 5 décembre 2004 ; que le dommage invoqué n'est ni spécial ni grave et qu'il est au nombre des aléas que la victime doit normalement assumer ; que les dispositions législatives appliquées sont conformes aux engagements internationaux de la France ;

Vu le mémoire enregistré le 27 juin 2012, présenté pour M. , qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- le Conseil d'Etat n'avait pas compétence pour interpréter le Traité sur l'Union européenne et devait soumettre une question préjudicielle ;

- les directives 97/80 et 2006/54 étaient applicables et le renversement de la charge de la preuve n'a pas été pris en compte par le Conseil d'Etat ;

- le législateur était conscient de l'interprétation restrictive qu'il convenait de donner aux possibilités de donner des avantages spécifiques aux femmes ;

- la nouvelle législation adoptée ne rétablissant pas l'égalité de traitement, elle ne peut être opposée de façon rétroactive au requérant ;

- l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Bordeaux du 29 décembre 2011 fait l'objet d'un recours au Conseil d'Etat et il convient de surseoir à statuer en attente de l'arrêt de la haute juridiction ;

Vu l'ordonnance, en date du 18 juin 2012, fixant la clôture de l'instruction au 16 juillet 2012, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 novembre 2012, présentée pour M. ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2012 :

- le rapport de M. Clément, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

- les observations de Me Madignier, avocat de M. Vigneron ;

1. Considérant que M. fait appel du jugement en date du 8 décembre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande d'indemnisation en date du 29 octobre 2009 adressée aux ministres de la fonction publique et au ministre de la justice ;

2. Considérant qu'il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, combinées avec celles du 3° de l'article R. 222-13 du même code, que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort dans les litiges en matière de pensions, sauf pour les recours comportant des conclusions tendant au versement ou à la décharge de sommes supérieures au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; que l'article R. 222-14 fixe ce montant à 10 000 euros ; que l'article R. 222-15 précise que ce montant est déterminé par la valeur totale des sommes demandées dans la requête introductive d'instance et que les demandes d'intérêts et celles présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont sans effet sur sa détermination ;

3. Considérant que la demande de M. Vigneron tendant à ce que l'Etat lui verse une indemnité correspondant à la revalorisation sollicitée de sa pension, en réparation du préjudice que la privation de cette somme constitue pour lui a le même objet que les conclusions pécuniaires tendant à la révision de sa pension ; que dès lors, quelle que soit l'étendue des obligations qui pèseraient sur l'administration au cas où le tribunal y ferait droit, une telle demande ne peut, par sa nature même, être regardée comme comportant des conclusions tendant au versement de sommes au sens du deuxième alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative ; que, par suite, cette demande n'entre dans le champ d'aucune exception à la règle suivant laquelle le tribunal administratif statue en dernier ressort sur les litiges en matière de pensions ; que, d'autre part, les conclusions indemnitaires présentées par M. Vigneron devant le tribunal administratif sont chiffrées à 5 000 euros au titre du préjudice moral et 5 000 euros au titre des frais de défense, soit une somme n'excédant pas 10 000 euros ; que, par suite, la requête de M. Vigneron tendant à l'annulation du jugement n° 0901710 du 8 décembre 2011 du Tribunal administratif de Dijon a le caractère d'un pourvoi en cassation relevant de la compétence du Conseil d'Etat ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que le dossier de la requête doit être transmis au Conseil d'Etat ;

DECIDE :

Article 1er : Le dossier de la requête de M. Vigneron est transmis au Conseil d'Etat.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. , au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Tallec, président de chambre,

M. Rabaté, président-assesseur,

M. Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 novembre 2012.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00200
Date de la décision : 27/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

48-02-02-03-02-01 Pensions. Pensions civiles et militaires de retraite. Pensions civiles. Liquidation de la pension. Services pris en compte. Bonifications.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Marc CLEMENT
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : MADIGNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-11-27;12ly00200 ?
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