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07/11/2012 | FRANCE | N°11LY02969

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 07 novembre 2012, 11LY02969


Vu la requête enregistrée le 19 décembre 2011, présentée pour M. Olivier A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0901165 du 18 octobre 2011 du Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il limite à un montant de 8 754,82 euros la condamnation de la commune de Saint-Gervais-les-Bains qu'il prononce au titre du règlement financier du marché de maîtrise d'oeuvre dont il était titulaire ;

2°) de condamner la commune de Saint-Gervais-les-Bains à lui verser la somme de 115 907,87 euros toutes charges comprises, ainsi que l

es intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2007, capitalisables à compter...

Vu la requête enregistrée le 19 décembre 2011, présentée pour M. Olivier A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0901165 du 18 octobre 2011 du Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il limite à un montant de 8 754,82 euros la condamnation de la commune de Saint-Gervais-les-Bains qu'il prononce au titre du règlement financier du marché de maîtrise d'oeuvre dont il était titulaire ;

2°) de condamner la commune de Saint-Gervais-les-Bains à lui verser la somme de 115 907,87 euros toutes charges comprises, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2007, capitalisables à compter du 6 mars 2009 ;

Le requérant soutient :

- que c'est à tort que le Tribunal a rejeté sa demande d'indemnisation de la prolongation de sa mission, car les prestations en cause étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art et consécutives à des sujétions imprévues et, résultent de manquements de la commune dans l'exercice de ses relations contractuelles avec les entrepreneurs ;

- que c'est à tort que le Tribunal a rejeté sa demande indemnitaire relative à la réalisation de l'avant-projet sommaire, dans la mesure où il a été contraint de réaliser cette prestation, alors même qu'elle ne figurait pas dans le marché de maîtrise d'oeuvre ;

- que c'est à tort que le tribunal a refusé d'indemniser ses frais supplémentaires d'assurance, car les coûts de la surprime générée par la résiliation ne pouvaient être intégrés dans le marché de maîtrise d'oeuvre ;

- que c'est à tort que le Tribunal a limité l'indemnisation au titre du manque à gagner en faisant application du cahier des clauses administratives générales, car le marché en cause comportait une clause indemnitaire particulière ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 5 avril 2012, présenté pour la commune de Saint-Gervais-les-Bains (74170) ;

La commune de Saint-Gervais-les-Bains conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de M. A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune fait valoir que :

- le requérant n'est pas fondé à demander l'indemnisation de la réalisation de l'avant-projet sommaire, dès lors que cette mission a pu légalement ne pas être incluse dans les prestations prévues par le marché de maîtrise d'oeuvre, que M. A s'est vu remettre l'avant-projet sommaire qui avait été réalisé, et que l'avenant signé le 25 novembre 2005 n'a pas ajouté cette mission ;

- le requérant ne peut être indemnisé au titre de l'allongement de la durée du marché, dont les prix sont forfaitaires, faute de démontrer que la prolongation du chantier a occasionné des travaux supplémentaires nécessaires pour mener à bonne fin les travaux et la réfection de l'ouvrage, et alors que l'allongement des travaux n'est pas imputable à la commune ;

- les frais supplémentaires d'assurance ne sauraient être indemnisés, car ils ne résultent pas de la fin prématurée de sa mission et visent à réparer un préjudice éventuel ;

- le requérant ne peut contester la somme accordée par le Tribunal dans l'article 1er du jugement attaqué, dont il demande la confirmation ; à titre subsidiaire, aucune somme complémentaire ne peut être mise à sa charge car l'absence de précision de la clause du marché de maîtrise d'oeuvre renvoie implicitement mais nécessairement au cahier des clauses administratives générales ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 octobre 2012, par lequel M. A conclut aux mêmes fins que sa requête et demande en outre à la Cour de mettre à la charge de la commune de Saint-Gervais-les-Bains une somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

M. A reprend les moyens précédemment développés ;

Vu le mémoire, enregistré par le 12 octobre 2012, non communiqué, par lequel la commune de Saint-Gervais les Bains conclut aux mêmes fins que précédemment, ainsi qu'au rejet des conclusions de M. A relatives aux frais non compris dans les dépens, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

Vu le décret n° 93-1268 du 29 décembre 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

- et les observations de Me Cano, représentant M. A, et de Me Bosquet, représentant la commune de Saint-Gervais-les-Bains ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Saint-Gervais-les-Bains a confié à un groupement, dont faisait partie M. A, la maîtrise d'oeuvre de la restauration de l'église de Saint-Nicolas-de-Véroce, par un marché conclu le 3 mai 2004 ; que les travaux portant sur cette église, qui a été classée au titre des monuments historiques le 24 avril 2006, ont bénéficié d'une subvention de l'Etat à ce titre ; qu'après que M. A eut indiqué que cette circonstance faisait obstacle à ce qu'il conservât la maîtrise d'oeuvre de ce projet, la commune a indiqué que cette reconnaissance de l'impossibilité d'exécution du contrat mettait fin à la relation contractuelle, par courrier du 9 octobre 2007 ; qu'une convention de résiliation a été proposée par la commune, fondée sur le " désistement " du cocontractant ; que cette convention n'ayant pas été avalisée par M. A, la commune a établi le décompte général du marché le 16 septembre 2008, en fixant le solde à 20 040,92 euros toutes taxes comprises, en faveur de M. A ; que celui-ci a présenté un mémoire en réclamation le 6 novembre 2008 ; qu'il a formé un recours indemnitaire, demandant la condamnation de la commune à lui payer la somme de 115 907,87 euros au titre du solde du marché ; que, par jugement du 18 octobre 2011, le Tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune à lui verser à ce titre la somme de 8 754,82 euros toutes taxes comprises, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ; que M. A demande la réformation de ce jugement, en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions indemnitaires ;

2. Considérant qu'ainsi que l'a estimé le premier juge, la résiliation du marché est seulement justifiée par un motif d'intérêt général ; que, par suite, la résiliation du marché ouvre droit, pour M. A, à la rémunération des prestations effectuées et à l'indemnisation du manque à gagner découlant de la fin anticipée de ce marché ;

En ce qui concerne les prestations effectuées en application du marché :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre : " la mission de maîtrise d'oeuvre donne lieu à une rémunération forfaitaire fixée contractuellement. Le montant de cette rémunération tient compte de l'étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux " ; qu'aux termes de l'article 30 du décret du 29 décembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé : " Le contrat de maîtrise d'oeuvre précise, d'une part, les modalités selon lesquelles est arrêté le coût prévisionnel assorti d'un seuil de tolérance, sur lesquels s'engage le maître d'oeuvre, et, d'autre part, les conséquences, pour celui-ci, des engagements souscrits. (...) En cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître de l'ouvrage, le contrat de maîtrise d'oeuvre fait l'objet d'un avenant qui arrête le programme modifié et le coût prévisionnel des travaux concernés par cette modification, et adapte en conséquence la rémunération du maître d'oeuvre et les modalités de son engagement sur le coût prévisionnel " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le titulaire d'un contrat de maîtrise d'oeuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l'ensemble de ses charges et missions, ainsi que le bénéfice qu'il en escompte et que seules une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage, peuvent donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération ; que la prolongation de sa mission n'est de nature à justifier une rémunération supplémentaire du maître d'oeuvre que si elle a donné lieu à des modifications de programme ou de prestations décidées par le maître d'ouvrage ; qu'en outre, le maître d'oeuvre ayant effectué des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d'oeuvre et qui n'ont pas été décidées par le maître d'ouvrage, a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations, nonobstant le caractère forfaitaire du prix fixé par le marché si elles ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art ou, s'il a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues ;

5. Considérant, d'une part, que M. A demande à être indemnisé du fait du prolongement de sa mission ; que, contrairement à ce qu'il allègue, il ne résulte pas de l'instruction que cette prolongation, occasionnée par le retard des entrepreneurs, découlerait d'une modification de programme ou de prestation décidée par le maître d'ouvrage ; que le requérant ne peut utilement invoquer l'abstention de la commune à imposer des pénalités de retard aux entrepreneurs, dès lors que cette circonstance, qui ne présente pas de caractère exceptionnel ou imprévisible, ne caractérise pas des sujétions imprévues ;

6. Considérant, d'autre part, que le requérant sollicite une rémunération supplémentaire pour la réalisation de l'avant-projet sommaire (ci-après APS), qu'il allègue avoir été contraint de réaliser alors que le marché de maîtrise d'oeuvre ne lui avait confié que la réalisation de l'avant-projet détaillé et les missions subséquentes ; que, cependant, il ne résulte pas de l'instruction que M. A ait été contraint de réaliser un document pouvant être assimilé à celui relevant de la mission APS ; que le requérant ne démontre pas que les documents qu'il a été amené à réaliser excédaient les évolutions et approfondissements susceptibles d'intervenir entre les stades APS et APD ; que ces documents ne peuvent, dès lors, être regardés comme correspondant à une prestation complémentaire indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ;

En ce qui concerne l'assurance complémentaire :

7. Considérant que M. A soutient qu'il a souscrit un supplément d'assurance, pour 10 %, par crainte de voir sa responsabilité engagée du fait d'opérations de réception de travaux auxquelles il n'a pu participer du fait de la résiliation du marché de maîtrise d'oeuvre dont il était titulaire ;

8. Considérant que, cependant, les documents qu'il produit sur ce point ne permettent pas d'établir l'existence et le montant d'un surcoût d'assurance, par rapport au montant d'assurance initial, qui était inclus dans le prix forfaitaire ; qu'à supposer même au demeurant qu'un complément d'assurance ait été souscrit, le requérant ne démontre pas que cette dépense était une conséquence nécessaire de la résiliation du marché de maîtrise d'oeuvre ;

En ce qui concerne le manque à gagner :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le contrat conclu entre la commune de Saint-Gervais-les-Bains et M. A se réfère au cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, dont il ressort, aux termes de l'article 36-2, que, sauf stipulation contraire, le titulaire du marché a droit, en cas de résiliation fondée sur un motif d'intérêt général, à " une somme forfaitaire calculée en appliquant au montant hors T.V.A. non révisé, de la partie résiliée du marché, un pourcentage fixé par le marché, ou, à défaut, égal à 4 %. " ;

10. Considérant que le marché en cause, qui ne comportait pas de stipulation contraire à celle de l'article 36-2 du CCAG-PI, ne fixait aucun pourcentage à ce titre ; que, par suite, contrairement à ce que soutient M. A, il avait seulement droit, en indemnisation de son manque à gagner, à une somme forfaitaire égale à 4 % du montant hors TVA de la partie résiliée du marché ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté le surplus de sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de M. A doivent être rejetées ;

13. Considérant, en second lieu, que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Saint-Gervais-les-Bains ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Gervais-les-Bains au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Olivier A, à la commune de Saint-Gervais-les-Bains et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2012 à laquelle siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

M. Dursapt et Mme Samson-Dye, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 7 novembre 2012.

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N° 11LY02969

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02969
Date de la décision : 07/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Fin des concessions - Résiliation - Droit à indemnité du concessionnaire.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Prix.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : SCP LAMY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-11-07;11ly02969 ?
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