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07/11/2012 | FRANCE | N°11LY02282

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 07 novembre 2012, 11LY02282


Vu la requête enregistrée le 15 septembre 2011, présentée pour la SARL Enduit Plus 63, dont le siège est 28 rue de la Roseraie à Romagnat (63450) ;

La SARL Enduit Plus 63 demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000652 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 23 juin 2011, en ce qu'il a limité à 2 722,45 euros HT le montant de la condamnation de la communauté de communes Mur ès Allier au titre de l'indemnisation des conséquences de la résiliation du marché du lot 2 " enduits de façade " qu'elle lui avait attribué pour la réhabilitation

de la façade du château de Mezel ;

2°) de porter à 45 000 euros la condamnat...

Vu la requête enregistrée le 15 septembre 2011, présentée pour la SARL Enduit Plus 63, dont le siège est 28 rue de la Roseraie à Romagnat (63450) ;

La SARL Enduit Plus 63 demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000652 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 23 juin 2011, en ce qu'il a limité à 2 722,45 euros HT le montant de la condamnation de la communauté de communes Mur ès Allier au titre de l'indemnisation des conséquences de la résiliation du marché du lot 2 " enduits de façade " qu'elle lui avait attribué pour la réhabilitation de la façade du château de Mezel ;

2°) de porter à 45 000 euros la condamnation de la communauté de communes Mur ès Allier ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Mur ès Allier une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SARL Enduit Plus 63 soutient que son droit à indemnisation repose sur la cause de la résiliation du marché qui trouve son origine dans la modification des prescriptions de l'architecte des bâtiments de France et qui lui est donc étrangère ; qu'en vertu de l'article 41.6 du CCAG, elle a droit à la réparation de l'intégralité du préjudice résultant de la fin anticipée des relations contractuelles ; que cette indemnité doit compenser tous les avantages qu'elle aurait retirés de l'exécution du marché ; qu'elle justifie avoir exposé en pure perte des frais à hauteur de 2 722,45 euros HT ; que sa marge nette perdue sur les cinq mois d'activité que lui aurait procurés le chantier s'élève à 31 350 euros HT ; que la perte sur la révision des prix atteint 10 930,38 euros HT ; qu'elle fonde ses prétentions sur l'exploitation de sa comptabilité et l'attestation de son expert-comptable ; qu'elle dégage de son chiffre d'affaires un taux de marge de 37,34 % ; qu'elle a également perdu une chance d'obtenir la qualification professionnelle 2181 pour la restauration de bâtiments anciens ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2012, présenté pour la communauté de communes Mur ès Allier, qui conclut au rejet de la requête et à l'annulation du jugement du 23 juin 2011, en ce qu'il l'a condamnée ; à titre subsidiaire elle demande à la Cour de condamner l'Etat à la garantir de toute condamnation prononcée contre elle ; elle demande également à la Cour de mettre à la charge de la SARL Enduit Plus 63 une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que, la résiliation ayant été prononcée pour un motif d'intérêt général, la requérante n'est fondée à obtenir aucune indemnisation en invoquant une résiliation fautive ; que le Tribunal ne pouvait, sans entacher son jugement d'irrégularité, requalifier d'office la demande pour entrer en voie de condamnation sur le fondement de la résiliation pour motif d'intérêt général ; que ce fondement juridique est nouveau en appel ; que l'indemnisation de la perte des bénéfices n'est pas due en cas de fait d'un tiers ; qu'en l'espèce, l'impossibilité d'exécuter le marché et sa résiliation résultent de nouvelles prescriptions imposées par l'architecte des bâtiments de France, tiers au contrat ; qu'au surplus, les prétentions de la requérante ne reposent sur aucune donnée vérifiable ; que la particularité technique du marché exige que le taux de marge revendiqué soit étayé ; qu'en l'absence d'exécution du marché, il n'y a pas lieu à révision des prix ; que la perte de chance d'obtenir la qualification professionnelle 2181 n'est pas chiffrée ; qu'il appartient à l'Etat de répondre des modifications de prescriptions édictées en cours de chantier par l'architecte des bâtiments de France qui n'a pas respecté les prescriptions émises par son prédécesseur et qui ont été reprises dans le permis de construire ;

Vu, enregistré le 19 juillet 2012, le nouveau mémoire présenté pour la SARL Enduit Plus 63 qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu, enregistré le 12 octobre 2012, le nouveau mémoire présenté pour la communauté de communes Mur ès Allier, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu, enregistré le 12 octobre 2012, le mémoire en défense présenté par la ministre de la culture et de la communication, qui conclut au rejet des conclusions dirigées contre l'Etat ; elle soutient que l'appel incident de la communauté de communes est irrecevable comme relevant d'un litige distinct de celui soulevé par l'appel principal ; qu'aucune faute n'est imputable à l'Etat alors que les avis successivement donnés en décembre 2005 et juin 2008 par l'architecte des bâtiments de France ne sont pas substantiellement différents ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2012 :

- le rapport de M. du Besset, président ;

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

- et les observations de Me Marion, représentant la communauté de communes Mur ès Allier ;

Vu, enregistrée le 19 octobre 2012, la note en délibéré présentée pour la communauté de communes Mur ès Allier ;

1. Considérant que le 7 avril 2009 la communauté de communes Mur ès Allier a résilié le marché qu'elle avait passé le 11 septembre 2006 avec la SARL Enduit Plus 63 pour l'exécution du lot n° 2 - enduits de façade - de l'opération de réhabilitation du château de Mezel (Puy-de-Dôme) ; que la SARL Enduit Plus 63 a demandé au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand de la condamner à lui payer la somme de 45 000 euros en réparation du préjudice qu'elle avait subi du fait de cette résiliation ; que, par jugement du 23 juin 2011, le tribunal administratif n'a fait droit à cette demande qu'à hauteur de 2 722,45 euros ; que la SARL Enduit Plus 63 demande que cette indemnité soit portée à 45 000 euros ; que la communauté de communes Mur ès Allier demande à la Cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement en tant qu'il la condamne, et, par la voie de l'appel provoqué, de condamner l'Etat à la garantir de toute condamnation ;

Sur les conclusions d'appel principal et d'appel incident :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que les premiers juges, qui n'ont accordé que 2 722,45 euros à la SARL Enduit Plus 63 alors qu'elle demandait 45 000 euros, ne peuvent être regardés comme ayant statué au-delà des conclusions qui leur étaient soumises ;

3. Considérant que dans ses écritures de première instance, la SARL Enduit Plus 63 s'est expressément référée à l'article 46.1 du CCAG à l'appui de sa demande d'indemnisation des préjudices nés de la résiliation de son marché ; que, par suite, la communauté de communes Mur ès Allier n'est fondée à soutenir ni que le Tribunal l'aurait irrégulièrement condamnée à verser la somme de 2 722,45 euros HT en se fondant d'office sur cette stipulation, ni, en tout état de cause, qu'il aurait irrégulièrement retenu que la résiliation avait été prononcée pour un motif d'intérêt général, alors que l'article 46.1 concerne une telle résiliation ;

En ce qui concerne le droit à indemnité de la SARL Enduit Plus 63 :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 46 du cahier des clauses administratives générales, applicable au marché en litige : " Résiliation du marché 46.1. Il peut être mis fin à l'exécution des travaux faisant l'objet du marché, avant l'achèvement de ceux-ci, par une décision de résiliation du marché qui en fixe la date d'effet. / (...) / Sauf dans les cas de résiliation prévus aux articles 47 et 49, l'entrepreneur a droit à être indemnisé, s'il y a lieu, du préjudice qu'il subit du fait de cette décision. Il doit, à cet effet, présenter une demande écrite, dûment justifiée, dans le délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général " ;

5. Considérant qu'en vertu de ces stipulations, la résiliation prononcée pour un motif étranger à la cessation d'activités ou à la faute de l'entrepreneur ouvre droit pour celui-ci à l'indemnisation des pertes qu'il a subies et des gains dont il a été privé ;

6. Considérant, en premier lieu, que si la communauté de communes Mur ès Allier a estimé que l'avis émis par l'architecte des bâtiments de France sur les échantillons d'enduits était incompatible avec les prescriptions techniques du CCTP et faisait obstacle à l'exécution du marché, cette circonstance ne révèle aucune faute de l'entreprise et ne saurait la priver du droit à être indemnisée, dès lors que la cause de la résiliation ne lui est pas imputable ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la somme de 2 722,45 euros HT allouée par le Tribunal l'a été en dédommagement des frais engagés par la SARL Enduit Plus 63 antérieurement à la résiliation ; qu'elle correspond ainsi à l'indemnisation, conforme au principe énoncé aux paragraphe 3 et 4 ci-dessus, d'une perte subie par cette entreprise ;

8. Considérant, en troisième lieu, que s'il résulte des attestations de son expert comptable que la requérante a dégagé une marge nette de 38 % sur les exercices 2009 et 2010, il n'est pas établi que les travaux de restauration du bâtiment ancien que lui a confiés la communauté de communes Mur ès Allier lui auraient permis de dégager un taux de marge aussi élevé, eu égard à leur caractère particulier ; qu'il en sera fait une juste appréciation en l'estimant à 10 % de la commande non réalisée ; que celle-ci s'élevant à 147 700 euros HT, la SARL Enduit Plus 63 est fondée à demander à être indemnisée de la perte de ses gains à hauteur de 14 770 euros HT ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que la révision des prix a pour objet de compenser le renchérissement des prestations entre la passation du marché et leur livraison effective ; que la SARL Enduit Plus 63, qui n'a pas exécuté les travaux qui lui avaient été commandés, n'a été exposée à aucune évolution défavorable des prix et n'a pas subi de préjudice de ce chef ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à demander l'allocation de la somme de 10 930,38 euros HT représentative de la clause d'indexation prévue au marché ;

10. Considérant, en cinquième lieu, que si la SARL Enduit Plus 63 soutient que la résiliation du marché en litige lui a fait perdre des chances d'obtenir la qualification professionnelle 2181 pour la restauration de bâtiments anciens, ces allégations ne sont assorties d'aucune précision de nature à permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à demander l'indemnisation du préjudice qui résulterait d'une telle perte de chances ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que la SARL Enduit Plus 63 est seulement fondée à demander que la condamnation de la communauté de communes Mur ès Allier soit portée de 2 722,45 euros à 17 492,45 euros HT, d'autre part, que l'appel incident de la communauté de communes Mur ès Allier doit être rejeté ;

Sur les conclusions d'appel en garantie présentées par la communauté de communes Mur ès Allier contre l'Etat :

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'avis de l'architecte des bâtiments de France en date du 4 août 2008, selon lequel " les enduits devront être réalisés au mortier de chaux naturelle teinté avec des ocres ou terres avec incorporation de sable grossier similaire au sable existant. La finition sera identique à celle existante en façade ouest : lissée à la truelle. ", ne diffère pas dans son principe de celui du 21 décembre 2005, selon lequel " le crépi devra être réalisé à base de chaux naturelle teintée pour se rapprocher de la couleur des enduits existants et de finition talochée ou lissée à la truelle " ; qu'ainsi la formulation différente de ces deux avis ne constitue pas de la part de l'architecte des bâtiments de France une faute qui engagerait la responsabilité de l'Etat ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que, d'une part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes Mur ès Allier une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL Enduit Plus 63 et non compris dans les dépens ; que d'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la communauté de communes Mur ès Allier doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La condamnation mise à la charge de la communauté de communes Mur ès Allier par l'article 1er du jugement n° 1000652 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 23 juin 2011, est portée de 2 722,45 à 17 492,45 euros HT.

Article 2 : La communauté de communes Mur ès Allier versera à la SARL Enduit Plus 63 une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le jugement n° 1000652 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 23 juin 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Enduit Plus 63, à la communauté de communes Mur ès Allier et à la ministre de la culture et de la communication.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2012, où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- M. Dursapt et Mme Samson-Dye, premiers conseillers,

Lu en audience publique, le 7 novembre 2012

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N° 11LY02282

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02282
Date de la décision : 07/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation.

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation - Droit à indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Emmanuel du BESSET
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : PÔLE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-11-07;11ly02282 ?
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