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11/10/2012 | FRANCE | N°11LY02290

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 11 octobre 2012, 11LY02290


Vu la requête, enregistrée le 16 septembre 2011, présentée pour M. Jean-Michel , domicilié ...;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1103171 du 22 juillet 2011 par laquelle la Présidente du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 150 000 euros au titre des préjudices subis lors de l'intervention à son domicile du groupement d'intervention de la police nationale, le 25 décembre 2006 ;

2°) d'

ordonner une expertise médicale pour estimer son préjudice ou, à défaut, de condamne...

Vu la requête, enregistrée le 16 septembre 2011, présentée pour M. Jean-Michel , domicilié ...;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1103171 du 22 juillet 2011 par laquelle la Présidente du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 150 000 euros au titre des préjudices subis lors de l'intervention à son domicile du groupement d'intervention de la police nationale, le 25 décembre 2006 ;

2°) d'ordonner une expertise médicale pour estimer son préjudice ou, à défaut, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 150 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'action menée par les services de police avait pour finalité de prévenir une atteinte à l'ordre public ; que les forces de l'ordre sont en effet intervenues après avoir été averties qu'il s'était barricadé dans son domicile avec l'intention de se suicider ; qu'en l'absence d'infraction, la qualification de police administrative doit prévaloir ; que le groupe d'intervention de la police nationale est intervenu pour le protéger et non l'appréhender ; que, dans ces conditions, il s'agissait d'une mission de police administrative, le juge administratif étant seul compétent pour connaître du litige ; qu'en cas d'usage par la police d'armes ou d'engins présentant des risques exceptionnels, la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute simple ; qu'en l'espèce, les membres du groupe d'intervention ont mal apprécié la situation et fait usage d'une arme inappropriée aux circonstances ; qu'il n'a en effet pas eu de comportement dangereux, ayant tiré un seul coup de feu une heure avant l'intervention du groupe d'intervention de la police nationale ; qu'il n'était plus armé à ce moment et a lui-même débarrassé la porte de sa chambre de tous objets encombrants empêchant le passage ; que la Cour doit ordonner une expertise médicale pour apprécier son préjudice ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 4 novembre 2011, du bureau d'aide juridictionnelle accordant à M. le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2012, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que le dommage est intervenu alors que l'opération présentait les caractéristiques d'une opération de police judiciaire, dans la mesure où elle devait conduire à l'interpellation d'un individu qui venait de faire usage de son arme contre les forces de l'ordre ; que cette opération se déroulait sous l'autorité du procureur de la République, présent sur les lieux ; que la juridiction administrative est dès lors incompétente pour connaître de cette affaire ; que l'intervention des forces de l'ordre s'est déroulée dans des conditions difficiles, M. , après avoir rompu tout dialogue, ayant fait usage à plusieurs reprises de son arme à feu ; que l'usage d'une grenade de type " blast ", destinée à créer un état de choc, fait partie des moyens utilisés dans ce type d'opération pour désorienter un forcené avant de le maîtriser ; que les circonstances du dommage ne révèlent donc aucune faute des forces de l'ordre ; que le comportement de la victime a participé largement à son préjudice ; que le montant de la réparation demandée est excessif ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 juillet 2012, présenté pour M. , qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 septembre 2012, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut aux mêmes fins ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2012 :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public,

1. Considérant que M. relève appel de l'ordonnance du 22 juillet 2011 par laquelle la Présidente du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 150 000 euros au titre des préjudices subis lors de l'intervention à son domicile du groupement d'intervention de la police nationale ;

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 25 décembre 2006, les forces de police sont intervenues au domicile de M. , qui s'était barricadé avec une arme à feu dans son appartement en menaçant de se suicider, afin, dans un premier temps, d'évacuer du logement son épouse et ses deux enfants, et, dans un deuxième temps, de tenter de le neutraliser et de prévenir un éventuel suicide ; que, si M. a fait usage de son arme et s'est montré menaçant envers les policiers, cette circonstance, qui a justifié le recours aux services du groupement d'intervention de la police nationale, n'a pas eu pour effet de modifier le caractère de l'opération, qui visait à prévenir des troubles à l'ordre public et non à constater ou réprimer une infraction ; que cette opération avait, dès lors, le caractère d'une opération de police administrative ; que, par suite, l'ordonnance attaquée, qui rejette la demande de M. comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, est entachée d'irrégularité et doit être annulée ;

3. Considérant qu'il y a lieu, pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice qu'il a subi ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

4. Considérant qu'alors qu'il venait d'entrouvrir la porte de la pièce où il s'était barricadé, M. a été gravement blessé par l'explosion d'une grenade sur laquelle il avait posé le pied ; qu'il résulte de l'instruction que ladite grenade, de type " blast ", envoyée par un membre du groupe d'intervention de la police nationale, avait pour objet de créer un état de choc, et qu'elle ne constituait pas une arme présentant un danger exceptionnel dont l'usage est susceptible d'engager la responsabilité de l'administration pour faute simple en cas de dommage causé aux personnes visées par l'opération ; que, par ailleurs, si M. soutient qu'il a été blessé alors qu'il s'apprêtait à se rendre, il résulte de l'instruction que l'intéressé avait fait usage à plusieurs reprises de son arme à feu, un projectile ayant été tiré à proximité des policiers qui intervenaient, et qu'alors qu'un processus de négociation avait été entamé, il s'était borné à tenir des propos incompréhensibles et virulents ; que, dans ces circonstances, compte tenu du contexte de l'intervention et des incertitudes sur les intentions de M. , le groupement d'intervention, ne peut être regardé comme ayant commis une faute lourde, seule de nature en l'espèce à engager la responsabilité de l'Etat ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, que M. n'est pas fondé à demander la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice qu'il a subi ; que, par suite, les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère ainsi que les conclusions présentées par le requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE

Article 1er : L'ordonnance n° 1103171 de la présidente du Tribunal administratif de Grenoble du 22 juillet 2011 est annulée.

Article 2 : Les demandes présentées par M. et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère devant le Tribunal administratif de Grenoble sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de M. tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Michel , au ministre de l'intérieur et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2012, où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- M. Dursapt et M. Besse, premiers conseillers ;

Lu en audience publique, le 11 octobre 2012.

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N° 11LY02290

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02290
Date de la décision : 11/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

49-01-01 Police administrative. Police administrative et judiciaire. Notion de police administrative.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : RAMON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-10-11;11ly02290 ?
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