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11/10/2012 | FRANCE | N°11LY02217

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 11 octobre 2012, 11LY02217


Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2011, présentée pour la commune de Saint-Pierre d'Albigny, représentée par son maire ;

La commune de Saint-Pierre d'Albigny demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704606-0803297 du 28 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser les sommes de 17 000 euros chacun à M. Léopold et Mme Véronique B, de 10 000 euros à ces derniers, agissant en qualité d'administrateurs légaux de leur fils mineur Anthony, la somme de 5 000 euros à Mme Franzetta C, la somme de 3 000 euros chacun

M. Raffaële C, Mme Grazia C, M. Roger B et Mme Léa A, au titre du préjudice ...

Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2011, présentée pour la commune de Saint-Pierre d'Albigny, représentée par son maire ;

La commune de Saint-Pierre d'Albigny demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704606-0803297 du 28 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser les sommes de 17 000 euros chacun à M. Léopold et Mme Véronique B, de 10 000 euros à ces derniers, agissant en qualité d'administrateurs légaux de leur fils mineur Anthony, la somme de 5 000 euros à Mme Franzetta C, la somme de 3 000 euros chacun à M. Raffaële C, Mme Grazia C, M. Roger B et Mme Léa A, au titre du préjudice moral qu'ils ont subi suite au décès de la jeune Tiffany B ;

2°) de rejeter les demandes présentées par les intéressés ou, à titre subsidiaire, de prononcer un partage de responsabilité ;

3°) de mettre à la charge des défendeurs une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que par arrêté du 17 mai 2002, la baignade au plan d'eau de la commune était autorisée, lorsqu'elle était surveillée, du 29 juin au 1er septembre 2002 ; que les arrêtés municipaux réglementant la baignade sont affichés à titre permanent sur les panneaux d'information à l'entrée de la base de loisirs ; que lors de la survenance de l'accident, le 11 juin 2003, aucun arrêté réglementant la baignade pour la saison estivale de l'année 2003 n'était entré en vigueur ; que l'accident est donc survenu en dehors de la période lors de laquelle la baignade était autorisée, aux risques et périls des intéressés ; que l'arrêté réglementant la baignade était affiché et visible pour toute personne entrant sur la base de loisirs ; qu'il n'y a donc pas eu défaut de signalisation ; que la tante de la victime a commis des fautes qui ont contribué à la survenance de l'accident ; qu'en effet, elle ne s'est pas renseignée sur la possibilité de se baigner ; qu'elle a laissé ses neveux jouer dans l'eau, sans les munir de brassards ; que la noyade a eu lieu en dehors du petit bain, d'une profondeur maximale de 1,50 mètre, et même en dehors du grand bain, alors qu'il y avait une ligne de bouées séparant le lac en deux parties ; qu'il ressort par ailleurs des témoignages, d'une part que la tante de la victime ne savait pas bien nager, d'autre part que la température de l'eau était très froide ; que les demandes des requérants étaient excessives ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2012, présenté pour M. Léopold B, Mme Véronique B, Mme Franzetta C, M. Raffaële C, Mme Grazia C, M. Roger B et Mme Léa A, qui concluent :

- au rejet de la requête,

- à la réformation du jugement en ce qu'il n'a fait que partiellement droit à leurs demandes,

- à ce que la commune de Saint-Pierre d'Albigny soit condamnée à verser la somme de 35 000 euros chacun à M. Léopold et Mme Véronique B, la somme de 20 000 euros à ces derniers en leur qualité d'administrateur légal de leur fils Anthony, la somme de 20 000 euros à Mme Franzetta C et la somme de 12 000 euros chacun à M. Raffaële et Mme Grazia C ainsi qu'à M. Roger B et Mme Léa A,

- à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que l'arrêté du 12 mai 2002 réglementant la baignade pendant la saison estivale de l'année 2002 n'était plus en vigueur au moment de l'accident ; qu'il ne pouvait en effet revêtir un caractère permanent ; que le maire de la commune a au demeurant commis une faute en ne prenant pas de mesure en vue de la protection des baigneurs avant le 1er juillet 2003, alors qu'il ne peut être contesté que le site connaissait une fréquentation régulière et importante dès le mois de juin ; qu'en vertu de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, la commune devait prendre les mesures appropriées pour assurer la sécurité des usagers en signalant spécialement les dangers excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent, par prudence, se prémunir ; qu'hormis l'arrêté périmé affiché, rien n'interdisait la baignade ou n'en signalait le danger ; que tous les témoins déclarent n'avoir remarqué aucune signalisation ; que le lieu était toutefois dangereux, dès lors que quelques mètres après la berge s'ouvrait une fosse dans laquelle toute personne perd pied ; qu'un premier décès par noyade avait déjà été déploré en ces lieux ; que Mme C portait la fillette dans ses bras, lorsqu'elle a glissé ; que seule la disposition des lieux et non l'imprudence de cette dernière explique donc l'accident ; que l'évaluation du préjudice faite par le tribunal administratif était insuffisante ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2012 :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public,

- et les observations de Me Guillon, représentant la commune de Saint-Pierre d'Albigny et de Me Grosset-Janin, représentant la famille B ;

1. Considérant que la commune de Saint-Pierre d'Albigny relève appel du jugement du 28 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser, en réparation du préjudice moral subi du fait du décès par noyade de la jeune Tiffany B, les sommes de 17 000 euros à chacun des parents, de 10 000 euros à ces derniers, agissant en qualité d'administrateurs légaux de leur fils mineur, la somme de 5 000 euros à la tante de la victime et la somme de 3 000 euros à chacun des grands-parents ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2213-23 du code général des collectivités territoriales : " Le maire exerce la police des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage (...)/ Le maire réglemente l'utilisation des aménagements réalisés pour la pratique de ces activités. Il pourvoit d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours. / Le maire délimite une ou plusieurs zones surveillées dans les parties du littoral présentant une garantie suffisante pour la sécurité des baignades et des activités mentionnées ci-dessus. Il détermine des périodes de surveillance. Hors des zones et des périodes ainsi définies, les baignades et activités nautiques sont pratiquées aux risques et périls des intéressés./ Le maire est tenu d'informer le public par une publicité appropriée, en mairie et sur les lieux où elles se pratiquent, des conditions dans lesquelles les baignades et les activités nautiques sont réglementées " ; qu'il incombe aux maires des communes riveraines des plans d'eau d'une part de prendre des mesures appropriées en vue d'assurer la sécurité des personnes dans les baignades aménagées, et d'autre part de signaler les dangers excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent spécialement se prémunir ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 11 juin 2003, la tante de la jeune Tiffany B est entrée dans l'eau à hauteur de la partie plage du lac de Carouge, en tenant la fillette dans ses bras avant de disparaître brusquement sous l'eau, et que l'enfant a ensuite été retrouvée noyée ; qu'il ressort notamment du procès-verbal de gendarmerie que, dans cette partie du lac, la pente est douce sur une petite distance, avant de devenir subitement très abrupte, la profondeur de l'eau atteignant alors plusieurs mètres, configuration qui doit être regardée comme étant la cause principale de l'accident ; qu'il est constant qu'aucun panneau signalant le caractère dangereux de la baignade n'était installé sur le site, alors que l'aménagement de la plage, qui était très fréquentée le jour de l'accident, et la présence d'une ligne de bouées pouvaient laisser présumer le contraire ; que, si la commune de Saint-Pierre d'Albigny fait valoir que la baignade n'était pas autorisée le jour de l'accident, elle ne peut utilement se prévaloir du seul affichage, sur un simple panneau d'information, d'un arrêté municipal en date du 17 mai 2002 réglementant la baignade pour la période du 29 juin au 1er septembre 2002, celui-ci n'étant pas de nature à apporter une information suffisante aux baigneurs ; que, dans ces conditions, la responsabilité de la commune de Saint-Pierre d'Albigny pour carence dans l'exercice des pouvoirs de police du maire est engagée ;

4. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la tante de la victime se serait baignée en dehors des zones délimitées par les bouées ; que, toutefois, elle a commis une imprudence en portant un enfant ne sachant pas nager dépourvu de tout dispositif de protection, alors qu'elle ne pouvait ignorer que la plage n'était pas surveillée ; que, dans les circonstances de l'espèce, cette faute est de nature à exonérer la commune de Saint-Pierre d'Albigny du quart des conséquences dommageables de l'accident ;

Sur le préjudice :

5. Considérant que la commune de Saint-Pierre d'Albigny et les intimés n'établissent pas qu'en fixant l'indemnité devant être versée à 17 000 euros pour chacun des parents de la victime, 10 000 euros pour son frère, 5 000 euros pour la tante et 3 000 euros pour chacun des grands-parents, le Tribunal administratif de Grenoble aurait fait une appréciation excessive ou insuffisante du préjudice moral subi par ces derniers ; que, toutefois, compte tenu du partage de responsabilité retenu ci-dessus, la somme mise à la charge de la collectivité doit être fixée à 12 750 euros pour chacun des parents, 7 500 euros pour le frère de la victime, 3 750 euros pour la tante et 2 250 euros pour chacun des grands-parents ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Pierre d'Albigny est seulement fondée à demander que les sommes mises à sa charge par le jugement attaqué soient minorées dans les proportions indiquées ci-dessus ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions tendant à ce que soit mise une somme à la charge de la commune de Saint-Pierre d'Albigny, qui n'est pas partie perdante, doivent être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Saint-Pierre d'Albigny tendant au remboursement des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés ;

DECIDE :

Article 1er : Les sommes que la commune de Saint-Pierre d'Albigny a été condamnée à verser par le jugement du Tribunal administratif de Grenoble en date du 28 juin 2011 sont ramenées à 12 750 euros pour M. Léopold et Mme Véronique B, 7 500 euros pour ces derniers, agissant en qualité d'administrateurs légaux de leur fils mineur Anthony, 3 750 euros pour Mme Franzetta C, et 2 250 euros chacun pour M. Raffaële C, Mme Grazia C, M. Roger B et Mme Léa A.

Article 2 : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Grenoble en date du 28 juin 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Pierre d'Albigny, à M. Léopold B, à Mme Véronique B, à M. Anthony B, à Mme Franzetta C, à M. Rafaële C, à Mme Grazia C, à M. Roger B et à Mme Léa A et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2012, où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- MM. Dursapt et Besse, premiers conseillers ;

Lu en audience publique, le 11 octobre 2012.

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N° 11LY02217

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02217
Date de la décision : 11/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

49-04-03-01-01 Police administrative. Police générale. Sécurité publique. Police des lieux dangereux. Lieux de baignade.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : MARTIN MARIE GUILLON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-10-11;11ly02217 ?
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