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11/10/2012 | FRANCE | N°11LY01969

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 11 octobre 2012, 11LY01969


Vu l'ordonnance du président de la Cour administrative d'appel de Nancy, en date du 4 août 2001, transmettant à la Cour de céans la requête, enregistrée le 2 août 2011, présentée pour l'association pour la recherche et l'installation de médecins européens, dont le siège est 97, rue des sapins à Darnieulles (88390), représentée par son président ;

L'association pour la recherche et l'installation de médecins européens demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902552 du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ten

dant à la condamnation de la commune de Laignes à lui verser la somme de 26 000 e...

Vu l'ordonnance du président de la Cour administrative d'appel de Nancy, en date du 4 août 2001, transmettant à la Cour de céans la requête, enregistrée le 2 août 2011, présentée pour l'association pour la recherche et l'installation de médecins européens, dont le siège est 97, rue des sapins à Darnieulles (88390), représentée par son président ;

L'association pour la recherche et l'installation de médecins européens demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902552 du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Laignes à lui verser la somme de 26 000 euros en application du contrat conclu le 14 novembre 2007 ;

2°) de condamner la commune de Laignes à lui verser la somme de 26 000 euros, outre intérêts moratoires au taux légal majoré à compter du 23 mars 2008, et capitalisation des intérêts à compter du 17 juillet 2009, date d'enregistrement de son premier mémoire en réplique, et à chaque échéance annuelle ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Laignes une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le Tribunal administratif a à tort soulevé un moyen d'office tiré de la nullité du marché conclu le 14 novembre 2007 ; qu'il a en effet méconnu le principe de loyauté des relations contractuelles, qui lui imposait de faire application du contrat ; qu'en effet, et contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal, le marché a été passé après mise en concurrence, laquelle a consisté en la comparaison de plusieurs offres ; qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée dans le cadre de la passation du contrat ; que le contexte supposé d'instrumentalisation de la municipalité ne lui est pas imputable ; qu'aucune pièce du dossier ne permet de constater que le consentement de la commune aurait pu être affecté lors de la conclusion du marché ; que la délibération du conseil municipal du 26 juin 2007 était devenue définitive et il n'était pas possible de revenir sur cet acte détachable créateur de droit pour apprécier la régularité du marché ; que l'objet de son contrat étant la présentation de médecins, assortie le cas échéant d'une aide à leur installation, il ne peut lui être reproché le fait que ces derniers n'ont pas exercé leur activité, circonstance qui ne lui est au demeurant pas imputable ; qu'ayant totalement rempli ses obligations contractuelles, elle a droit au paiement de la somme prévue au contrat ; que la note de présentation n'étant pas un document contractuel, la commune de Laignes ne peut se prévaloir de sa méconnaissance ; qu'au demeurant, il ressort des termes de cette note que l'exercice d'une profession médicale sur une période de cinq ans devait résulter d'un autre contrat qui devait être signé entre la collectivité et les médecins ; que cette note précisait en outre que sa responsabilité ne pourrait être engagée en cas de renoncement du candidat ; que les médecins qui se sont effectivement installés avaient la compétence requise et maîtrisaient le français ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 novembre 2011, présenté pour la commune de Laignes, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association requérante la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le courrier rédigé par l'ancien maire ne suffit pas à démontrer qu'il y aurait effectivement eu mise en concurrence de trois prestataires ; que les comptes-rendus du conseil municipal démontrent que tel n'a pas été le cas ; que le marché a été passé en méconnaissance des dispositions de l'article 28 du code des marchés publics ; que l'ancien maire a cherché à favoriser l'association pour la recherche et l'installation de médecins européens (ARIME), dont il connaissait le président ; que les conseillers municipaux, lors de la délibération du 26 juin 2007, ont fait l'objet de pressions et ont reçu des informations erronées ; qu'il y a eu de ce fait vice dans le consentement donné par le conseil municipal ; que les représentants de l'ARIME étaient conscients de l'existence de ce vice ; qu'un des médecins qu'avait présentés l'ARIME maitrisait mal le français, les clauses de la convention n'étant dès lors pas respectées ; que, de même, les médecins n'avaient pas d'expérience comme médecins généralistes ; qu'il ne peut être considéré que les médecins, qui ne sont restés que quelques jours, se sont installés ; qu'elle n'a touché aucune subvention ; que l'ARIME ne justifie d'aucun préjudice ; que la note de présentation, qui faisait partie des documents contractuels, prévoyait une garantie d'activité pendant cinq années ; que le contrat ne prévoyait aucune obligation pour elle de signer un engagement avec les médecins ; que le départ des médecins ne lui est pas imputable ; qu'elle n'avait pas à acquitter la dernière facture, correspondant à des frais d'installation ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 août 2012, présenté pour l'association pour la recherche et l'installation de médecins européens, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire présenté pour la commune de Laignes, enregistré le 18 septembre 2012, après la clôture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2012 :

- le rapport de M. Besse,

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

1. Considérant que l'association pour la recherche et l'installation de médecins européens (ARIME) et la commune de Laignes (Côte-d'Or) ont conclu le 16 novembre 2007 une convention de recherche et d'installation de médecins européens ; que, par jugement du 30 juin 2011, le Tribunal administratif de Dijon, après avoir estimé que la gravité de l'illégalité affectant les conditions de signature du contrat faisait obstacle à ce que le litige pût être réglé sur le fondement contractuel, a rejeté, sur le terrain extracontractuel, la demande de l'ARIME tendant à la condamnation de la commune de Laignes au versement de la somme de 26 000 euros correspondant au paiement du solde de son contrat ; que l'ARIME relève appel de ce jugement ;

2. Considérant que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 26 du code des marchés publics: " (...) II.-Les marchés et accords-cadres peuvent aussi être passés selon une procédure adaptée, dans les conditions définies par l'article 28, lorsque le montant estimé du besoin est inférieur aux seuils suivants : (...)2° 193000 € HT pour les fournitures et les services des collectivités territoriales et des établissements publics de santé (...)" ; que l'article 28 du même code dispose : " Lorsque leur valeur estimée est inférieure aux seuils mentionnés au II de l'article 26, les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés selon une procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat. (...)." ; que si la personne responsable du marché est libre, lorsqu'elle décide de recourir à la procédure dite adaptée, de déterminer, sous le contrôle du juge administratif, les modalités de publicité et de mise en concurrence appropriées aux caractéristiques de ce marché, et notamment à son objet, à son montant, au degré de concurrence entre les entreprises concernées et aux conditions dans lesquelles il est passé, ce choix, toutefois, doit lui permettre de respecter les principes généraux de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures qui s'imposent à elle ; qu'en l'espèce, si l'ARIME produit une attestation de l'ancien maire de la commune de Laignes dont il ressort que le marché aurait été passé après consultation de trois organismes, de telles modalités de mise en concurrence, à les supposer établies, ne permettaient pas d'assurer une publicité suffisante, au regard du montant du marché, de 46 000 euros, et de sa nature ; que, toutefois, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, ce vice n'est pas au nombre de ceux que peut invoquer la commune de Laignes devant le juge administratif pour qu'il écarte le contrat ; que, si cette dernière soutient que la délibération du 26 juin 2007 du conseil municipal autorisant le maire à signer le contrat serait intervenue dans un climat conflictuel et après diffusion d'informations erronées sur la possibilité pour la collectivité d'obtenir des subventions, il ne résulte pas de l'instruction que ces circonstances auraient affecté les conditions dans lesquelles la commune a donné son consentement ; qu'ainsi, le litige doit être réglé sur le terrain contractuel ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la convention conclue le 14 novembre 2007 : " L'association ARIME s'engage à rechercher un médecin généraliste (ou éventuellement un couple), titulaire d'un doctorat européen de médecine, maîtrisant suffisamment le français écrit, parlé et originaire d'un pays constituant la communauté économique européenne sans distinction de nationalité en vue d'une installation dans la ville de Laignes " ; que, si la commune de Laignes a payé à l'ARIME la somme de 20 000 euros correspondant aux frais de recherche et de présentation des candidats, elle a refusé d'acquitter la troisième facture, correspondant aux frais de formation, formalités administratives, déménagement, installation engagés par l'association ; qu'il résulte de l'instruction que l'ARIME a présenté deux médecins roumains à la commune de Laignes, laquelle a mis à leur disposition un local où ils ont exercé quelques semaines à compter d'avril 2008, avant de s'installer dans une autre commune ; que, si la commune de Laignes soutient que, contrairement à ce que prévoyait le contrat, ces deux médecins, qu'elle a pourtant acceptés, ne maitrisaient pas la langue française et n'avaient pas d'expérience de généraliste, elle n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations, alors qu'il ressort des curriculum vitae des deux intéressés qu'ils avaient déjà travaillé plusieurs années en France et qu'ils étaient médecins généralistes en Roumanie au moment où ils ont été recrutés ; que, par ailleurs, s'ils n'ont exercé que brièvement sur le territoire de la commune, ni la convention du 16 novembre 2007, ni la note de présentation jointe, laquelle suggérait seulement à la commune de Laignes de signer avec les praticiens un contrat les engageant à rester plusieurs années, ne prévoyaient que la rémunération de l'ARIME serait conditionnée à une durée d'exercice de leur activité par les médecins, une fois ceux-ci installés ; que si la commune de Laignes fait valoir que l'ARIME n'a pas assuré la formation de ces médecins, prestation comprise dans la troisième partie de sa rémunération, il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle formation était nécessaire en l'espèce, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus de leur expérience en Roumanie et en France ; que, dans ces conditions, l'association requérante y a droit dans son intégralité, la rémunération prévue au contrat présentant un caractère forfaitaire ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ARIME est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Laignes à lui verser une somme de 26 000 euros ;

Sur les intérêts moratoires :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 98 du code des marchés publics, dans sa rédaction alors applicable : " Le délai global de paiement d'un marché public ne peut excéder : (...) 2° 45 jours pour les collectivités territoriales et les établissements publics locaux autres que ceux mentionnés au 3° ; (...) Le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, le bénéfice d'intérêts moratoires, à compter du jour suivant l'expiration du délai. " ; que la facture correspondant aux frais d'installation a été reçue le 7 février 2008 par la commune de Laignes, ; que dès lors, l'ARIME a droit aux intérêts au taux légal majoré de 2 points sur la somme de 26 000 euros à compter du 24 mars 2008 ; que l'ARIME a demandé la capitalisation des intérêts par mémoire enregistré, en première instance, le 17 juillet 2009 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter de cette date, et à chaque échéance anniversaire ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la commune de Laignes, partie perdante, puisse être indemnisée des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'ARIME en application des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 30 juin 2011 du Tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : La commune de Laignes est condamnée à verser à l'ARIME la somme de 26 000 euros, outre intérêts au taux légal majoré de deux points à compter du 24 mars 2008. Les intérêts échus le 17 juillet 2009 et à chaque date anniversaire sont capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la recherche et l'installation de médecins européens, à la commune de Laignes et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2012, où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- MM. Dursapt et Besse, premiers conseillers ;

Lu en audience publique, le 11 octobre 2012.

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N° 11LY01969

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY01969
Date de la décision : 11/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-01 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Nullité.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : CUNY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-10-11;11ly01969 ?
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