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25/09/2012 | FRANCE | N°12LY00769

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2012, 12LY00769


Vu, I, le recours, enregistré le 23 mars 2012, sous le n° 12LY00769, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ;

Le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002082 en date du 17 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé son arrêté en date du 29 juin 2010 infligeant à M. Ruddy A la sanction de mise à la retraite d'office ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A

devant le Tribunal ;

Le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIV...

Vu, I, le recours, enregistré le 23 mars 2012, sous le n° 12LY00769, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ;

Le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002082 en date du 17 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé son arrêté en date du 29 juin 2010 infligeant à M. Ruddy A la sanction de mise à la retraite d'office ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal ;

Le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION soutient que dès lors que les faits reprochés sont établis, qu'ils ont été commis de façon répétée sur une période conséquente de quatre mois, que l'intéressé a fait l'objet pour ces faits d'une condamnation à une peine d'emprisonnement de trois mois avec sursis et mise à l'épreuve de deux ans avec obligation de se soumettre à un traitement médical, qu'il ressort du rapport établi par l'expert commis par la Cour d'appel de Dijon, qu'il ne souffrait pas au moment des faits d'abolition du discernement, mais qu'il s'est bien rendu coupable d'exhibitions sexuelles, qu'en application des dispositions de l'article 29 du décret n°95-654 du 9 mai 1995, " le fonctionnaire actif des services de la police nationale doit, en tout temps qu'il soit ou non en service, s'abstenir de tout acte ou propos de nature à porter la déconsidération sur le corps auquel il appartient ou à troubler l'ordre public ", que sa manière de servir ne saurait avoir d'incidence sur l'appréciation de la gravité des faits reprochés, l'arrêté attaqué n'est entaché d'aucune illégalité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, le mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2012, présenté pour M. Ruddy A qui conclut au rejet du recours et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que dès lors qu'au moment des faits reprochés, il était dans un état de dépression qui a altéré son discernement pénal, que ces faits ont été commis en dehors du service et qu'ils n'ont fait aucune victime et qu'il démontre, par son suivi psychiatrique et son engagement professionnel dans son nouveau service, sa volonté de servir au mieux la Police nationale, la sanction prononcée apparaît manifestement disproportionnée ;

Vu le courrier en date du 24 juillet 2012 informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué du fait de la composition irrégulière de la formation de jugement, présidée par le juge des référés ayant ordonné la suspension de la sanction ;

Vu la réponse au moyen d'ordre public, enregistrée le 30 juillet 2012, présentée pour M. A ;

Vu, II, le recours, enregistré au greffe de la Cour le 23 mars 2012, sous le n° 12LY00771, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ;

Le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION demande à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1002082 en date du 17 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé son arrêté en date du 29 juin 2010 infligeant à M. A la sanction de mise à la retraite d'office ;

Il soutient que, dès lors que l'exécution du jugement contesté serait de nature à porter atteinte à l'image de la police nationale, emportant ainsi des conséquences difficilement réparables et que la sanction prononcée, à raison de la gravité des faits commis de nature à troubler l'ordre public, n'est entachée d'aucune illégalité, les deux conditions prescrites par les dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative sont en l'espèce satisfaites ;

Vu, le mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2012, présenté pour M. Ruddy A qui conclut au rejet du recours et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'exigence de conséquences difficilement réparables prévues par les dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative fait défaut ;

- les moyens invoqués par l'intéressé ne paraissent pas sérieux en l'état de l'instruction ;

Vu la lettre du 24 juillet 2012 par laquelle les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué du fait de la composition irrégulière de la formation de jugement, présidée par le juge des référés ayant ordonné la suspension de la sanction ;

Vu la réponse au moyen d'ordre public, enregistrée le 30 juillet 2012, présentée pour M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 84-961du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

Vu le décret n° 86-592 portant code de déontologie de la police nationale ;

Vu le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

- les observations de Me Clemang, avocat de M. A, défendeur ;

Considérant que les requêtes susmentionnées sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;

Sur les conclusions de la requête n° 12LY00769 :

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'en vertu d'une règle générale de procédure applicable même sans texte, un membre d'une juridiction administrative qui a publiquement exprimé son opinion sur un litige ne peut participer à la formation de jugement statuant sur le recours formé contre une décision statuant sur ce litige ; que si, eu égard à la nature de l'office attribué au juge des référés, la seule circonstance qu'un magistrat a statué sur une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à ce qu'il se prononce ultérieurement sur la requête en qualité de juge du principal, cette règle générale ne s'applique pas au juge des référés dans le cas où il apparaîtrait, compte tenu notamment des termes mêmes de l'ordonnance, qu'allant au-delà de ce qu'implique nécessairement son office, il aurait préjugé l'issue du litige ; que, dans un tel cas, ce magistrat ne peut participer à la formation de jugement statuant sur la légalité de cette décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que le jugement du 17 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté en date du 29 juin 2010, par lequel le ministre de l'intérieur à infligé à M. A la sanction de mise à la retraite d'office, a été rendu par une formation présidée par le magistrat qui avait pris, le 27 septembre 2010, en qualité de juge des référés, une ordonnance statuant sur la demande de suspension de la décision contestée ; qu'il ressort des termes mêmes de cette ordonnance que le juge des référés a pris position de manière précise sur la validité des moyens soulevés devant le juge du fond en faisant référence à " l'état de santé du requérant au moment des faits ", aux " graves difficultés familiales qu'il rencontrait " et au " fait qu'après sa réintégration et son affectation sur un poste aménagé, il a donné toute satisfaction à sa hiérarchie ", " ainsi que le confirme expressément sa notation pour l'année 2010 " ; qu'ainsi le juge des référés a préjugé l'issue du litige ; que, dans ces conditions, la composition du tribunal administratif était irrégulière et le jugement entrepris est irrégulier ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement du 17 janvier 2012 attaqué doit être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juin 2010 ;

Sur la légalité de l'arrêté du 29 juin 2010 :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la demande ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 susmentionnée : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale " ; qu'aux termes de l'article 66 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. (...) Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation " ; et qu'aux termes des dispositions de l'article 29 du décret du 9 mai 1995 susvisé : " le fonctionnaire actif des services de la police nationale doit, en tout temps, qu'il soit ou non en service, s'abstenir en public de tout acte ou propos de nature à porter la déconsidération sur le corps auquel il appartient ou à troubler l'ordre public " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, qu'entre le début de l'automne 2008 et le 10 janvier 2009, M. A, gardien de la paix, a été aperçu par plusieurs personnes, se déplaçant aux abords de son immeuble entièrement nu ou vêtu d'une simple veste ou d'un peignoir laissant apparaître ses parties génitales ; que M. A ne conteste pas l'exactitude de ces faits dont le caractère fautif justifie le prononcé d'une sanction disciplinaire ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport de l'expert psychiatrique qui a examiné l'intéressé à l'occasion des poursuites pénales dont il a fait l'objet à raison de ces faits, que le comportement de M. A, qui n'était imputable ni à une imprégnation alcoolique ni à l'usage de produits stupéfiants, ne révèle par lui-même aucun élément intentionnel mais un égarement momentané pendant lequel son discernement s'est trouvé altéré ; que, dans ces conditions, et eu égard au surplus à la manière de servir et au comportement constatés à la suite de sa nouvelle affectation, à compter du 15 septembre 2009, M. A est fondé à soutenir que la sanction prononcée à son encontre est manifestement disproportionnée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 29 juin 2010 ;

Sur les conclusions de la requête n° 12LY00771 :

Considérant que le présent arrêt statuant sur le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION dirigé contre le jugement attaqué, la requête susvisée tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement est devenue sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. TASSIN sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du recours n° 12LY00771 du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION.

Article 2 : Le jugement n° 1002082 du 17 janvier 2012 du Tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 3 : L'arrêté du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES du 29 juin 2010 infligeant à M. A la sanction de mise à la retraite d'office est annulé.

Article 4 : Les conclusions de M. A relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'INTERIEUR et à M. Ruddy A.

Délibéré après l'audience du 4 septembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Tallec, président de chambre,

M. Rabaté, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 septembre 2012.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00769
Date de la décision : 25/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions. Erreur manifeste d'appréciation.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : CLEMANG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-09-25;12ly00769 ?
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