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28/08/2012 | FRANCE | N°11LY02799

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 28 août 2012, 11LY02799


Vu la requête, enregistrée le 23 novembre 2011 au greffe de la Cour, présentée pour M. Yonis A, demeurant chez M. Philippe A ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800416 du 5 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ainsi que des contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2004 et 2005 ;

2°) de prononcer la décharge, et subsidiairement la réduction, des impositions contes

tées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 e...

Vu la requête, enregistrée le 23 novembre 2011 au greffe de la Cour, présentée pour M. Yonis A, demeurant chez M. Philippe A ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800416 du 5 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ainsi que des contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2004 et 2005 ;

2°) de prononcer la décharge, et subsidiairement la réduction, des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que la proposition de rectification qui lui a été adressée était insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- que l'administration n'a pu, dans la réponse aux observations du contribuable, substituer un nouveau motif de fait à celui initialement indiqué dans la proposition de rectification, sans l'en avoir avisé par une nouvelle notification et sans lui avoir ouvert un nouveau délai de réponse de trente jours ;

- que s'agissant du bien-fondé de ces rectifications, le vérificateur lui-même a admis la réalité et le montant des versements à l'attention de ses parents ; que peu importe qu'ils aient été adressés à son père, chacun de ses parents étant créancier de cette obligation alimentaire de leur fils ; que son père est retraité, et sa mère malade et sans ressources ; qu'ils ont trois enfants étudiants, et que sa mère doit assumer de lourdes dépenses de santé, alors que les revenus dont ils disposent se limitent à la pension de retraite de son père, soit 6 886 euros annuels, soit 1 377 euros par personne, très en-dessous donc du revenu moyen par habitant qui selon le service oscille entre 2 736 et 3 686 euros annuels ; qu'au demeurant, ces versements étaient destinés non à son père mais à sa mère, séparée et seule bénéficiaire de cette pension ; que subsidiairement, compte tenu des dépenses de santé exposées par sa mère en l'absence de toute protection sociale, la Cour déterminera, ex aequo et bono, le montant qu'elle estime déductible au titre de ladite pension ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 février 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que la proposition de rectification est suffisamment motivée, au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, cette obligation de forme ne dépendant pas du bien-fondé des motifs ;

- que l'administration n'a procédé à aucune substitution de motifs ; qu'au demeurant, la modification des motifs de fait, sur un fondement juridique inchangé, n'oblige pas l'administration à procéder à une nouvelle notification ;

- que le requérant ne justifie pas de la filiation entre ses parents et les personnes qu'il désigne comme ses frères et soeurs, ni de l'âge et du statut d'étudiant de ces derniers, et de leur absence de revenus propres ; que ses parents disposant d'un revenu annuel très supérieur au revenu moyen annuel par habitant à Djibouti, ils ne peuvent être regardés comme étant dans un état de besoin de nature à justifier le versement d'une pension ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 avril 2012, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 mai 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 juin 2012, présenté pour M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2012 :

- le rapport de M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

Considérant qu'à l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration a remis en cause la déduction des sommes que M. A déclarait, pour un montant annuel de 9 147 euros au titre des années 2004 et 2005, verser à titre de pension alimentaire à ses parents domiciliés à Djibouti ; que M. A relève appel du jugement du 5 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ainsi que des contributions sociales mises à sa charge en conséquence de cette rectification ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. " ;

Considérant, en premier lieu, que la proposition de rectification du 11 juin 2007, adressée à M. Yonis A, rappelle les étapes successives de la procédure contradictoire, et notamment la teneur de sa réponse du 22 mars 2007 à la demande d'éclaircissements ou de justifications du 23 février 2007 ; qu'elle fait également mention des dispositions du code général des impôts et du code civil constituant les bases légales de la déduction en litige ; que ce document indique, enfin, que l'intéressé ne justifie ni de la réalité des versements de pension portés en déduction de ses revenus imposables, ni de l'état de besoin de sa mère, et notamment pas des modalités de la séparation alléguée de ses parents ; qu'en conclusion de cette proposition de rectification, l'administration a invité le contribuable à communiquer, en réponse, les justifications attendues, parmi lesquelles notamment la copie d'une décision de justice attestant de la séparation de ses parents, ainsi que le détail de l'emploi des sommes allouées afin de justifier de leur caractère alimentaire ; qu'ainsi motivée, cette proposition mettait pour le moins M. A en mesure de formuler utilement ses observations ; que, par suite, la régularité formelle d'une proposition de rectification ne dépendant pas du bien-fondé de ses motifs, le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que, dans sa réponse du 1er août 2007 aux observations que M. A avait formulées le 29 juin 2007, l'administration indique que, bien que M. Yonis A prétende avoir versé au seul bénéfice de sa mère, selon lui isolée et dans le besoin, les sommes litigieuses qu'il entend déduire à titre de pension, et produit en ce sens une attestation signée de cette dernière, il apparaît que lesdits versements ont été effectués au profit de son père, comme en atteste ce dernier, ainsi que la banque postale, établissement émetteur des virements ; que le service conclut que, compte tenu du montant de la pension perçue par ce dernier, très supérieure au salaire moyen observé à Djibouti, et en l'absence de toutes justifications des modalités de séparation de ses parents, il entend maintenir les rectifications contestées ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, de tels éléments, selon lesquels en particulier il est fait état de ce que les versements ont été adressés au père de l'intéressé, ne constituent nullement des motifs nouveaux que l'administration aurait entendu substituer à ceux énoncés dans la proposition de rectification, mais simplement le prolongement de ces derniers, actualisés au regard des informations portées entre-temps à la connaissance du service ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la régularité de la procédure d'imposition serait affectée par une telle substitution de motifs non assortie d'un nouveau délai de réponse de trente jours manque, en tout état de cause, en fait ;

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction (...) II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (...) 2° (...) pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211, 367 et 767 du code civil (...) " ; que l'article 205 du code civil dispose que : " Les enfants doivent des aliments à leur père et mère et autres ascendants qui sont dans le besoin " ; que les pensions alimentaires, y compris lorsqu'elles sont dues en vertu d'une loi étrangère, doivent répondre aux conditions fixées par les dispositions précitées du code civil ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les sommes litigieuses ont été versées au père de M. A, lequel était, durant les années en litige, titulaire d'une pension d'un montant annuel de 6 886 euros, tandis qu'il est constant que le revenu moyen par habitant s'élevait à Djibouti à une somme comprise entre 2 736 euros et 3 636 euros ; que M. A fait valoir que, bien que virées sur le compte bancaire de son père, les sommes litigieuses n'étaient versées qu'au seul bénéfice de sa mère, selon lui séparée de son mari et privée de ressources ; qu'il n'établit toutefois pas la réalité de ses allégations, en se bornant à produire en appel la copie d'un acte de mariage de son père avec une autre personne, daté du 7 juillet 1994, alors qu'il fait lui-même état dans sa requête de " la situation faite aux femmes dans la république de Djibouti où s'applique (...) une tradition de polygamie " ; que les développements par lesquels il explique que ces sommes ont été virées sur le compte de son père, et non de sa mère, en raison des " discriminations juridiques, économiques, (...) interdisant en fait aux femmes mariées d'ouvrir un compte bancaire hors de leur mari ", viennent en outre contredire ses allégations relatives à la séparation de ces parents ; que la réalité des dépenses de santé que la mère du requérant, en l'absence de système de protection sociale, serait tenue d'exposer pour le traitement prolongé de diabète, hypertension, et cholestérol, n'est justifiée par aucune pièce probante ; qu'enfin, s'il est établi que les frères et soeurs de ce dernier étaient étudiants durant les années litigieuses, il n'est apporté aucune justification de ce qu'ils auraient été à la charge financière de leurs parents, et notamment de leur mère, sinon une attestation, datée de 2010, par laquelle cette dernière se borne à s'engager à verser 500 euros à sa fille étudiante en France, qui outre le fait qu'elle est peu compatible avec les assertions du requérant relatives à l'état de dépendance économique et financière de sa mère, ne se rapporte en tout état de cause pas aux années 2004 et 2005 ; qu'il résulte de tout ce qui précède que, par ses allégations non justifiées et au surplus contradictoires, M. A n'établit ni la séparation de ses parents, ni leur état de besoin, et, partant, n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère déductible de la pension versée à ces derniers ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article 1635 bis Q du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 : " I.-Par dérogation aux articles 1089 A et 1089 B, une contribution pour l'aide juridique de 35 € est perçue par instance introduite en matière civile, commerciale, prud'homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou par instance introduite devant une juridiction administrative/II. La contribution pour l'aide juridique est exigible lors de l'introduction de l'instance. Elle est due par la partie qui introduit une instance (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat./ Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties./L'Etat peut être condamné aux dépens " ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts qu'a acquittée le requérant ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie tenue aux dépens, soit condamné à verser à M. A la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Yonis A et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2012 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Segado et Lévy Ben Cheton, premiers conseillers.

Lu en audience publique le 28 août 2012.

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N° 11LY02799


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02799
Date de la décision : 28/08/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable - Charges déductibles.

Procédure - Jugements - Frais et dépens - Dépens.

Procédure - Jugements - Frais et dépens - Remboursement des frais non compris dans les dépens.


Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Laurent LEVY BEN CHETON
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-08-28;11ly02799 ?
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