Vu la requête, enregistrée le 18 novembre 2011, présentée pour M. Philippe B, domicilié ... ;
M. B demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0901401 en date du 20 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 8 décembre 2008 par laquelle le ministre de l'agriculture a annulé l'arrêté du préfet de l'Isère du 1er septembre 2008 portant refus d'autorisation d'exploiter une superficie de 3 hectares 26 ares à M. C sur le territoire de la commune de Champagnier ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée en date du 8 décembre 2008 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. B soutient que :
- en tant que preneur en place, le ministre aurait dû le consulter avant de prendre sa décision ;
- M. C n'est pas propriétaire de la surface litigieuse, contrairement à ce que mentionne la décision attaquée et ne pouvait solliciter l'autorisation d'exploiter des terres, déjà données à bail, sans l'accord du propriétaire ;
- M. C, ne justifiant pas de la réalité et de la possibilité d'exploiter ces terres, la reprise est frauduleuse et ne vise qu'à lui porter préjudice ;
- les 3 hectares et 26 ares de superficie de l'opération envisagée sont considérablement insuffisants pour une exploitation agricole viable ;
- M. C doit obligatoirement obtenir une autorisation préalable d'exploiter en application des dispositions de l'article L. 331-2 du code rural ;
- il ne pouvait être considéré comme s'installant sur une exploitation agricole tant à la date de l'arrêté préfectoral du 1er septembre 2008 qu'à la date de la décision attaquée, dès lors qu'il résulte des pièces qu'il produit que son exploitation agricole était déjà créée à la date du 29 février 2008 : sa demande constituait ainsi un agrandissement de son exploitation agricole, soumis à autorisation ;
- il n'est pas demandeur d'emploi, mais salarié et ne justifie pas de revenus faibles, justifiant l'exonération de l'obtention d'une autorisation d'exploiter, alors que son foyer fiscal devait être considéré comme double actif et qu'il avait des revenus supérieurs à 3 120 fois le SMIC horaire à la date de sa demande ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, le mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2012, présenté pour M. Stéphane C qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. B, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- dès lors que le recours gracieux exercé par M. B à l'encontre de la décision attaquée est tardif, la saisine des premiers juges est également tardive ;
- le fait qu'il ne soit pas propriétaire des terres est sans incidence ;
- l'enregistrement d'une création d'entreprise à l'INSEE ne peut en aucun cas justifier d'une exploitation effective et ne peut le priver de la qualification de demandeur à l'installation ;
- il justifie de diplômes et d'une expérience professionnelle suffisants pour être dispensé de l'autorisation préalable ;
- le siège de l'exploitation est situé à 800 mètres des terres litigieuses ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 avril 2012, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. C aurait poursuivi, par l'ajout des terres litigieuses, l'agrandissement d'une superficie déjà mise en valeur par lui ; sa situation ne relevait pas du 5° de l'article L. 331-2 du code rural ; elle ne relevait pas plus du 3° in fine du même article, dès lors qu'il était demandeur d'emploi ;
- tant au regard de la superficie en cause, qu'au regard de la capacité professionnelle de l'intéressé, le projet d'exploiter litigieux n'impliquait pas le dépôt d'une demande d'autorisation ;
- l'indication erronée de la qualité de propriétaire des terres en cause de l'intéressé ne revêt pas un caractère substantiel et l'accord du propriétaire n'était pas nécessaire en l'espèce ;
- M. C n'avait pas à justifier de sa situation actuelle, dès lors que le ministre doit se prononcer compte tenu des éléments de droit et de fait, existant à la date de sa décision ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 avril 2012, présenté pour M. B qui conclut aux mêmes fins ;
Il soutient, en outre, que sa demande est recevable dès lors que la décision du 8 décembre 2008 lui fait grief ;
Vu les ordonnances en date des 5 et 30 avril 2012, par lesquelles, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, le président de la 3ème chambre de la Cour a fixé la clôture de l'instruction au 20 avril 2012 et l'a reportée au 16 mai 2012 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le schéma directeur départemental des structures agricoles de l'Isère du 28 décembre 2000 modifié ;
Vu l'arrêté n° 2000-9570 du 28 décembre 2000 fixant l'unité de référence ;
Vu l'arrêté du 28 avril 2000 portant définition de listes de diplômes, titres homologués, titres et certificats pour l'application des articles L. 331-2 (3°) et R. 331-1, R. 343-4, L.311-3 et R. 341-7 (3°) du code rural ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2012 :
- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
- et les observations de Me Razafy pour M. C ;
Considérant que, par un arrêté du 1er septembre 2008, le préfet de l'Isère a refusé d'autoriser M. C à exploiter une superficie de 3 hectares 26 ares de terres sur le territoire de la commune de Champagnier ; que le ministre chargé de l'agriculture, saisi par la voie du recours hiérarchique a, par une décision du 8 décembre 2008, annulé ledit arrêté au motif qu'il n'apparaissait pas que l'opération envisagée par M. C puisse relever d'un des cas limitativement énumérés par l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime pour lesquels une autorisation d'exploiter est nécessaire ; que M. B relève appel du jugement du 20 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision ministérielle du 8 décembre 2008 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime : " Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : (...) 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures. Ce seuil est compris entre 0,5 et 1,5 fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5 (...) ; 2° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles ayant pour conséquence : a) De supprimer une exploitation agricole dont la superficie excède un seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures et compris entre le tiers et une fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5 ou de ramener la superficie d'une exploitation en deçà de ce seuil (...) ; 3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole : a) Dont l'un des membres ayant la qualité d'exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle (...) ; b) Ne comportant pas de membre ayant la qualité d'exploitant. Il en est de même pour les exploitants pluriactifs remplissant les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle dont les revenus extra-agricoles du foyer fiscal excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance (...) ; 5° Les agrandissements ou réunions d'exploitations pour les biens dont la distance par rapport au siège de l'exploitation du demandeur est supérieure à un maximum fixé par le schéma directeur départemental des structures, sans que ce maximum puisse être inférieur à cinq kilomètres (...). "; qu'aux termes de l'article R. 331-2 du même code : " Les revenus extra-agricoles mentionnés au 3° de l'article L. 331-2 sont constitués du revenu net imposable du foyer fiscal du demandeur au titre de l'année précédant celle de la demande, déduction faite, s'il y a lieu, de la part de ce revenu provenant d'activités agricoles au sens de l'article L. 311-1 (...). " ; qu'enfin, aux termes de l'article III du schéma directeur départemental des structures agricoles de l'Isère du 28 décembre 2000 modifié, dans sa rédaction alors applicable : " 1) le seuil de contrôle des installations, agrandissements ou réunions d'exploitations agricoles défini au 1° de l'article L.331-2 est fixé à 1 unité de référence (...) 2) le seuil de contrôle des opérations ayant pour conséquence de supprimer une exploitation agricole dont la superficie est supérieure au seuil ou de ramener la superficie d'une exploitation en deçà de ce seuil défini au 2° a) de l'article L.331-2 est fixé à 1 unité de référence (...). " et qu'aux termes de l'article I de l'arrêté du préfet de l'Isère en date du 28 décembre 2000 relatif à l'unité de référence : " L'unité de référence est fixée à 40 hectares pour l'ensemble du département de l'Isère. " ;
Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucune règle générale de procédure n'impose au ministre chargé de l'agriculture, saisi d'un recours hiérarchique dirigé contre une décision préfectorale rejetant une demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles, d'informer le preneur en place du recours dont il est saisi, afin de le mettre en mesure de présenter ses observations ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière du fait qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. C a souhaité s'installer et exploiter une superficie de 3 hectares 26 ares de terres, précédemment exploitée par M. B ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. C remplit la condition de capacité professionnelle requise dès lors qu'il est titulaire d'un diplôme agricole ; que, contrairement à ce que soutient M. B, l'opération envisagée, d'une superficie inférieure à une unité de référence fixé par le schéma directeur départemental des structures agricoles de l'Isère ne constitue pas un agrandissement d'une exploitation existante, du seul fait que M. C a procédé, le 25 février 2008, à l'inscription d'une entreprise agricole, au répertoire des entreprises et des établissements de l'institut national de la statistique et des études économiques ; que si M. B fait valoir que M. C devant être considéré comme double actif devait justifier, en application des dispositions précitées du dernier alinéa du 3° du I de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, que les revenus extra-agricoles de son foyer fiscal, au titre de l'année 2007, n'excédait pas 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance, il ressort toutefois des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le requérant, sans l'établir, l'intéressé n'était pas salarié et se trouvait en situation de demandeur d'emploi, à la date de sa demande d'exploitation ; que, par suite, c'est par une exacte application de ces dispositions que le ministre chargé de l'agriculture a estimé que l'opération envisagée par M. C n'était pas soumise à autorisation au titre du contrôle des structures des exploitations agricoles ;
Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que M. C n'aurait pas justifié de l'accord du propriétaire des terres litigieuses, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse, eu égard à l'indépendance des législations sur le contrôle des structures et sur les baux ruraux ;
Considérant, en dernier lieu, que la circonstance que le projet d'exploitation présenté par M. C ne serait pas viable, eu égard notamment au fait que la superficie concernée serait inférieure à la surface minimale d'exploitation dans l'Isère n'est pas, par elle-même, au nombre des motifs de nature à justifier légalement que l'intéressé soit dans l'obligation d'obtenir une autorisation d'exploiter les terres litigieuses ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée en défense, que M. B n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. B la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de M. B, partie perdante dans la présente instance, le versement à M. C d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B est rejetée.
Article 2 : M. B versera à M. C une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Philippe B, à M. Stéphane C et au ministre de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2012 à laquelle siégeaient :
M. Rabaté, président,
M. Seillet, premier conseiller,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 juillet 2012.
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N° 11LY02753