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12/07/2012 | FRANCE | N°11LY02547

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2012, 11LY02547


Vu la requête, enregistrée le 24 octobre 2011 au greffe de la Cour, présentée pour Mme Aïcha A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104581 du 27 septembre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, en date du 23 juin 2011, par lesquelles ce dernier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée ;

2°) d'annuler les décisions susv

isées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence tem...

Vu la requête, enregistrée le 24 octobre 2011 au greffe de la Cour, présentée pour Mme Aïcha A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104581 du 27 septembre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, en date du 23 juin 2011, par lesquelles ce dernier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée ;

2°) d'annuler les décisions susvisées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence temporaire l'autorisant à travailler portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 196 euros toutes taxes comprises en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;

Elle soutient que le préfet, en lui refusant un titre de séjour, a méconnu les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle a été victime de nombreux actes de violences et maltraitances émanant de son époux ; qu'elle ne peut retourner vivre en Algérie en raison de l'échec de son mariage et des plaintes déposées à l'encontre de son époux ; qu'elle est bien insérée en France, qu'elle travaille en qualité d'agent de service et justifie de la réalité de ses liens personnels ; que la décision emportant obligation de quitter le territoire national est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant le titre de séjour ; que l'obligation de quitter le territoire n'est pas motivée en méconnaissance de l'application de l'article 12 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ; qu'ayant tissé des liens sincères et durables en France, l'exécution de l'obligation de quitter le territoire aurait des conséquences graves pour Mme A ; que cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2012, présenté par le préfet du Rhône ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas méconnues ; qu'elle n'apporte pas notamment la preuve des supposées violences de son conjoint ; que l'obligation de quitter le territoire français est motivée ; qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français ;

Vu la décision du 2 décembre 2011 du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme A ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été régulièrement notifiée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables, dans les Etats membres, au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2012 :

- le rapport de Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

Considérant que Mme A, ressortissante algérienne, a épousé en Algérie un ressortissant de nationalité française le 31 décembre 2008 ; qu'elle est entrée en France le 15 juin 2009 avec un visa " famille de Français " afin d'y rejoindre son époux de nationalité française, et a obtenu un certificat de résidence d'un an du 24 juillet 2009 au 23 juillet 2010, en application des stipulations de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien ; qu'elle a demandé le 23 juillet 2010 un certificat de résidence algérien de dix ans ; que Mme A relève appel du jugement du 27 septembre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions en date du 23 juin 2011 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé à Mme A la délivrance d'un certificat de résidence au motif de cessation de la communauté de vie avec son conjoint, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination ;

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2° au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que son conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état-civil français (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que Mme A fait valoir qu'elle a été victime de violences conjugales et de maltraitances de la part de son conjoint, qu'elle ne peut retourner en Algérie en raison de l'échec de son mariage et des plaintes déposées à l'encontre de son époux, qu'elle s'est bien insérée en France et travaille en qualité d'aide ménagère ; que le préfet conteste les violences subies par son époux en faisant valoir le témoignage de ce dernier ; qu'en tout état de cause, Mme A ne justifie pas la présence d'obstacles à la poursuite de son existence, dans des conditions normales, en Algérie, pays qu'elle avait quitté depuis deux ans à la date de la décision contestée ; qu'en outre Mme A, qui ne vit plus avec son époux et n'a pas d'enfant à charge, vivait isolée en France et n'établit pas y avoir tissé des liens privés et familiaux alors qu'elle n'allègue pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle-même a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision attaquée n'a pas porté, eu égard aux buts qu'elle poursuit, une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale et, par suite, n'a méconnu ni les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs et en l'absence de tout autre élément, la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui précède, la décision refusant à Mme A la délivrance d'un titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité ; que, dès lors, Mme A n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la dite décision à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; que le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays de destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. La même autorité peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse à quitter le territoire français lorsqu'elle constate qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par l'article L. 121-1. L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration. Les dispositions du V du présent livre peuvent être appliquées à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès l'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent. L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français peut solliciter le dispositif d'aide au retour financé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, sauf s'il a été placé en rétention (...) " ; qu'aux termes de l'article 12, paragraphe 1, de la directive 2008/ 115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables, dans les Etats membres, au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " ; que le 4° de l'article 3 de ladite directive définit la décision de retour comme " une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d'un ressortissant d'un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour " ;

Considérant, d'une part, que l'article 12, paragraphe 1, de la directive du 16 décembre 2008 énonce des obligations en des termes non équivoques qui ne sont assorties d'aucune condition et ne sont pas subordonnées dans leur exécution ou dans leurs effets à l'intervention d'aucun acte des institutions de l'Union européenne ou des Etats membres ; qu'ainsi, les dispositions de cet article, qui sont inconditionnelles et suffisamment précises, sont susceptibles d'être invoquées par un justiciable à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, dès lors que l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ;

Considérant, d'autre part, que si les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que l'obligation de quitter le territoire français, qui constitue une décision de retour au sens du 4° de l'article 3 de la directive du 16 décembre 2008, n'a pas à faire l'objet d'une motivation, elles ne font pas, pour autant, obstacle à ce que cette décision soit prise conformément aux exigences de forme prévues par l'article 12 de la directive susvisée ; que la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 12, paragraphe 1, de la directive du 16 décembre 2008 ; qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 23 juin 2011, par laquelle le préfet du Rhône a rejeté la demande de Mme A, satisfait à l'obligation de motivation, qu'elle comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et rappelle les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettent d'assortir le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant que, compte tenu de ce qui précède, la décision refusant à Mme A la délivrance d'un titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité ; que, dès lors, Mme A n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité desdites décisions à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Aïcha A et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2012 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2012.

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N° 11LY02547


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02547
Date de la décision : 12/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-07-12;11ly02547 ?
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