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26/06/2012 | FRANCE | N°11LY02480

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 26 juin 2012, 11LY02480


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 13 octobre 2011 au greffe de la Cour et régularisée le 17 octobre 2011, présentée pour Mme Argentina A, élisant domicile au ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1102905-1103223, du 18 mai 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Rhône, du 1er février 2011, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois par suite du constat qu'elle ne justifiait plus d'aucun droit au séjour ;>
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision susmentionnée ;

3°) de mettre ...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 13 octobre 2011 au greffe de la Cour et régularisée le 17 octobre 2011, présentée pour Mme Argentina A, élisant domicile au ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1102905-1103223, du 18 mai 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Rhône, du 1er février 2011, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois par suite du constat qu'elle ne justifiait plus d'aucun droit au séjour ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient qu'il résulte des articles 7 et 14 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 29 avril 2004 relative aux droits des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, éclairés notamment par le considérant n° 16 de cette directive, qu'un citoyen de l'Union Européenne séjournant depuis de trois mois dans un Etat membre ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement que pour des raisons d'ordre public ou lorsqu'il constitue une charge pour le système d'assistance sociale de l'Etat membre d'accueil ; qu'ainsi, en édictant à son encontre une mesure d'éloignement fondée sur le seul motif qu'elle n'avait plus droit au séjour sur le territoire, sans vérifier qu'elle constituait une charge déraisonnable pour le système français d'assistance sociale, le préfet a méconnu les articles 7 et 14 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 29 avril 2004 relative aux droits des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ; que le préfet ne pouvait pas davantage estimer qu'elle n'avait plus droit au séjour sur le territoire en raison de la seule insuffisance de ses ressources, laquelle n'est pas démontrée, sans vérifier qu'elle constituait une charge déraisonnable pour le système français d'assistance sociale ; que pour prendre la mesure d'éloignement en litige, le préfet du Rhône s'est appuyé sur une fiche d'examen qui ne comporte que des indications sommaires, et n'a pas pris en compte les éléments relatifs à sa situation personnelle prévus par l'article 28 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004, notamment au moyen d'une audition, et n'a pas recherché sérieusement si elle constituait une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale alors même qu'elle bénéficie du soutien financier de sa fille, parent d'enfant français, et ne perçoit pas d'aide sociale ; qu'il n'a, dès lors, pas procédé à un examen particulier de sa situation et a donc commis une erreur de droit ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 janvier 2012, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que l'appel est irrecevable en raison de son caractère tardif et de l'absence de moyens d'appel ; que sa décision est suffisamment motivée en droit et en fait ;

Vu la décision du 23 août 2011, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union européenne et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2012 :

- le rapport de M. Chanel, président de chambre ;

- les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

- et les observations de Me Matari, avocat de Mme A ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le préfet du Rhône ;

Considérant, en premier lieu, que Mme A, de nationalité roumaine, née en 1970, soutient que le préfet du Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation et a ainsi commis une erreur de droit en lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois par la décision attaquée qu'il a prise à son encontre le 1er février 2011 ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions mêmes de la décision attaquée, qu'à la date de cette décision, Mme A occupait sans droit ni titre un bâtiment situé au ... ; qu'il ressort de ses propres déclarations faites aux services de la gendarmerie figurant dans le procès-verbal du 1er février 2011, eût-il été établi sans la moindre confidentialité, qu'elle et son époux sont revenus en France en octobre 2010 après avoir établi des attestations d'assurance en Roumanie valables du 16 octobre 2010 au 30 octobre 2010 ; qu'ils sont sans emploi et vivent de la mendicité ; que le préfet du Rhône a estimé, d'une part, que la mesure d'éloignement ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de Mme A au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux buts poursuivis dès lors que l'intéressée ne justifiait pas d'une vie privée et familiale ancienne et stable sur le territoire français et n'établissait pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie familiale en Roumanie, accompagnée de son enfant et de son époux, également destinataire d'une obligation de quitter le territoire français à destination de la Roumanie du même jour ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône a réuni, avant de prendre la décision contestée, les éléments personnalisés qui lui ont permis de se prononcer en toute connaissance de cause sur la situation de l'intéressée ; que si Mme A reproche au préfet du Rhône d'avoir pris la décision attaquée sur le fondement d'informations très insuffisantes, notamment en s'étant abstenu de procéder à son audition sous forme de questions/réponses, il n'était pas tenu de faire procéder à une telle audition ; que les éléments personnalisés pris en compte par le préfet ne sont pas utilement contredits par la requérante ; qu'elle ne peut soutenir que le préfet n'a pas pris en compte les éléments relatifs à sa situation personnelle, au regard notamment de l'article 28 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 ; qu'enfin, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le préfet n'était pas tenu, préalablement à l'édiction de la décision en litige, de rechercher si elle constituait une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale français ; que, dès lors, Mme A n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation préalablement à la décision attaquée ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3°. " ; qu'aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ou les membres de sa famille qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci ainsi que d'une mesure d'éloignement prévue au livre V. " ; qu'aux termes de l'article R. 121-4 dudit code : " (...) Lorsqu'il est exigé, le caractère suffisant des ressources est apprécié en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé. En aucun cas, le montant exigé ne peut excéder le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2° de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles (...) / La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " I.- L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. (...) / La même autorité peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse à quitter le territoire français lorsqu'elle constate qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par l'article L. 121-1. (...) " ; qu'il résulte des dispositions du 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui reprend les dispositions posées par la directive susvisée du 29 avril 2004 et de l'article R. 121-4 du même code, que l'insuffisance des ressources peut être opposée par le préfet pour prendre une décision d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant communautaire qui séjourne en France depuis plus de trois mois alors même que l'intéressé n'est pas effectivement pris en charge par le système d'aide sociale ;

Considérant que la durée du séjour constitue le critère déterminant du régime juridique applicable aux citoyens de l'Union européenne ; que si jusqu'à trois mois, ceux-ci bénéficient d'un droit inconditionné au séjour sous la seule réserve de l'absence de charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale, au-delà de trois mois, le droit au séjour devient conditionné et l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile reprend les conditions posées par la directive du 29 avril 2004 ; qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante a déclaré expressément être entrée en France au mois d'octobre 2010, soit plus de trois mois avant que ne soit édictée la mesure d'éloignement en litige ; qu'ainsi, Mme A ne saurait utilement soutenir que le préfet a commis une erreur de droit en prononçant à son encontre une mesure d'éloignement sans démontrer qu'elle constituait une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale français, le caractère déraisonnable de ladite charge s'opposant au droit au séjour dont les citoyens de l'Union européenne bénéficient jusqu'à trois mois ; qu'en tout état de cause, le préfet du Rhône indique, sans être contredit par les pièces du dossier, que Mme A vit depuis son entrée en France dans des conditions matérielles précaires, étant dépourvue d'emploi, vivant de la mendicité et n'ayant aucune assurance maladie ; qu'en outre, l'intéressée ne peut utilement invoquer une attestation d'aide établie par sa fille à une date postérieure à la décision litigieuse à l'appui de sa prétendue qualité d'ascendante à charge ; qu'ainsi, à la date du 1er février 2011, date de l'arrêté attaqué, la requérante, qui résidait depuis plus de trois mois en France et n'y disposait pas de ressources suffisantes, a pu être regardée à bon droit par le préfet du Rhône comme ne remplissant pas les conditions fixées au 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour pouvoir séjourner régulièrement en France ; que, par suite, le préfet du Rhône a pu légalement faire application à la requérante des dispositions précitées de l'article L. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 18 mai 2011 attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Argentina A et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2012 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Besson et Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 26 juin 2012.

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N° 11LY02480

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02480
Date de la décision : 26/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Christian CHANEL
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : MATARI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-06-26;11ly02480 ?
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