La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/06/2012 | FRANCE | N°10LY02833

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 21 juin 2012, 10LY02833


Vu le recours enregistré le 17 décembre 2010 par lequel le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE LA PECHE, DE LA RURALITE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801991 du Tribunal administratif de Lyon en date du 7 octobre 2010 en ce qu'il a condamné l'Etat à garantir la société Spie Batignolle Petavit à hauteur de 40 %, d'une part, de la condamnation de 178 301,35 euros mise à la charge de cette entreprise en indemnisation des désordres affectant la station de pompage de Châne-Bellignieux exploitée par l'Association syndicale d'irrigat

ion de l'Ain (ASIA) et, d'autre part, de la somme de 17 919,51 euro...

Vu le recours enregistré le 17 décembre 2010 par lequel le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE LA PECHE, DE LA RURALITE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801991 du Tribunal administratif de Lyon en date du 7 octobre 2010 en ce qu'il a condamné l'Etat à garantir la société Spie Batignolle Petavit à hauteur de 40 %, d'une part, de la condamnation de 178 301,35 euros mise à la charge de cette entreprise en indemnisation des désordres affectant la station de pompage de Châne-Bellignieux exploitée par l'Association syndicale d'irrigation de l'Ain (ASIA) et, d'autre part, de la somme de 17 919,51 euros mise à la charge de ladite entreprise au titre des dépens de l'instance ;

2°) de rejeter l'appel en garantie présenté par la société Spie Batignolles Petavit contre l'Etat ;

Le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE LA PECHE, DE LA RURALITE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE soutient que, le jugement ne lui ayant pas été notifié, le délai d'appel lui demeure ouvert ; que ledit jugement est entaché d'un défaut de motivation en ce qu'il se réfère au rapport d'expertise sans énoncer les motifs qui ont conduit le Tribunal à retenir une part de responsabilité à la charge de l'Etat ; que l'Etat ne saurait être tenu de garantir une condamnation reposant sur la garantie décennale, alors que le délai de mise en jeu de cette garantie était expiré ; subsidiairement, que le préjudice indemnisé est surévalué et que les travaux de reprise ont amélioré l'ouvrage ; que des vices de conception et des fautes d'exploitation imputables à l'ASIA ont aggravé les désordres ; que la part de 40 % est disproportionnée par rapport aux manquements de l'Etat maître d'oeuvre ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 25 mars 2011, présenté pour la société Spie Batignolles Petavit dont le siège est 68 chemin du Moulin-Carron, BP 6 à Dardilly (69571) ;

La société Spie Batignolles Petavit demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter pour irrecevabilité le recours du MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE LA PECHE, DE LA RURALITE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ;

2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué, d'une part, d'annuler le jugement n° 0801991 du tribunal administratif de Lyon en date du 7 octobre 2010 en ce qu'il l'a condamnée à verser à l'ASIA la somme de 178 301,35 euros en indemnisation des désordres affectant la station de pompage de Châne-Bellignieux et a mis à sa charge la somme de 11 946,34 euros au titre des dépens, d'autre part, de rejeter la demande de l'ASIA dirigée contre elle, et de mettre à sa charge une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à titre plus subsidiaire, de ramener à de plus justes proportions les sommes accordées à l'ASIA tant au titre du préjudice qu'au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Spie Batignolles Petavit soutient que le recours est tardif dès lors que, nonobstant l'absence de notification, l'expédition du jugement au ministre a suffi à faire courir les délais ; que le recours n'est pas signé par le ministre ainsi que l'exige l'article R. 431-9 du code de justice administrative et que la directrice des affaires juridiques du ministère ne justifie pas disposer d'une délégation opposable ; que l'action en garantie décennale de l'ASIA est prescrite ; que la réception de l'ouvrage a été prononcée au 24 juin 1992 alors que la demande en référé tendant à la désignation d'un expert n'a été présentée qu'en 2005 et n'a pu interrompre le cours d'une garantie qui était expirée ; que les interventions ponctuelles des constructeurs sur l'ouvrage n'ont pas emporté de leur part reconnaissance de responsabilité ; qu'en ce qui la concerne, ses interventions relevaient de l'exécution du contrat de maintenance, indépendant du contrat de louage d'ouvrage ; que l'ASIA n'établit aucun manquement aux obligations découlant du contrat de maintenance, de telle sorte que sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée ; que sa propre responsabilité doit être regardée comme marginale au regard des cinq causes de désordres identifiées par l'expert ; que le fournisseur des pompes a manqué à son obligation de conseil quant à l'adaptation du matériel fourni aux contraintes du réseau ; que, dans la mesure où l'appel en garantie dirigé contre lui est fondé sur sa responsabilité quasi-délictuelle, l'Etat ne peut utilement contester sa condamnation en invoquant la prescription de l'action en garantie qui fonde la condamnation principale ; que la part de responsabilité de l'Etat maître d'oeuvre n'a pas été surévaluée par le Tribunal dès lors qu'il a accepté de concevoir un système d'irrigation dont la configuration ne pouvait permettre un bon fonctionnement des pompes ; que les travaux préconisés par l'expert et indemnisés par le Tribunal apportent une plus-value à l'ouvrage ;

Vu le mémoire enregistré le 7 juin 2011, présenté pour la l'Association syndicale d'irrigation de l'Ain (ASIA) dont le siège est 9 rue Carnot à Villars-les-Dombes (01330) ;

L'ASIA conclut au rejet de l'appel principal du MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE LA PECHE, DE LA RURALITE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE et de l'appel provoqué de la société Spie Batignolles Petavit, et elle demande à la Cour :

1°) dans l'hypothèse où l'appel principal ne serait pas rejeté comme irrecevable, par la voie de l'appel provoqué, d'une part, d'annuler le jugement n° 0801991 du Tribunal administratif de Lyon en date du 7 octobre 2010 en ce qu'il a rejeté comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître sa demande de condamnation de la société Flowserve Pleuger et en ce qu'il a limité à 178 301,35 euros la condamnation de la société Spie Batignolles Petavit, d'autre part, de porter à 297 169 euros TTC le montant de ladite indemnité et de condamner solidairement la société Spie Batignolles Petavit et la société Flowserve Pleuger à la lui verser, outre intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2008 ;

2°) de mettre à la charge de la société Spie Batignolles Petavit et de la société Pleuger Flowserve une somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

L'ASIA soutient que le recours est tardif dès lors que, nonobstant l'absence de notification, l'expédition du jugement au ministre a suffi à faire courir les délais ; que le recours n'est pas signé par le ministre ainsi que l'exige l'article R. 431-9 du code de justice administrative et que la directrice des affaires juridiques du ministère ne justifie pas disposer d'une délégation opposable ; que le Tribunal ne pouvait se déclarer incompétent pour connaître des conclusions dirigées contre la société Flowserve Pleuger sans désigner la juridiction compétente ; qu'il est de bonne administration qu'une même juridiction statue sur l'entier litige, alors que, d'une part, la société Flowserve Pleuger est intervenue sur l'ouvrage défectueux en tant que sous-traitante de la société Spie Batignolles Petavit et que, d'autre part, le dysfonctionnement des pompes lui est directement imputable ; qu'en outre, la société Flowserve Pleuger a procédé à plusieurs réparations constitutives d'une reconnaissance de responsabilité ; qu'eu égard aux liens très étroits existant entre l'entreprise principale et son sous-traitant, les deux intervenants doivent être condamnés solidairement ; que la responsabilité de la société Spie Batignolles Petavit est engagée sur le double fondement des manquements au contrat de maintenance des installations et de la garantie décennale ; que l'importance des désordres qui ont rendu les installations impropres à l'irrigation durant une campagne est de nature décennale ; que la remise à neuf de la totalité des pompes en 1995 et 1996 a emporté reconnaissance de responsabilité de la part du locateur et interruption du cours de la prescription ; que cette intervention matérielle sans équivoque permet de se dispenser d'un acte de reconnaissance formelle ; qu'en tout état de cause, la société Spie Batignolles Petavit doit également répondre de la garantie née du contrat de maintenance dont elle était titulaire ; qu'au titre de la garantie décennale, la société Spie Batignolles Petavit n'a pas alerté l'attention du maître d'ouvrage sur la structure du réseau à construire ; qu'aucune part de responsabilité ne doit revenir au maître d'ouvrage qui n'est pas compétent pour la conception des réseaux et ne pouvait appréhender la conséquence des vices dont le réseau litigieux était affecté ; qu'aucune faute ne peut non plus lui être imputée dans la maintenance du réseau dont était chargée la société Spie Batignolles Petavit ;

Vu le mémoire enregistré le 11 juillet 2011, présenté pour la société EGET Forclum dont le siège est 204 avenue Franklin Roosevelt à Vaulx en Velin cedex (69516) ;

La société EGET Forclum demande à la Cour :

1°) par la voie de l'appel provoqué, d'une part, d'annuler le jugement n° 0801991 du Tribunal administratif de Lyon en date du 7 octobre 2010 en ce qu'il l'a condamnée à garantir la société Spie Batignolles Petavit à hauteur de 10 % de la condamnation de 178 301,35 euros mise à la charge de cette entreprise en indemnisation des désordres affectant la station de pompage de Châne-Bellignieux et de la somme de 11 946,34 euros au titre des dépens de l'instance, d'autre part, de rejeter l'appel en garantie présenté contre elle par la société Spie Batignolles Petavit ;

2°) de mettre à la charge de la société Spie Batignolles Petavit une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société EGET Forclum soutient que l'action en garantie quasi-délictuelle est prescrite ; que les surtensions ayant été révélées par des campagnes de mesures électriques effectuées en 1995 et s'étant achevées au 30 août 1995, sa responsabilité pouvait être engagée, au plus tard, jusqu'au 30 août 2005 ; que les désordres ne lui sont pas imputables dès lors que les erreurs de branchements relevées par l'expert n'affectaient pas l'ouvrage livré ainsi que l'attestent, d'une part, l'absence de réserve à la réception et, d'autre part, la persistance des désordres après rectification des branchements ;

Vu le mémoire enregistré le 22 juillet 2011, présenté pour la société Flowserve Pleuger dont le siège est 21 rue de la Mouchetière, parc d'activités d'Ingré à Saint Jean de la Ruelle (45140) ;

La société Flowserve Pleuger conclut au rejet du recours du MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE LA PECHE, DE LA RURALITE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, des conclusions de l'appel provoqué de l'ASIA dirigées contre elle et demande à la Cour de mettre à la charge de l'ASIA une somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Flowserve Pleuger soutient que le recours est tardif dès lors que, nonobstant l'absence de notification, l'expédition du jugement au ministre a suffi à faire courir les délais ; que le recours n'est pas signé par le ministre ainsi que l'exige l'article R. 431-9 du code de justice administrative et que la directrice des affaires juridiques du ministère ne justifie pas disposer d'une délégation opposable ; qu'en ce que l'obligation dont se prévaut l'ASIA trouve sa cause dans un contrat de sous-traitance de droit privé, le juge administratif doit décliner sa compétence ; subsidiairement, que l'action en garantie décennale de l'ASIA est prescrite ; que les pompes qu'elle a livrées sont des biens meubles ne relevant pas de la garantie décennale ; que ses interventions avaient valeur de geste commercial et n'emportent pas reconnaissance de responsabilité interruptive du cours de la garantie décennale ; qu'elle en a d'ailleurs réclamé le paiement à la société Spie Batignolles Petavit ; qu'à supposer que le cours de la garantie ait été interrompu, seules seraient concernées les pompes qui ont bénéficié d'interventions ; que doit être appliqué à une éventuelle condamnation le coefficient de 0,2637 représentant le montant des biens qu'elle a livrés et qui demeureraient sous garantie au regard du coût de l'ouvrage affecté de désordres ; que n'ayant pas commis de fautes dans les règles de l'art, les désordres ne lui sont pas imputables ; que les causes sont à rechercher dans l'architecture du réseau et l'alimentation électrique qui ne relevaient pas de sa mission ; que toute condamnation devra être limitée à 77 000 euros HT ainsi que le préconise l'expert ;

Vu le mémoire enregistré le 26 août 2011 par lequel la société Spie Batignolles Petavit conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 25 octobre 2011 par lequel la société EGET Forclum conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 6 février 2011 par lequel l'ASIA conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 20 mars 2012 par lequel le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE, DE LA RURALITE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE, DE LA RURALITE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE soutient, en outre, qu'en application de l'article 1er du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 et de l'article 2 du décret n° 2008-636 du 30 juin 2008, le directeur des affaires juridiques du ministère est, de plein droit, habilité à signer le recours au nom du ministre ; que le Tribunal a statué sur un appel en garantie dont il n'était pas saisi ; que la société Spie Batignolles Petavit s'était bornée à demander un partage de responsabilité entre constructeurs sans former d'appel en garantie contre l'Etat ; qu'en outre, l'action quasi-délictuelle de la société Spie Batignolles Petavit contre l'Etat était prescrite en vertu de l'article 2270-1 du code civil ; que le délai de dix ans institué par cette disposition doit être décompté depuis 1993, année des premières manifestations des désordres ; que l'Etat n'a pas commis de faute de maîtrise d'oeuvre dès lors qu'il a été établi par l'expert que la conception de l'ouvrage était étrangère aux démarrages intempestifs des pompes ; que dans le cadre du décret du 29 novembre 1993, il n'appartenait pas à l'Etat de définir les besoins du maître d'ouvrage ; qu'il appartenait à la société Spie Batignolles Petavit de corriger d'elle-même les éventuelles erreurs de conception du projet en proposant des variantes, ce dont elle s'est abstenue ;

Vu le mémoire enregistré le 20 avril 2012 par lequel la société Spie Batignolles Petavit conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que l'Etat n'est pas recevable à opposer pour la première fois en appel la forclusion de l'action en responsabilité quasi-délictuelle ; qu'en demandant un partage de responsabilité entre coauteurs du dommage, elle a nécessairement saisi le Tribunal d'appels en garantie ; que les manquements de la société EGET Forclum ont concouru aux désordres et n'ont pas été surévalués par l'expert ;

Vu le mémoire enregistré le 18 mai 2012 par lequel l'ASIA conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;

Vu le décret n° 2008-636 du 30 juin 2008 fixant l'organisation de l'administration centrale du ministère chargé de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2012 :

- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

- et les observations de Me Pousset-Bougère, représentant la société Spie Batignolles Petavit, de Me Bailly, représentant la société société Flowserve Pleuger, de Me Eletto, représentant la société EGET Forclum, et de Me Bogue, représentant l'ASIA ;

Sur le recours du MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE LA PECHE, DE LA RURALITE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE :

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées au recours :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 751-8 du code de justice administrative : " Lorsque la notification d'une décision du tribunal administratif (...) doit être faite à l'Etat, l'expédition est adressée au ministre dont relève l'administration intéressée au litige (...) " ; que le jugement attaqué n'ayant pas été notifié au ministre dont relevait les services de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de l'Ain, ni à aucun autre ministre, le délai d'appel de l'article R. 811-2 du même code n'a pas couru à l'égard de l'Etat ;

Considérant, en second lieu, qu'en vertu de l'article 1er du décret susvisé du 27/07/05 et de l'article 2 du décret susvisé du 30 juin 2008 combinés, le directeur des affaires juridiques du ministère chargé de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche reçoit de plein droit délégation du ministre à l'effet de signer les recours au nom de l'Etat dès le lendemain de la publication au Journal officiel de sa nomination ; que le décret la nommant aux fonctions de directeur des affaires juridiques dudit ministère ayant été publié le 18 octobre 2003, Mme Guilhemsans a valablement présenté le présent recours, enregistré le 17 décembre 2010, par délégation du MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE LA PECHE, DE LA RURALITE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non recevoir opposées par la société Spie Batignolles Petavit, l'ASIA et la société EGET Forclum doivent être écartées ;

En ce qui concerne le fond du litige :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du recours ;

Considérant, en premier lieu, qu'appelé en garantie par la société Spie Batignolles Petavit, condamnée au titre de la garantie décennale, à indemniser l'ASIA des désordres affectant le réseau d'irrigation de Belligneux, l'Etat, maître d'oeuvre, peut utilement invoquer tous moyens tendant à établir que la réparation qu'il lui est demandé de garantir n'était pas due dans son principe ou son montant, alors même que sa propre responsabilité est recherchée sur le fondement quasi-délictuel et dans la mesure où la répartition de la charge de la condamnation entre coauteurs des désordres est, en elle-même, dépourvue d'effet sur l'indemnisation allouée au maître de l'ouvrage ;

Considérant, en second lieu, qu'en vertu des principes dont s'inspirent les dispositions aujourd'hui codifiées aux articles 1792 et 1792-4-1 du code civil, les constructeurs liés au maître de l'ouvrage par un contrat de louage sont responsables de plein droit des désordres de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination lorsqu'ils sont survenus dans un délai de dix ans à compter de la date d'effet de la réception ;

Considérant que la réception de la station de pompage et du réseau d'irrigation a pris effet le 24 juin 1992 ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les nombreuses pannes qui ont affecté l'ouvrage depuis juillet 1994 ont donné lieu à des dépannages effectués soit par le fabricant des pompes, la société Flowserve Pleuger, dont le comportement ne saurait en tout état de cause engager la société Spie Batignolles Petavit, débitrice de la garantie décennale, soit par la société Spie Batignolles Petavit elle-même ; qu'avant de signer en février 2000 un contrat de maintenance avec l'ASIA, ce constructeur, qui n'est intervenu que sur devis et à titre onéreux, n'a accepté de prendre à sa charge aucune réparation ; qu'elle ne peut, de ce fait, être regardée comme ayant interrompu le cours de la garantie en reconnaissant sa responsabilité dans la survenance des désordres ;

Considérant que, la garantie décennale n'ayant pas été interrompue, elle a expiré le 24 juin 2002, antérieurement à l'enregistrement en 2005 puis en 2008 de la demande en référé tendant à l'organisation d'une expertise et de la demande indemnitaire ; qu'il suit de là que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE LA PECHE, DE LA RURALITE ET DE L'AME-NAGEMENT DU TERRITOIRE est fondé à soutenir que la condamnation de 178 301,35 euros que l'Etat a été condamné à garantir à hauteur de 40 % repose sur une créance prescrite ; que le jugement attaqué doit être annulé dans cette mesure et la demande de la société Spie Batignolles Petavit dirigée contre l'Etat, rejetée ;

Sur l'appel provoqué de la société Spie Batignolles Petavit, sur l'appel provoqué de l'Asia dirigé contre la société Spie Batignolles Petavit et sur l'appel provoqué de la société EGET Forclum :

En ce qui concerne la garantie décennale de la société Spie Batignolles Petavit :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens articulés par la société Spie Batignolles Petavit :

Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la garantie décennale était expirée à la date d'enregistrement de la demande de première instance ; qu'il suit de là que la société Spie Batignolles Petavit est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal l'a condamnée sur le fondement des principes dont s'inspirent les dispositions aujourd'hui codifiées aux articles 1792 et 1792-4-1 du code civil à verser à l'ASIA une somme de 178 301,35 euros en indemnisation des désordres affectant le réseau d'irrigation ;

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de la société Spie Batignolles Petavit :

Considérant que, subsidiairement, l'ASIA invoquait devant le Tribunal les manquements de la société Spie Batignolles Petavit aux obligations du contrat de maintenance des ouvrages passé pour la période du 28 février 2000 au 2 mars 2003 ;

Considérant, en premier lieu, qu'une partie ne saurait répondre d'obligations avant de les avoir contractées ; que, par suite et en tout état de cause, la société Spie Batignolles Petavit ne saurait être tenue de répondre, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, des conséquences dommageables d'interventions antérieures au 28 février 2000 ;

Considérant, en second lieu, que l'ASIA ne se prévaut d'aucun manquement de la société Spie Batignolles Petavit aux obligations de son contrat de maintenance qui aurait entaché ses interventions au cours de la période du 28 février 2000 au 2 mars 2003 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que la société Spie Batignolles Petavit est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à verser à l'ASIA la somme de 178 301,35 euros en indemnisation des désordres affectant la station de pompage de Châne-Bellignieux et le rejet de la demande de l'ASIA dirigée contre elle, d'autre part, que l'appel provoqué de l'ASIA tendant à ce que la condamnation de la société Spie Batignolles Petavit soit portée à 297 169 euros TTC doit être rejeté ;

Considérant, enfin, qu'il y a lieu de faire droit à l'appel provoqué de la société EGET Forclum, par voie de conséquence de l'annulation de la condamnation de la société Spie Batignolles Petavit et d'annuler le jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à garantir la société Spie Batignolles Petavit de 10 % de la condamnation allouée au bénéfice de l'ASIA ;

Sur l'appel provoqué de l'ASIA dirigé contre la société Flowserve Pleuger :

Considérant que la société Flowserve Pleuger s'est bornée à fournir les pompes au groupement d'entreprises titulaires du marché de travaux ; que l'ASIA qui n'a conclu aucun marché avec ce fournisseur n'est, dès lors, pas fondée à rechercher sa responsabilité contractuelle ou décennale ;

Sur la charge des dépens de première instance :

Considérant qu'à l'issue de l'instance d'appel, l'ASIA est partie perdante au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en conséquence, il y a lieu, d'une part, de réformer l'article 4 du jugement attaqué et de mettre à la charge de l'ASIA l'intégralité des frais et honoraires d'expertise liquidés à la somme de 29 865,85 euros, d'autre part, d'annuler ledit jugement en ce qu'il condamne l'Etat et la société EGET Forclum à garantir la société Spie Batignolles Petavit, respectivement de 40 % et de 10 % de la part des dépens mise à la charge de cette-dernière ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais non compris dans les dépens :

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions présentées par la société Spie Batignolles Petavit contre l'Etat et par l'ASIA contre la société Spie Batignolles Petavit et la société Flowserve Pleuger doivent être rejetées ;

Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Flowserve Pleuger contre l'ASIA et par la société EGET Forclum contre la société Spie Batignolles Petavit ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 3, 4 et 5 du jugement n° 0801991 du Tribunal administratif de Lyon en date du 7 octobre 2010 sont annulés.

Article 2 : Les demandes présentées par la société Spie Batignolles Petavit contre l'Etat et contre la société EGET Forclum, par l'ASIA contre la société Spie Batignolles Petavit et contre la société Flowserve Pleuger sont rejetées.

Article 3 : Les frais d'expertise de première instance liquidés à la somme de 29 865,85 euros sont mis à la charge de l'ASIA.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE, à la société Spie Batignolles Petavit, à l'Association syndicale d'irrigation de l'Ain, à la société Flowserve Pleuger et à la société EGET Forclum.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2012 à laquelle siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Arbarétaz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 juin 2012.

''

''

''

''

1

2

N° 10LY02833

nv


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award