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19/06/2012 | FRANCE | N°12LY00233

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 19 juin 2012, 12LY00233


Vu, I, sous le n° 12LY00233, la requête, enregistrée le 24 janvier 2012, présentée pour la SOCIETE ELECTRICITE DE FRANCE (EDF), dont le siège est 22-30 avenue de Wagram à Paris (75008) ;

La SOCIETE EDF demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002551 du Tribunal administratif de Lyon

du 13 décembre 2011 qui, à la demande de la société Roozen France et de la société des Serres, a annulé l'arrêté du 22 février 2010 par lequel le préfet de l'Ain lui a délivré un permis de construire en vue de l'édification d'une installation de conditionnement

et d'entreposage de déchets activés (ICEDA), sur un terrain situé sur le territoire de l...

Vu, I, sous le n° 12LY00233, la requête, enregistrée le 24 janvier 2012, présentée pour la SOCIETE ELECTRICITE DE FRANCE (EDF), dont le siège est 22-30 avenue de Wagram à Paris (75008) ;

La SOCIETE EDF demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002551 du Tribunal administratif de Lyon

du 13 décembre 2011 qui, à la demande de la société Roozen France et de la société des Serres, a annulé l'arrêté du 22 février 2010 par lequel le préfet de l'Ain lui a délivré un permis de construire en vue de l'édification d'une installation de conditionnement et d'entreposage de déchets activés (ICEDA), sur un terrain situé sur le territoire de la commune de Saint-Vulbas ;

2°) de rejeter la demande de la société Roozen France et de la société des Serres devant le Tribunal administratif ;

3°) de condamner ces sociétés à lui verser chacune une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SOCIETE EDF soutient, en premier lieu, que le jugement attaqué, qui est entaché d'une contradiction de motifs, n'est dès lors pas suffisamment motivé au sens des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ; qu'en effet, après avoir relevé que l'ICEDA projetée a vocation à accueillir les déchets radioactifs issus de la déconstruction de Bugey 1 et doit aussi traiter les déchets issus de l'exploitation des réacteurs à eau pressurisée 2-3 et 4-5 du site du Bugey, et avoir donc ainsi reconnu que l'installation est liée et nécessaire à l'activité de la centrale du Bugey, le jugement conclut, de manière totalement contradictoire, que l'installation, d'envergure nationale, ne peut être regardée comme liée et nécessaire à l'activité du centre nucléaire de production d'électricité du Bugey, au sens de l'article UX 1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Vulbas ; qu'en second lieu, contrairement à ce que le Tribunal a estimé, l'arrêté attaqué respecte les dispositions de cet article, selon lesquelles : " Sont interdites les occupations et utilisations du sol non liées et nécessaires à l'activité de la centrale nucléaire " ; qu'en effet, l'activité de la centrale nucléaire du Bugey ne se limite pas à la phase d'exploitation de l'installation, mais inclut nécessairement son démantèlement ; que l'ICEDA accueillera les produits activés issus du démantèlement de la tranche 1 de la centrale, avant leur transfert vers une future installation de stockage ; qu'aucune installation ne peut actuellement accueillir les déchets issus du démantèlement ; que, de même, l'ICEDA servira d'installation d'entreposage et de transit pour certains déchets de faible activité produits par le démantèlement de Bugey 1, avant leur envoi vers un centre de stockage ; que l'ICEDA accueillera également les déchets activés produits par l'exploitation des tranches 2 à 5, toujours en activité, de la centrale du Bugey ; que l'ICEDA est donc bien liée et nécessaire à l'activité de cette centrale, conformément aux dispositions précitées de l'article UX 1 ; que la circonstance que l'ICEDA a également vocation à recevoir des déchets en provenance d'autres installations nucléaires est sans incidence, dès lors que ces dispositions ne font pas référence à une quelconque exclusivité de la centrale du Bugey ; que le fait que l'ICEDA ne soit pas réservée à l'usage exclusif de la centrale du Bugey ne permet pas, pour autant, de conclure qu'elle n'est pas liée et nécessaire à l'activité de cette centrale ; que le maire de la commune de Saint-Vulbas a émis le 17 novembre 2009 un avis favorable à la demande de permis, attestant ainsi de la parfaite conformité du projet avec le plan local d'urbanisme de cette commune ; que le jugement attaqué est ainsi entaché d'erreur de droit ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er mars 2012, présenté pour la société Roozen France et la société des Serres, qui demandent à la Cour :

- de rejeter la requête ;

- de condamner la SOCIETE EDF à leur verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Roozen France et la société des Serres soutiennent, en premier lieu, que c'est de manière claire, exempte de toute contradiction, que le Tribunal a estimé que l'ICEDA constitue une installation d'envergure nationale qui ne peut être regardée comme liée et nécessaire à l'activité de la centrale du Bugey, au sens des dispositions de l'article UX 1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Vulbas ; que le jugement attaqué n'est donc pas entaché d'une motivation irrégulière ; qu'en deuxième lieu, ce jugement n'est entaché d'aucune erreur de droit ; que la circonstance que le maire de la commune de Saint-Vulbas ait émis un avis favorable sur la demande de permis est sans incidence sur le sens des dispositions de l'article UX 1 du règlement du plan local d'urbanisme de cette commune, selon lesquelles : " Sont interdites les occupations et utilisations du sol non liées et nécessaires à l'activité de la centrale nucléaire " ; que ces dispositions visent le centre nucléaire de production d'électricité du Bugey ; que la commune n'a donc entendu autoriser exclusivement que les installations directement liées et strictement nécessaires au fonctionnement de cette centrale nucléaire, c'est à dire celles qui concourent à l'activité de production d'électricité de cette dernière ; qu'une installation d'entreposage de déchets radioactifs n'est en rien nécessaire à la production d'électricité ; que l'ICEDA, qui a pour seul objet de mettre en place une filière autonome et centralisée, à l'échelle nationale, pour le traitement et l'entreposage des déchets radioactifs produits sur l'ensemble des sites exploités par EDF, toujours en fonctionnement ou dont le démantèlement est prévu, n'est pas liée à l'activité de la centrale du Bugey ; que l'ICEDA constitue une installation nucléaire de base totalement autonome et indépendante de la centrale du Bugey, qui n'est ni liée ni nécessaire à cette dernière ; qu'en totale conformité avec les dispositions du plan local d'urbanisme, le conseil municipal de la commune de Saint-Vulbas a émis un avis défavorable au projet, par une délibération du 10 juillet 2006 ; que la SOCIETE EDF ne peut se prévaloir du fait qu'une installation de découplage et de transit sera mise en place au sein de l'ICEDA, cette installation, liée au démantèlement du réacteur Bugey 1, constituant une installation temporaire, destinée à répondre aux besoins de premier traitement et d'évacuation des déchets issus de ce démantèlement, indépendante de l'ICEDA, qui a simplement, par commodité et soucis d'économie, été intégrée à cette dernière ; que cette installation de découplage et de transit pourrait être mise en place indépendamment de tout centre d'entreposage des déchets ; que la circonstance qu'une partie de l'activité soit liée et nécessaire à la centrale du Bugey ne saurait rendre légale la construction envisagée, dès lors que l'essentiel de l'activité n'est pas liée et nécessaire à cette même centrale ; que, dans ces conditions c'est à bon droit que le Tribunal a estimé que le projet ne peut être regardé comme lié et nécessaire à l'activité de la centrale du Bugey, au sens de l'article UX 1 du règlement du plan local d'urbanisme ; que, subsidiairement, elles maintiennent les autres moyens qu'elles ont soulevés en première instance ; qu'ainsi, en troisième lieu, le permis de construire l'ICEDA a été artificiellement segmenté, ce qui n'a pas permis une appréciation globale de la réalité des travaux et a permis de soustraire une partie de la construction aux règles de procédure et de fond édictées par le code de l'urbanisme ; qu'une première demande de permis de construire a été présentée le 2 août 2008 pour la réalisation des fondations profondes de l'installation ; que l'administration a estimé que ces travaux ne relèvent pas du champ d'application du permis de construire ; que, pour autant, ces travaux sont indispensables à la réalisation de l'ICEDA et sont indissociables de la construction, leur seul objet étant précisément de permettre l'implantation de cette dernière ; qu'un ensemble immobilier unique doit faire l'objet d'un seul permis de construire, sauf dans l'hypothèse d'une opération complexe et de grande ampleur dont les éléments ont une vocation fonctionnelle autonome ; qu'en l'espèce, les deux composantes du projet sont indivisibles, tant sur le plan physique que sur le plan fonctionnel ; que, par suite, l'arrêté attaqué, qui ne porte que sur une partie seulement de la construction, est entaché d'illégalité ; qu'en outre, les déclarations préalables qui ont été déposées le 24 novembre 2009 pour la réalisation de travaux d'exhaussement et d'affouillement, lesquels sont liés et nécessaires à l'exécution du permis de construire, devaient, par suite, être inclus dans la demande de permis, en application de l'article R. 421-23 f) du code de l'urbanisme ; qu'en quatrième lieu, le dossier de la demande de permis de construire ne répond pas aux dispositions de l'article R. 431-8 f) du code de l'urbanisme ; que le permis de construire attaqué, tel que modifié par le permis modificatif du 6 décembre 2010, ne permet pas de déterminer les modalités d'accès et le tracé exact des voies d'accès routières et ferroviaires aux constructions ; que ces lacunes, qui ne sont pas compensées par les autres pièces dudit dossier, n'ont pas permis au service instructeur de disposer d'une information suffisante ; qu'elles ne peuvent, du fait de ces mêmes lacunes, faire valoir utilement leurs droits ; qu'en cinquième lieu, les travaux nécessaires à la réalisation du projet sont soumis à étude d'impact en application du code de l'environnement, ce qui imposait dès lors, en application de l'article R. 431-16 a) du code de l'urbanisme, que cette étude soit jointe au dossier de la demande de permis de construire ; que l'étude d'impact est obsolète et insuffisante, en ce qu'elle ne prend pas en compte la modification des fondations profondes de l'installation, initialement prévues à 13 mètres de profondeur et en définitive pouvant aller jusqu'à 55 mètres de profondeur ; que cette modification est susceptible d'avoir un impact sur l'hydrologie du site, situé en bordure immédiate du Rhône ; que l'étude d'impact ne comporte aucune évaluation des effets directs et indirects de l'installation projetée sur les activités humaines, et notamment sur les activités et productions agricoles et horticoles de Saint-Vulbas, situées en périphérie immédiate du site d'implantation ; que le dossier de la demande de permis ne pouvait donc être considéré comme complet et suffisant ; qu'en sixième lieu, la surface hors oeuvre nette des bâtiments existants sur le terrain d'assiette du projet n'a pas été indiquée dans la demande de permis de construire ; qu'il n'est donc pas justifié que le coefficient d'occupation des sols fixé par l'article UX 9 du règlement du plan local d'urbanisme a été respecté ; qu'en septième lieu, l'article UX 4 de ce règlement a également été méconnu, le déversoir utilisé pour l'évacuation des eaux pluviales qui est mentionné en défense n'apparaissant pas sur les plans de la demande de permis ; qu'en huitième lieu, comme indiqué précédemment, il est impossible de savoir si les modalités d'accès au site se feront dans des conditions de sécurité satisfaisantes ; que les caractéristiques du projet, qui comporte une voie d'accès située à proximité d'autres installations à risques, apparaissent de nature à présenter des dangers pour la sécurité publique ; que le préfet, qui a accordé le permis de construire sur la base d'un dossier insuffisant, a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que, par ailleurs, alors que l'eau constitue le plus grave facteur de risque pour la dissémination des substances radioactives, la SOCIETE EDF a choisi un site situé en bordure immédiate du Rhône, lequel constitue l'un des plus importants fleuves d'Europe, à proximité duquel vivent plusieurs millions de personnes et qui se jette dans la Méditerranée ; que cette seule considération suffit également à caractériser une erreur manifeste ; qu'en outre, le terrain d'assiette du projet, lequel constitue une installation particulièrement sensible, est concerné par le risque majeur lié à la rupture du barrage de Vouglans, situé sur l'Ain ; qu'aucune étude relative à cette question n'a été jointe au dossier de la demande de permis de construire, lequel a donc été délivré sans la moindre prise en compte de ce risque, particulièrement grave ; qu'aucune étude relative à ce dernier n'a été réalisée après la modification de la conception du projet, et notamment de ses fondations ; que l'arrêté attaqué fait ainsi courir de graves risques en termes de sécurité et de salubrité publiques, ce qui révèle là encore l'existence d'une erreur manifeste ; qu'en neuvième lieu, le permis de construire a été délivré en méconnaissance des règles relatives à l'archéologie préventive, n'ayant pas donné lieu aux consultations et prescriptions qui s'imposent en la matière, alors que la commune de Saint-Vulbas est dotée d'une patrimoine archéologique certain ; qu'en dixième lieu, au cours des phases préliminaires d'étude du projet litigieux, la SOCIETE EDF a découvert que le site d'implantation prévu, au sud de la centrale du Bugey, dans la zone dite de la butte, est un site contaminé, ayant servi de dépôt de déblais et de déchets radioactifs, dépourvus de dispositif de confinement ; qu'en conséquence, cette société avait parfaitement connaissance du fait que des risques forts de dissémination et de contamination radioactive existent ; que le projet interdira toute intervention en sous-sol pour l'extraction d'éventuels nouveaux matériaux contaminés ; que le contrôle des rejets radioactifs émanant de l'ICEDA sera rendu impossible par l'existence de ce terrain contaminé ; qu'aucune étude sur la question des risques résultant de la construction d'un bâtiment sur ce terrain n'a été versée au dossier de la demande de permis ; qu'ainsi, l'arrêté litigieux a été accordé en totale violation des impératifs de sécurité et de santé publiques ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 19 mars 2012, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 avril 2012 ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 avril 2012, présenté pour la SOCIETE EDF, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

La société requérante soutient, en outre, en premier lieu, que le moyen tiré du prétendu fractionnement illégal du projet manque en droit, comme en fait ; qu'à supposer qu'un projet soit réalisé en plusieurs phases, il importe simplement que l'autorité administrative dispose d'une information complète, portant sur l'ensemble du projet ; qu'en l'espèce, les travaux d'aménagement préalables ne relèvent pas du régime du permis de construire, mais de celui de la déclaration de travaux ; que le permis litigieux, qui couvre donc tous les travaux soumis au régime du permis de construire, constitue dès lors un permis complet ; que le préfet a disposé d'une information complète, le dossier de la demande comportant un plan des terrassements ; que l'article R. 421-23 f) du code de l'urbanisme n'interdit pas le dépôt de déclarations préalables en vue de la réalisation d'affouillements ou d'exhaussements, avant la délivrance d'un permis de construire ; qu'en tout état de cause, le dossier de la demande de permis a bien pris en compte les travaux d'aménagement qui ont été préalablement effectués ; qu'au demeurant la question de la régularité des déclarations préalables qu'elle a réalisées est sans incidence sur la légalité du permis de construire attaqué ; qu'en deuxième lieu, conformément à ce qu'impose l'article R. 431-8 f) du code de l'urbanisme, le dossier de la demande de permis de construire comporte toutes les informations nécessaires sur les conditions d'accès au site ; qu'en outre, un permis modificatif a été accordé le 6 décembre 2010 ; que la création de la voie ferrée interne au site n'est pas régie par le permis de construire ; que l'article R. 431-8 n'a pas pour vocation de décrire les conditions d'acheminement des déchets, qui relèvent d'une autorisation distincte, mais seulement de justifier l'insertion environnementale et paysagère du projet ; qu'en troisième lieu, la société Roozen France et la société des Serres ne peuvent utilement critiquer l'étude d'impact, aucune disposition n'imposant de réaliser une telle étude en l'espèce ; que cette étude n'est pas obsolète, comme le démontre l'addenda réalisé en 2009 qui a été joint à cette dernière, pour actualiser les données et démontrer l'absence de toute évolution notable des incidences du projet sur l'environnement ; qu'aucune modification substantielle n'a été apportée aux fondations du projet, les inclusions qui ont été réalisées ayant pour fonction de renforcer et stabiliser le sol sur lequel reposera l'ICEDA et n'étant pas liées mécaniquement ou reliées physiquement aux radiers du bâtiment ; que les caractéristiques des fondations de ce dernier n'ont pas été modifiées ; que l'impact desdites inclusions, qui traversent une couche d'argile imperméable, sur l'hydrologie du site est négligeable ; que l'analyse de l'impact sur les activités agricoles ressort indirectement de l'analyse générale des impacts sur le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques ; qu'il n'est pas établi que les activités agricoles n'auraient pas été suffisamment prises en compte ; qu'en quatrième lieu, l'administration, qui dispose d'un tableau de suivi des constructions qui ont été réalisées sur le site, disposait de tous les éléments nécessaires à l'appréciation de l'emprise au sol ; que le permis modificatif, qui reprend l'ensemble de ces données, justifie du respect du coefficient d'emprise au sol de 0,4 fixé par l'arrêt UX 9 du règlement du plan local d'urbanisme ; qu'en cinquième lieu, les eaux pluviales seront dirigées vers un déversoir existant, connu des services techniques de la commune, comme l'exige l'article UX 4 de ce règlement ; qu'en tout état de cause, la localisation du déversoir est représentée dans le dossier du permis modificatif ; qu'en sixième lieu, les risques liés à l'exploitation d'une activité relevant d'une législation distincte de la législation de l'urbanisme ne peuvent être utilement invoqués ; qu'aucun risque particulier tenant aux accès n'est démontré ; que les risques liés à la manipulation et au transport des déchets radioactifs sur le site sont traités au niveau de l'autorisation de l'installation ; que l'étude d'impact a pris en compte l'hydrologie du site ; que la société Roozen France et la société des Serres n'établissent pas les raisons pour lesquelles le préfet aurait dû considérer ces éléments comme insuffisants ; que le risque de rupture du barrage de Vouglans a été pris en compte dans le cadre du rapport préliminaire de sûreté et une étude spécifique a été réalisée sur la question du risque d'inondation externe ; que le projet n'a fait l'objet postérieurement d'aucune modification ; qu'en septième lieu, l'existence d'un patrimoine archéologique particulier sur le territoire de la commune de Saint-Vulbas n'est pas démontrée, et encore moins sur le terrain d'assiette du projet ; que la saisine du préfet n'est obligatoire, en application de l'article R. 523-6 du code du patrimoine, que pour les opérations réalisées à l'intérieur des zones d'archéologie préventive déterminées dans le cadre de la carte archéologique nationale ; qu'enfin, l'ICEDA sera implantée entre le Rhône et la butte artificielle réalisée à l'occasion de la construction de la centrale du Bugey, et non sur cette butte ; que le projet ne peut donc avoir pour effet de rendre impossible toute intervention future éventuelle sur la butte ; que la construction de l'ICEDA n'est pas susceptible de mobiliser une quelconque pollution radioactive qui serait présente dans la butte ; que ladite butte est parfaitement connue ; que les éléments qui y sont entreposés sont exempts de toute toxicité ; que le permis de construire litigieux n'a donc pas été délivré en violation des impératifs de sécurité et de santé publiques ;

En application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative, par une ordonnance du 19 avril 2012, l'instruction a été rouverte ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 mai 2012, présenté pour la société Roozen France et la société des Serres, qui, n'apportant aucun élément nouveau, n'a pas été communiqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 mai 2012, présenté pour la SOCIETE EDF, qui, n'apportant aucun élément nouveau, n'a pas été communiqué ;

Vu, II, sous le n° 12LY00290, la requête, enregistrée le 3 février 2012, présentée pour la SOCIETE ELECTRICITE DE FRANCE (EDF), dont le siège est 22-30 avenue de Wagram à Paris (75008) ;

La SOCIETE EDF demande à la Cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1002551 du Tribunal administratif de Lyon du 13 décembre 2011 qui, à la demande de la société Roozen France et de la société des Serres, a annulé l'arrêté du 22 février 2010 par lequel le préfet de l'Ain lui a délivré un permis de construire en vue de l'édification d'une installation de conditionnement et d'entreposage de déchets activés (ICEDA), sur un terrain situé sur le territoire de la commune de Saint-Vulbas ;

2°) de condamner la société Roozen France et la société des Serres à lui verser chacune une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SOCIETE EDF soutient, en premier lieu, que la condition d'urgence prescrite par l'article R. 811-15 du code de justice administrative est remplie, dès lors qu'un intérêt public majeur s'attache à l'édification de l'ICEDA, dans un délai compatible avec le programme de démantèlement des centrales nucléaires de première génération ; qu'en second lieu, conformément à ce que prescrit cet article, elle soulève un moyen sérieux, de nature à justifier le rejet des conclusions d'annulation qui ont été accueillies par le jugement attaqué ; qu'en effet, contrairement à ce que le Tribunal a estimé, l'arrêté attaqué respecte les dispositions de l'article UX 1 du règlement du plan local d'urbanisme, selon lesquelles : " Sont interdites les occupations et utilisations du sol non liées et nécessaires à l'activité de la centrale nucléaire " ; que l'activité de la centrale nucléaire du Bugey ne se limite pas à la phase d'exploitation de l'installation, mais inclut nécessairement son démantèlement ; que l'ICEDA accueillera les produits activés issus du démantèlement de la tranche 1 de la centrale, avant leur transfert vers une future installation de stockage ; qu'aucune installation ne peut actuellement accueillir les déchets issus du démantèlement ; que, de même, l'ICEDA servira d'installation d'entreposage et de transit pour certains déchets de faible activité produits par le démantèlement de Bugey 1, avant leur envoi vers un centre de stockage ; que l'ICEDA accueillera également les déchets activés produits par l'exploitation des tranches 2 à 5, toujours en activité, de la centrale du Bugey ; que l'ICEDA est donc bien liée et nécessaire à l'activité de cette centrale, conformément aux dispositions précitées de l'article UX 1 ; que la circonstance que l'ICEDA a également vocation à recevoir des déchets en provenance d'autres installations nucléaires est sans incidence, dès lors que ces dispositions ne font pas référence à une quelconque exclusivité de la centrale du Bugey ; que le fait que l'ICEDA ne soit pas réservée à l'usage exclusif de la centrale du Bugey ne permet pas, pour autant, de conclure qu'elle n'est pas liée et nécessaire à l'activité de cette centrale ; que le maire de la commune de Saint-Vulbas a émis le 17 novembre 2009 un avis favorable à la demande de permis, attestant ainsi de la parfaite conformité du projet avec le plan local d'urbanisme de cette commune ; que le jugement attaqué est ainsi entaché d'erreur de droit ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 février 2012, présenté pour la société Roozen France et la société des Serres, qui demandent à la Cour :

- de rejeter la requête ;

- de condamner la SOCIETE EDF à leur verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Roozen France et la société des Serres soutiennent, en premier lieu, que la requête à fin de sursis à exécution n'a pas donné lieu à la contribution prévue par l'article

R. 411-2 du code de justice administrative ; que cette requête est, par suite, irrecevable ; qu'en deuxième lieu, aucune urgence n'est démontrée, dès lors qu'il n'y a aucun intérêt général à construire et mettre en service une installation nucléaire de base destinée à l'entreposage de déchets fortement radioactifs sur la base d'un permis de construire qui a été annulé ; qu'il n'est pas établi que le programme de démantèlement serait remis en cause ; qu'en troisième lieu, le seul moyen tiré de l'erreur de droit que la société requérante soulève dans sa requête n'est pas susceptible d'entraîner le sursis à exécution du jugement attaqué, aucune démonstration du fait que les autres moyens qu'elle a développés devant le Tribunal devraient être écartés n'étant apportée ; qu'enfin, ce moyen n'est pas fondé ; que la circonstance que le maire de la commune de Saint-Vulbas ait émis un avis favorable sur la demande de permis est sans incidence sur le sens des dispositions de l'article UX 1 du règlement du plan local d'urbanisme de cette commune, selon lesquelles : " Sont interdites les occupations et utilisations du sol non liées et nécessaires à l'activité de la centrale nucléaire " ; que ces dispositions visent le centre nucléaire de production d'électricité du Bugey ; que la commune n'a donc entendu autoriser exclusivement que les installations directement liées et strictement nécessaires au fonctionnement de cette centrale nucléaire, c'est à dire celles qui concourent à l'activité de production d'électricité de cette dernière ; qu'une installation d'entreposage de déchets radioactifs n'est en rien nécessaire à la production d'électricité ; que, plus encore, l'ICEDA, qui a pour seul objet de mettre en place une filière autonome et centralisée, à l'échelle nationale, pour le traitement et l'entreposage des déchets radioactifs produits sur l'ensemble des sites exploités par EDF, toujours en fonctionnement ou dont le démantèlement est prévu, n'est pas liée à l'activité de la centrale du Bugey ; que l'ICEDA constitue une installation nucléaire de base totalement autonome et indépendante de la centrale du Bugey, qui n'est ni liée ni nécessaire à cette dernière ; qu'en totale conformité avec les dispositions du plan local d'urbanisme, le conseil municipal de la commune de Saint-Vulbas a émis un avis défavorable au projet, par une délibération du 10 juillet 2006 ; que la SOCIETE EDF ne peut se prévaloir du fait qu'une installation de découplage et de transit sera mise en place au sein de l'ICEDA, cette installation, liée au démantèlement du réacteur Bugey 1, constituant une installation temporaire, destinée à répondre aux besoins de premier traitement et d'évacuation des déchets issus de ce démantèlement, indépendante de l'ICEDA, qui a simplement, par commodité et soucis d'économie, été intégrée à cette dernière ; que cette installation de découplage et de transit pourrait être mise en place indépendamment de tout centre d'entreposage des déchets ; que la circonstance qu'une partie de l'activité soit liée et nécessaire à la centrale du Bugey ne saurait rendre légale la construction envisagée, dès lors que l'essentiel de l'activité n'est pas liée et nécessaire à cette même centrale ; que, dans ces conditions c'est à bon droit que le Tribunal a estimé que le projet ne peut être regardé comme lié et nécessaire à l'activité de la centrale du Bugey, au sens de l'article UX 1 du règlement du plan local d'urbanisme ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 mars 2011, présenté pour la SOCIETE EDF, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

La société requérante soutient, en outre, en premier lieu, qu'elle a acquitté la contribution à l'aide juridique prévue par l'article R. 411-2 du code de justice administrative, que sa requête est donc recevable ; qu'en deuxième lieu, l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'impose pas de caractériser une situation d'urgence ; qu'enfin, seul le moyen qui a été retenu par le jugement attaqué doit être contesté dans la cadre d'une demande de sursis à exécution d'un jugement ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 avril 2012, présenté pour la société Roozen France et la société des Serres, tendant aux mêmes fins que précédemment, le montant de la somme réclamée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative étant porté à 5 000 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2012 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de Me Clément, représentant la SCP UGGC et Associés, avocat de la SOCIETE EDF, et celles de Me Lacroix, représentant la SELARL Itinéraires Droit Public, avocat de la société Roozen France et de la société des Serres ;

Considérant que, par un jugement du 13 décembre 2011, à la demande de la société Roozen France et de la société des Serres, le Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 22 février 2010 par lequel le préfet de l'Ain a délivré à la SOCIETE EDF un permis de construire en vue de l'édification d'une installation de conditionnement et d'entreposage de déchets activés (ICEDA), sur un terrain situé sur le territoire de la commune de Saint-Vulbas ; que par deux requêtes distinctes, la SOCIETE EDF demande à la Cour, d'une part, d'annuler ce jugement, d'autre part, d'ordonner son sursis à exécution ;

Considérant que les requêtes susvisées tendent à l'annulation et au sursis à exécution d'un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la requête n° 10LY00233 :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivées " ;

Considérant qu'en jugeant que, bien que lié en partie au fonctionnement de la centrale nucléaire du Bugey, le projet litigieux, qui présente une dimension nationale, ne peut, dès lors, être regardé comme étant lié et nécessaire à l'activité de cette centrale, condition exigée par l'article UX 1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Vulbas pour que les travaux puissent être autorisés, le Tribunal n'a pas entaché son jugement de contradiction de motifs ; que celui-ci ne peut, par suite, être regardé comme étant insuffisamment motivé ;

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article UX 1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Vulbas : " Sont interdites les occupations et utilisations du sol non liées et nécessaires à l'activité de la centrale nucléaire " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'installation de conditionnement et d'entreposage de déchets activés (ICEDA), qui constitue une installation nucléaire de base, a vocation à accueillir les produits activés des réacteurs de première génération en cours de démantèlement, au nombre de huit, outre les produits activés issus de la déconstruction de la centrale de Creys-Malville, mais aussi les déchets résultant du fonctionnement des centrales nucléaires à eau pressurisée ou, plus généralement, respectant le domaine de fonctionnement de l'ICEDA, et ceci dans l'attente d'un exutoire définitif adapté, qui reste à définir ; qu'ainsi, même si des produits activés issus du démantèlement du réacteur 1 de la centrale du Bugey seront également stockés dans cette installation, ainsi que des déchets issus de l'exploitation des réacteurs 2 à 5 encore en activité de cette même centrale, l'ICEDA, qui correspond à la mise en place d'une filière nationale centralisée de stockage des produits activés, ne peut être regardée comme liée et nécessaire à l'activité de la centrale du Bugey, seule hypothèse dans laquelle une construction peut être autorisée en zone UX, en application des dispositions précitées de l'article UX 1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Vulbas ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SOCIETE EDF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 22 février 2010 par lequel le préfet de l'Ain lui a délivré un permis de construire ;

Sur la requête n° 10LY00290 :

Considérant que, dès lors qu'il est statué au fond sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant à ce que la Cour prononce le sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions des deux instances tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Roozen France et la société des Serres, qui ne sont pas, dans les présentes instances, parties perdantes, soient condamnées à payer à la SOCIETE EDF la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SOCIETE EDF le versement d'une somme globale de 3 000 euros au bénéfice de la société Roozen France et de la société des Serres sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 12LY00290 à fin de sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 13 décembre 2011.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de la SOCIETE EDF est rejeté.

Article 3 : La SOCIETE EDF versera à la société Roozen France et la société des Serres une somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE EDF, à la société Roozen France et à la société des Serres.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2012, à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président,

M. Zupan, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juin 2012

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N° 12LY00233, ...

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00233
Date de la décision : 19/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire. Légalité au regard de la réglementation locale.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP U.G.G.C. et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-06-19;12ly00233 ?
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