Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2011, présentée pour la SOCIETE CIVILE DE CHEVIGNY, dont le siège est Chevigny 58300 Decize, par Me Battoue ;
La SOCIETE CIVILE DE CHEVIGNY demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902757 du 27 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de la Nièvre a rejeté sa demande en date du 31 juillet 2009 de régularisation de son étang, et de la décision du 11 juin 2009 du chef de service de l'environnement et de l'espace rural de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt qui l'a informé que l'étang n'était pas régularisé ;
2°) d'annuler et de réformer les deux décisions susmentionnées en reconnaissant l'existence régulière de l'étang ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la procédure est irrégulière, car contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, dont le jugement n'est pas motivé, l'administration n'a pas respecté les articles L. 216-4 et L. 216-5 du code de l'environnement, applicables en l'espèce ; que l'intervention, le 10 septembre 2008, de deux agents de la police de l'eau, la visite des lieux du 15 octobre 2008, et la rédaction du rapport de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques ont méconnu les droits de la défense, le droit de propriété et l'inviolabilité du domicile, le jugement n'étant pas motivé sur ce point ; que le préfet a commis une erreur d'appréciation, et a méconnu les principes de sécurité juridique, de clarté, et d'intelligibilité des normes de droit ; qu'elle remplit les conditions prévues par le III de l'article L. 214-6 du code de l'environnement ; qu'en effet l'étang en litige n'a pas été en assec plus de deux ans ; qu'il est alimenté exclusivement par les eaux de ruissellement ; qu'il n'est pas justifié de la remise en cause de ses droits acquis, la régularité du plan d'eau ne pouvant être constatée dès lors qu'il existe depuis au moins 1903, et figure au cadastre au moins depuis 1963 ; qu'il a été créé dans le respect des règles antérieures à la loi du 4 janvier 1992 ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 février 2012, par lequel la requérante persiste dans ses écritures par les mêmes moyens ;
Elle soutient en outre avoir déposé à la préfecture avant le 31 décembre 2006 une fiche d'information préalable à la demande de régularisation du plan d'eau, contenant les informations prévues par l'article 41 du décret du 29 mars 1993 ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 février 2012, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports, et du logement, qui conclut au rejet de la requête ;
Le ministre soutient que les moyens tirés de l'irrégularité de procédure sont inopérants, et non fondés ; que le préfet n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation, car la société ne démontre pas la régularité de son plan d'eau, qui a connu un assec de plus de deux ans ; que le principe de sécurité juridique ne peut être invoqué à l'encontre d'une décision individuelle ; que la société ne peut bénéficier de la régularisation prévue par l'article L. 214-6 du code de l'environnement, car elle ne démontre pas que le plan d'eau a bénéficié d'une autorisation ou fait l'objet d'une déclaration avant le 3 janvier 1992, et l'assec a duré d'octobre 2005 à septembre 2008, comme le montre la photographie IGN, les photographies prises en 2008, et la lettre de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques du 22 janvier 2009 ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 mai 2012, présenté pour la requérante, tendant aux mêmes fins et moyens que ceux précédemment invoqués, et tendant en outre au sursis à statuer dans l'attente de l'examen de la plainte pénale qu'elle a intentée le 29 mars 2011 ;
Elle soutient en outre que la non communication par le Tribunal de son mémoire en date du 11 mars 2011, qui développe son argumentation quant à la validité de la procédure suivie par la police des services de l'eau et la notion de l'assec, entache d'irrégularité le jugement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2012 :
- le rapport de M. Rabaté, président ;
- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
- et les observations de Me Battoue pour la SOCIETE CIVILE DE CHEVIGNY ;
Considérant que la SOCIETE CIVILE DE CHEVIGNY relève appel du jugement n° 0902757 du 27 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 11 juin 2009 du chef de service de l'environnement et de l'espace rural de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de la Nièvre qui l'a informée que l'étang situé dans la commune de Decize dont elle est propriétaire devait faire l'objet d'une déclaration ou d'une autorisation, et du rejet implicite par le préfet de son recours hiérarchique dirigé contre ladite décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 214-6 du code de l'environnement : "(...) II Les installations, ouvrages et activités déclarées ou autorisées en application d'une législation ou règlementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre. / III Les installations, ouvrages, et activités qui n'entrant pas dans le champ d'application du II, ont été soumis à compter du 4 janvier 1992, en vertu de la nomenclature prévue à l'article L. 214-2, à une obligation de déclaration ou d'autorisation à laquelle il n'a pas été satisfait, peuvent continuer à fonctionner ou se poursuivre si l'exploitant, ou à défaut le propriétaire, a fourni à l'autorité administrative les informations prévues par l'article 41 du décret n° 93-742 du 29 mars 1993, au plus tard le 31 décembre 2006. / Toutefois, s'il apparaît que le fonctionnement de ces installations ou ouvrages ou la poursuite de ces activités présente un risque d'atteinte grave aux intérêts mentionnés à l'article L. 211-1, l'autorité administrative peut exiger le dépôt d'une déclaration ou d'une demande d'autorisation. / Au delà du 31 décembre 2006, les informations mentionnées au 1er alinéa du présent III peuvent être reçues et examinées par l'autorité administrative. Si la preuve est apportée de la régularité de la situation de l'installation ouvrage ou activité à la date à laquelle il s'est trouvé soumis à autorisation ou déclaration par l'effet d'un décret pris en application de l'article L. 214-3, si l'exploitation n'a pas cessé depuis plus de deux ans et si ces opérations ne présentent pas un danger ou un inconvénient grave pour les intérêts mentionnés à l'article L. .211-1, l'autorité administrative peut accepter la continuation du fonctionnement de l'installation ou de l'ouvrage ou la poursuite de l'activité considérée (...) " ;
Considérant qu'il ressort de l'examen de la décision du 11 juin 2009 que son signataire s'est fondé sur les dispositions du 3e alinéa du III de l'article L. 214-6 précité du code de l'environnement et a estimé, en ce qui concerne les conditions posées par celles-ci, que, s'il pouvait être admis que l'étang en litige ne présentait pas de danger ou d'inconvénient grave au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 du même code et que son exploitation n'avait pas cessé pendant plus de deux ans, toutefois il ne pouvait envisager une régularisation compte tenu de " l'absence de demande et d'accord administratif pour la création de votre plan d'eau par l'ancien propriétaire " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que ledit étang, d'une surface de 1,389 hectare, n'est alimenté par aucun cours d'eau, qu'il est mentionné au cadastre depuis au moins 1963, la plus ancienne preuve de son existence remontant à l'année 1903, et existait encore lors de l'intervention du décret pris en application de la loi susvisée du 3 janvier 1992 ; qu'ainsi, alors qu'un tel ouvrage n'était soumis, avant cette loi, à aucune obligation de déclaration ou d'autorisation, la SOCIETE CIVILE DE CHEVIGNY, contrairement à ce que soutient le ministre, doit être regardée comme apportant la preuve de la régularité de la situation de son étang, au sens des dispositions précitées, à la date à laquelle un tel ouvrage s'est trouvé soumis à autorisation ou à déclaration ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que la présence de l'étang ne présente aucun danger ou inconvénient grave pour les intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement ;
Considérant qu'ainsi qu'il ressort de ce qui a été dit plus haut, la direction départementale de l'équipement et de l'agriculture a reconnu, dans sa décision en date du 11 juin 2009, que l'assec de l'étang, donc son inexploitation, a été d'une durée inférieure à deux ans ; que le service a modifié ultérieurement sa position sur ce point, suite à un " rapport d'information " de deux pages établi le 22 janvier 2009 par l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, et fondé sur les déclarations d'un voisin de la SOCIETE CIVILE DE CHEVIGNY, et sur des photographies prises par des agents de l'Office en 2008 ; que le préfet a également pris en compte une photographie aérienne établie en 2007 par l'Institut géographique national (IGN) ; qu'il ressort toutefois des pièces produites par la SOCIETE CIVILE DE CHEVIGNY qu'une procédure judiciaire l'a opposé à son voisin sur la vente de parcelles, au cours de la période 2006 à 2010 ; que, dès lors, les déclarations de l'intéressé ne peuvent être regardées comme probantes ; que les photographies versées au dossier ne démontrent pas que l'inexploitation de l'étang a duré plus de deux ans ; que dans ces conditions, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la requérante remplissait toutes les conditions prévues par les dispositions précitées du 3e alinéa du III de l'article L. 214-6 du code de l'environnement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE CIVILE DE CHEVIGNY, sans qu'il soit utile de surseoir à statuer dans l'attente de l'examen de la plainte pénale qu'elle a intentée et d'examiner ses autres moyens, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à la requérante une somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 27 avril 2011, la décision du 11 juin 2009 du chef de service de l'environnement et de l'espace rural de la direction départementale de l'agriculture, et le rejet implicite par le préfet de la Nièvre du recours hiérarchique dirigé contre cette décision sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à la SOCIETE CIVILE DE CHEVIGNY une somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE CIVILE DE CHEVIGNY, et au ministre de l'écologie, du développement durable, et de l'énergie. Copie en sera adressée au préfet de la Nièvre.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2012 à laquelle siégeaient :
M. du Besset, président de chambre,
M. Rabaté, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 juin 2012.
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N° 11LY01634