Vu la requête, enregistrée le 31 mai 2011, présentée pour la SCI LES FRAMBOISIERS, dont le siège est au lieu-dit " Le Mouillon " à Trèves (69420) ;
La SCI LES FRAMBOISIERS demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0804782 du Tribunal administratif de Lyon du
31 mars 2011 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mai 2008 par lequel le maire de la commune de Trèves (Rhône) a retiré le permis de construire qui lui avait été délivré le 11 février 2008, pour des travaux portant sur un bâtiment dont elle est propriétaire, et a rejeté la demande de permis ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de condamner la commune de Trèves à lui verser :
. une somme de 80 000 euros en réparation des préjudices causés par l'arrêté précité du 6 mai 2008,
. une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société requérante soutient qu'en application de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, par l'arrêté attaqué, le maire pouvait seulement retirer le permis de construire précédemment accordé, et non également rejeter la demande de permis ; que la demande ne peut être rejetée après l'édiction d'un arrêté exprès et l'expiration du délai d'instruction ; qu'en application de ce même article, un permis de construire ne peut être retiré que s'il est illégal ; que le permis de construire qui a été délivré le 11 février 2008 est légal, faisant suite à une demande déposée conformément à la législation en vigueur, après concertation avec la mairie et la direction départementale de l'équipement ; que l'arrêté attaqué n'est pas suffisamment motivé au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ; que, contrairement à ce qu'indique l'arrêté attaqué, la demande qu'elle a présentée, en concertation avec l'administration, a porté sur l'ensemble des travaux précédemment engagés sans autorisation, que cette demande visait à régulariser ; qu'elle a seulement consolidé la façade sud du bâtiment ; que la commune avait une parfaite connaissance de l'opération ; qu'en tout état de cause, le maire ne pouvait retirer le permis accordé précédemment au seul motif que la demande était partielle ; que la commune ne démontre pas qu'une partie du bâtiment aurait été construite sans autorisation ; qu'elle s'est bornée à réaliser des travaux de consolidation et à rafraîchir les bâtiments d'habitation existants ; qu'en tout état de cause, le permis délivré a permis de régulariser les travaux précédemment effectués, comme l'indique l'observation contenue dans l'arrêté attaqué ; qu'aucun permis de démolir n'était exigé ; que le projet ne consiste pas en une extension, la superficie ayant au contraire été diminuée à la suite de la suppression d'un ouvrage de jonction entre deux bâtiments ; que les travaux se limitent à un aménagement du bâti à l'intérieur du volume existant ; que la surface hors oeuvre nette, qui était de 720 m², a été réduite à 660 m² ; que les bâtiments étaient à usage d'habitation, et non à usage agricole ; que le projet aurait dû relever de la simple déclaration de travaux, en application de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme, aucune surface hors oeuvre brute n'ayant été créée, aucun changement de destination n'ayant été réalisé et le volume des bâtiments n'ayant pas été modifié ; qu'ainsi, le maire ne pouvait pas légalement retirer le permis de construire du 11 février 2008 ; que l'arrêté attaqué est en outre entaché de détournement de pouvoir, le maire ayant entendu favoriser l'intérêt de ses frères, qui résident à proximité du terrain d'assiette du projet litigieux et ont présenté un recours gracieux à l'encontre de ce permis de construire, et son gérant s'étant présenté sur une liste d'opposition aux élections municipales, après la délivrance du permis ; que la commune de Trèves devra être condamnée à l'indemniser des préjudices résultant de l'illégalité de l'arrêté attaqué ; qu'elle ne peut louer les bâtiments, ou les vendre ; qu'elle a réalisé des investissements importants en pure perte ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 novembre 2011, présenté pour la commune de Trèves, représentée par son maire, qui demande à la Cour :
- de rejeter la requête ;
- de condamner la SCI LES FRAMBOISIERS à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La commune soutient que, contrairement à ce qu'impose l'article R. 421-1 du code de justice administrative, la SCI LES FRAMBOISIERS ne l'a saisie d'aucune réclamation préalable ; que le courrier du 21 avril 2008 ne constitue pas une telle réclamation ; que les conclusions indemnitaires de la société requérante sont, par suite, irrecevables ; qu'en tout état de cause, aucune faute n'est démontrée, l'arrêté attaqué étant légal ; que la réalité et l'étendue des préjudices allégués ne sont pas établies ; que le maire a pu, surabondamment, préciser, dans l'arrêté attaqué, que le permis de construire est refusé ; qu'en, application de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, le maire a légalement procédé au retrait du permis de construire antérieurement délivré, en raison de l'illégalité de ce permis ; que l'arrêté attaqué est suffisamment motivé ; que la demande de permis de construire ne portait ni sur la façade sud, nouvellement créée, ni sur le changement de destination du bâtiment, principalement affecté à l'activité agricole, en habitation, ni sur la destruction complète de la toiture existante et son remplacement par une toiture neuve ; que cette demande ne peut ainsi être regardée comme valant régularisation des travaux réalisés antérieurement sans autorisation ; que le permis de construire du 11 février 2008 étant dès lors illégal, un permis ne pouvant porter sur un élément de construction prenant appui sur une partie de bâtiment construite sans autorisation, le maire pouvait régulièrement le retirer ; que, dans l'hypothèse dans laquelle la demande serait regardée comme portant sur l'ensemble du projet de construction, l'opération projetée méconnaîtrait les dispositions des articles N1 et N2 du règlement du plan local d'urbanisme ; que cette opération est bien soumise à l'obtention préalable d'un permis de construire, en application des dispositions des b) et c) de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme ; que le projet, qui vise à transformer un ancien corps de ferme, dont le clos et le couvert n'étaient plus assurés, en deux bâtiments distincts à usage d'habitation, ne peut, compte tenu de sa nature et de son importance, être regardé comme un aménagement et une rénovation d'une construction existante, mais consiste à édifier une construction nouvelle ; qu'il méconnaît donc l'article N1 du règlement, qui interdit les constructions et opérations d'aménagement à usage d'habitation ; que la surface hors oeuvre nette affectée à l'habitation, de 72 m², sera portée à 660 m², alors que l'article N2-1 du règlement impose une limite de 250 m² ; que toutes les demandes antérieures de la SCI LES FRAMBOISIERS faisaient état du changement de destination ; qu'ainsi, le permis de construire, qui était illégal, pouvait valablement être retiré par le maire ; que le maire n'ayant pas fait usage de ses pouvoirs dans un but autre que celui pour lequel ils lui ont été conférés, le détournement de pouvoir allégué n'est pas démontré ;
En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 7 février 2012, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2012 ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 février 2012, présenté pour la SCI LES FRAMBOISIERS, tendant aux mêmes fins que précédemment ;
La société requérante soutient, en outre, qu'elle a bien présenté une demande indemnitaire, par un courrier du 21 avril 2008 ; que l'expert qui a été désigné par le Tribunal correctionnel de Lyon a estimé que le maire avait nécessairement connaissance des travaux envisagés et qu'en toute hypothèse, le permis de construire du 11 février 2008 a vocation à régulariser la situation ; qu'elle a elle-même mandaté un expert, qui a dressé un rapport confirmant purement et simplement ses dires ; que l'expert judiciaire a confirmé la destination d'habitation des lieux ;
En application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative, par une ordonnance du 12 mars 2012, l'instruction a été rouverte ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 avril 2012, présenté pour la commune de Trèves, représentée par son maire, tendant aux mêmes fins que précédemment ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2012 :
- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
- et les observations de Me Boumédienne substituant Me Bouzerda, représentant la SCI LES FRAMBOISIERS, et celles de Me Combaret, avocat de la commune de Trèves ;
Considérant que, par un jugement du 31 mars 2011, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la SCI LES FRAMBOISIERS tendant à l'annulation de l'arrêté du
6 mai 2008 par lequel le maire de la commune de Trèves a retiré le permis de construire qui avait été délivré à cette société le 11 février 2008, pour des travaux portant sur un bâtiment dont elle est propriétaire, et a rejeté la demande de permis ; que la SCI LES FRAMBOISIERS relève appel de ce jugement ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisé du
11 juillet 1979 : " (...) doivent être motivées les décisions qui : / (...) retirent (...) une décision créatrice de droits (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que l'arrêté attaqué mentionne les motifs de droit et de fait qui fondent le retrait du permis de construire qui avait précédemment été délivré à la SCI LES FRAMBOISIERS et le rejet de la demande de permis présentée par cette dernière ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire (...) ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire " ; que, contrairement à ce que soutient la SCI LES FRAMBOISIERS, le maire de la commune de Trèves pouvait légalement, par un même arrêté, après avoir retiré le permis de construire qu'il avait délivré le 11 février 2008 à cette société, rejeter la demande présentée par cette dernière, dont il se trouvait, à la suite de ce retrait, à nouveau saisi et sur laquelle il devait, dès lors, à nouveau statuer ;
Considérant, en troisième lieu, que l'autorité compétente ne peut légalement accorder un permis de construire portant uniquement sur un élément de construction nouveau lorsque ce dernier prend appui sur une partie du bâtiment elle-même construite sans autorisation ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des photographies annexées au procès-verbal du 18 avril 2007 et du rapport du 13 décembre 2011 de l'expert nommé par le Tribunal de grande instance de Lyon, que les travaux que la SCI LES FRAMBOISIERS a réalisés à compter du mois d'avril 2007 sur les bâtiments qu'elle a acquis en octobre 2005, consistant notamment à reconstruire la façade sud du bâtiment implanté au nord-est du terrain d'assiette du projet, auraient nécessité la délivrance d'un permis de construire ; qu'il est constant que cette société n'a obtenu aucun permis de construire pour réaliser ces travaux ;
Considérant, d'autre part, que, la SCI LES FRAMBOISIERS soutient que le permis de construire qui lui a été délivré le 11 février 2008 a régularisé l'ensemble des travaux qu'elle a précédemment réalisés sans autorisation ; que, toutefois, à supposer même que la demande qu'elle a présentée puisse être regardée comme tendant à régulariser l'ensemble de ces travaux, et à poursuivre en outre l'aménagement de logements dans ces bâtiments, le maire de la commune de Trèves a précisé, dans son permis de construire du 11 février 2008, que " la présente décision ne vise qu'à régulariser les travaux déclarés dans la présente demande de permis de construire, soit démolition d'une partie du bâtiment, modification et création d'ouvertures et modification de l'escalier " ; qu'ainsi, ce permis ne peut être regardé comme valant régularisation de l'ensemble des travaux antérieurement effectués sans autorisation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le permis de construire du
11 février 2008, qui autorise des éléments de construction prenant appui sur une partie des bâtiments édifiée sans autorisation, est entaché d'illégalité ; que, dès lors, le maire de la commune de Trèves pouvait légalement, en application des dispositions précitées de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, pour ce motif, en prononcer le retrait ;
Considérant, en quatrième lieu, que, par son arrêté attaqué, le maire a également estimé que le permis de construire du 11 février 2008 est illégal au motif que le projet consiste, en réalité, à édifier une construction nouvelle à usage d'habitation, ce que l'article N1 du règlement du plan local d'urbanisme interdit, et au motif que ce permis autorise 660 m² de surface hors oeuvre nette, alors que l'article N2 du même règlement limite à 250 m² la surface hors oeuvre nette des travaux d'aménagement et d'extension réalisés en vue de l'habitation sur les constructions existantes ; que, toutefois, ces motifs de l'arrêté attaqué n'ont été opposés par le maire que dans l'hypothèse dans laquelle, ainsi que la SCI LES FRAMBOISIERS l'a fait valoir au cours de la procédure contradictoire préalable, ledit permis de construire serait regardé comme ayant pour objet de régulariser l'ensemble des travaux précédemment réalisés et d'autoriser la poursuite de l'aménagement des bâtiments ; que, dès lors que, pour la raison précitée, le permis ne peut être regardé comme ayant cet objet, les moyens de la SCI LES FRAMBOISIERS dirigés contre lesdits motifs sont inopérants ;
Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté par adoption des motifs des premiers juges ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI LES FRAMBOISIERS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Considérant que l'arrêté attaqué, qui n'est pas entaché d'illégalité, n'est, dès lors, pas fautif ; que, par suite, les conclusions de la société requérante tendant à la réparation des préjudices causés par cet arrêté ne peuvent, sans même qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ces conclusions, qu'être rejetées ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Trèves, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamnée à payer à la SCI LES FRAMBOISIERS la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette société le versement d'une somme au bénéfice de cette commune sur le fondement de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI LES FRAMBOISIERS est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Trèves tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI LES FRAMBOISIERS et à la commune de Trèves.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2012, à laquelle siégeaient :
M. Moutte, président,
M. Zupan, président-assesseur,
M. Chenevey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 mai 2012.
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N° 11LY01320
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