Vu la requête, enregistrée le 27 octobre 2011, présentée pour M. Sif Eddine A, domicilié ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1102646 du 27 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant :
- d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 22 avril 2011 du préfet de la Savoie portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et prescrivant qu'à l'expiration de ce délai il serait reconduit d'office à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays où il établirait être légalement admissible ;
- d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en renonçant au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
Il soutient que :
- le médecin inspecteur de santé publique ne l'a jamais convoqué pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale comme le prévoit l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;
- il ne dispose pas de moyens financiers lui permettant de poursuivre son traitement dans son pays d'origine ;
- le médecin inspecteur de santé publique n'a pas émis d'avis concernant la possibilité de voyager sans risque vers son pays de renvoi, alors qu'il est dans l'impossibilité de supporter un long voyage compte tenu de son état de santé nécessitant une surveillance régulière ;
- le refus de titre méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de sa situation de concubinage depuis deux ans avec une ressortissante belge avec laquelle il projetait de se marier ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) du 2 décembre 2011 accordant à M. A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 décembre 2011, présenté par le préfet de la Savoie, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- les dispositions des articles L. 313-11-11° et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient qu'une possibilité pour le médecin de l'agence régionale de santé de convoquer le demandeur de titre devant une commission médicale régionale et non une obligation de convocation, de sorte que M. A n'avait pas à être convoqué devant cette commission ;
- M. A ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour à raison de son état de santé, dès lors que le médecin inspecteur de santé publique a estimé qu'il pouvait avoir accès dans son pays aux soins nécessités par son état de santé ; la réglementation en vigueur ne prévoit pas un examen des moyens financiers du demandeur ni la précision par le médecin inspecteur de la possibilité pour l'intéressé de voyager ;
- à la date des décisions en litige, M. A ne justifiait pas de l'ancienneté de sa relation avec sa compagne de nationalité belge, ni ne présentait d'éléments concrets concernant son projet de mariage, qui n'est intervenu que six mois plus tard ; la pérennité du séjour de la compagne de M. A n'est pas établie ; les décisions en litige ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie familiale et privée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2012 :
- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 613-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 613-2 de ce code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinées par la juridiction (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'instruction écrite est normalement close dans les conditions fixées par l'article R. 613-1 ou bien, à défaut d'ordonnance de clôture, dans les conditions fixées par l'article R. 613-2 ; que, toutefois, conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture d'instruction, d'en prendre connaissance avant de rendre sa décision, ainsi que de la viser ; qu'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte, après l'avoir analysée ; qu'il n'est toutefois tenu de le faire que si cette production contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ; que M. A soutient qu'il a présenté des moyens, tirés de l'absence de procédure régulière suivie devant le médecin inspecteur de santé publique et de l'impossibilité pour lui de poursuivre son traitement dans son pays d'origine en l'absence de moyens financiers suffisants, auxquels les premiers juges n'ont pas répondu ; que toutefois, en l'espèce, ces moyens, qui n'étaient fondés ni sur un fait qui ne lui aurait pas été connu à la date de la clôture d'instruction, ni sur une circonstance de droit nouvelle postérieure à cette date et ne constituent pas des moyens d'ordre public que le juge aurait dû relever d'office, n'ont été soulevés que dans son mémoire parvenu après la clôture d'instruction, dont le défaut de visa n'est pas soulevé ; que par suite, les premiers juges en ne répondant pas, dans le jugement attaqué, à ces moyens, n'ont pas entaché celui-ci d'irrégularité ;
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral en litige :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ;
Considérant, d'une part, que l'avis du médecin inspecteur de santé publique en date du 11 mars 2011, qui n'a pas été précédé de la convocation de M. A, n'a pas été, pour ce motif, rendu dans des conditions irrégulières, dès lors que la décision de convoquer l'intéressé devant la commission régionale médicale constitue une simple faculté pour le médecin inspecteur de santé publique ; que si M. A soutient que l'avis du médecin inspecteur de santé publique ne comportait pas d'indication sur la possibilité pour lui de voyager sans risque vers son pays d'origine, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage ; que dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir que cet avis serait irrégulier faute de comporter une telle mention ;
Considérant, d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique, que cette décision ne peut pas avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans son pays d'origine ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause en Algérie ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut pas en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis du médecin inspecteur de santé publique en date du 11 mars 2011, que, si l'état de santé de M. A nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que les différents certificats médicaux produits par le requérant en première instance, s'ils font état de la nécessité d'un traitement et d'un suivi médical en conséquence d'un infarctus du myocarde, d'une angioplastie de l'artère inter-ventriculaire et de la mise en place d'un stent actif, ne sont pas de nature à remettre en cause ces constatations ; qu'ils ne sont pas davantage de nature à démontrer que M. A, qui se borne à affirmer qu'il ne dispose d'aucun revenu et que sa compagne est bénéficiaire du revenu de solidarité active, ne pourra pas effectivement bénéficier, dans son pays d'origine, de la prise en charge médicale qui lui est nécessaire ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet de la Savoie lui refusant le titre de séjour qu'il demandait en raison de son état de santé, a méconnu les stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
Considérant que M. A, célibataire et sans enfant à la date des décisions en litige, et qui a déclaré être entré en France en 2006 sans titre de séjour, alors même qu'il a présenté par la suite un passeport établi en novembre 2005 et périmé en novembre 2010, se prévaut, sans en justifier, d'une relation de concubinage, durant deux années, avec une ressortissante belge, avec laquelle il partageait alors un projet de mariage ; que, toutefois, à cette date, il ne disposait en France d'aucune attache familiale alors qu'il a vécu l'essentiel de son existence en Algérie où, ainsi qu'il vient d'être dit, il pourra bénéficier de la prise en charge médicale que son état de santé requiert ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les décisions en litige n'ont pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises ; qu'elles n'ont ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation des décisions préfectorales en litige ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Sif Eddine A, au préfet de la Savoie et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2012 à laquelle siégeaient :
M. Fontanelle, président de chambre,
M. Reynoird et M. Seillet, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 10 mai 2012.
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N° 11LY02565